Patrimoine : l'opération transparence tourne à la bagarre politique à gauche et à droite

Par latribune.fr  |   |  734  mots
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Les responsables politiques doivent-ils ou non rendre public leur patrimoine? L'affaire Cahuzac pose aux membres de la classe politique une question sensible qui n'a pas manqué de provoquer un débat houleux ce mardi. Le point sur les arguments de chacun.

L'affaire Cahuzac produit encore ses secousses. Le débat sur la transparence a tourné au pugilat politique ce mardi. Dans les couloirs de l'Assemblée et devant les médias, à gauche comme à droite, l'idée de donner des informations sur son patrimoine est plus ou bien moins bien reçue. Un débat sur un sujet tabou qui intervient alors que Matignon a exigé de ses ministres et de leurs assistants qu'ils dévoilent leur patrimoine et à la veille de la publication du projet de loi sur la moralisation de la vie politique.

Montebourg et son fauteuil à 28.000 euros

Les "pour" appartiennent aux deux bords. Prenant les devants après Marie-Arlette Carlotti, la ministre déléguée aux Personnes handicapées et à l'Exclusion ou Cécile Duflot, ministre du Logement, la veille, Arnaud Montebourg a donné des informations sur ses biens ce mardi. Le ministre du Redressement productif a ainsi affirmé qu'il possédait un patrimoine d'environ 600.000 euros, dont un fauteuil Eames évalué à 28.000 euros. Des responsables de droite ont également publié le même type d'informations. Laurent Wauqiez et François Fillon ont été rejoints par Bruno Lemaire, député UMP de l'Eure, ou encore Philippe Dallier, le sénateur UMP de la Gironde.

Copé crie au "voyeurisme"

Mais à gauche comme à droite, cette opération transparence a provoqué un débat houleux. Il a même réveillé l'affrontement Copé-Fillon. L'actuel patron de l'UMP à ainsi crié gare au "voyeurisme" et à "l'hypocrisie" d'une telle démarche. Sur la même ligne, Nadine Morano déplorait sur France inter un procédé "absolument démagogique". De son côté, Christian Jacob, le chef de file des députés UMP, a quant à lui, choisi de pousser le raisonnement jusqu'au bout en proposant de rendre la déclaration de patrimoine obligatoire pour d'autres Français, comme les magistrats, les patrons d'organisations syndicales, d'ONG, les journalistes.

"Et puis, si on veut être cohérent (...) demandons simplement qu'à partir de maintenant, tous les citoyens français aient l'obligation de rendre publique leur déclaration de revenus et de patrimoine!", s'est-il exclamé sur Europe 1.  Il s'agissait en l'occurrence d'un raisonnement par l'absurde mais rappelons que la déclaration publique de patrimoine se pratique dans d'autres pays européens.

A droite, les critiques se rapportaient essentiellement au cas de Jérôme Cahuzac. Ainsi, le député Eric Ciotti a estimé sur iTélé qu'il s'agissait avec cette démarche de "faire diversion". Reprenant des termes utilisés par Louis Aliot, le vice-président du Front national, Michel Herbillon, député UMP du Val de Marne, a profité d'échanges musclés lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale pour lancer: "on est passé de la gauche caviar à la gauche Caïmans".

>> VIDEO : Echanges musclés à l'Assemblée nationale

"Si quelqu'un a quelque chose à cacher, l'opération transparence, il n'en a rien à cirer!"

A gauche non plus, la fameuse déclaration de patrimoine ne faisait pas l'unanimité. L'un des chefs de file du Front de gauche, André Chassaigne, a ainsi rejeté une "fausse bonne solution" ayant "un côté un peu malsain qui peut conduire à livrer à la vindicte populaire des élus qui sans être fortunés ont parfois des biens de famille alors qu'une partie des Français se trouve dans les pires difficultés". Chez les écologistes, Daniel Cohn-Bendit a fait usé de sa verve habituelle pour faire remarquer sur RTL que "si quelqu'un a quelque chose à cacher, l'opération transparence, il n'en a rien à cirer!" Un autre député écologiste, Noël Mamère, s'est pour sa part fendu d'un texte paru sur le site Rue89 où il enjoint le gouvernement socialiste de ne pas confondre "transparence et inquisition".

Lebranchu gênée pour sa famille

Au sein même du gouvernement, la transparence gène. "L'épluchage des patrimoines m'a toujours gênée et me gênera toujours par rapport à mes enfants, mon mari" qui "après tout, n'a pas épousé la classe politique tout entière", a estimé la ministre de la Fonction publique Marylise Lebranchu. Au PS, le président de la Commission des lois de l'Assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas a indiqué dans le Parisien qu'il ne souhaitait pas se soumettre à l'obligation de publier son patrimoine à moins que cela ne figure dans la loi. Quant à Jérôme Cahuzac, il a été exclu à l'unanimité du Parti socialiste ce mardi soir.