François Hollande : 13 mesures chocs pour rebondir (4/4)

Par Ivan Best, Romaric Godin, Philippe Mabille, Fabien Piliu, Mathias Thépot  |   |  1106  mots
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Le chef de l'État a affronté ce dimanche 5 mai la colère de la gauche qui l'a porté au pouvoir le 6 mai 2012. Un an après, le président voit son autorité contestée et sa capacité à sortir la France de la crise est mise en doute. François Hollande veut reprendre l'offensive pour relancer son quinquennat. Pour sortir du labyrinthe de la crise, La Tribune liste les 13 mesures chocs qui pourraient donner un nouveau souffle à la croissance. Dans cette quatrième partie, l'unification des régimes de retraite, un amendement du principe de précaution...

10./ Décentralisation : supprimer un échelon
La réforme de la décentralisation semble enlisée, remise constamment sur le métier depuis l'automne. Pourtant, la gauche est attendue sur ce terrain. N'est-ce pas un gouvernement socialiste qui a fait franchir à ce projet la plus grande étape, avec les lois Defferre? Aujourd'hui, c'est la clarification des compétences, entre les différentes collectivités locales, qui s'imposerait. Cela pourrait passer, d'abord, par la suppression d'un échelon administratif. Défendue par la commission Attali, la suppression des départements fait partie des pistes de réforme. Elle aurait pour intérêt de mettre la France aux normes européennes. Mais comme on l'a vu avec l'échec du référendum en Alsace début avril, le département fait encore de la résistance.
Par ailleurs, donner plus de poids aux communautés de communes ou d'agglomération sur les communes elles-mêmes rendrait la gestion locale plus efficace, et moins coûteuse. Des moyens pourraient être mieux mutualisés. À condition que les bonnes décisions soient prises : les magistrats de la Cour des comptes se souviennent des agents de la ville de Marseille, qui devaient être transférés avec leurs missions à la communauté urbaine (Marseille Provence métropole). Devant leur refus, les dirigeants de la communauté avaient pris simplement le parti... d'embaucher d'autres agents.

11./ Unifier les régimes de retraite
Que va faire François Hollande en matière de retraite? Allonger encore la durée de cotisation? Avec quel gain? Pourtant, il existe de vraies possibilités de réforme, que, aux dires des experts, seul un gouvernement de gauche peut mettre en ?uvre. Il s'agirait de mettre fin aux régimes spéciaux que rien ne justifie vraiment. Le premier d'entre eux est celui des fonctionnaires. Pourquoi ne pas les intégrer dans le régime général des retraités?
Rien ne s'oppose techniquement à une telle réforme. Politiquement, cela signifierait la fin du statut des fonctionnaires, érigé en 1945... évidemment délicat. L'intérêt d'une telle réforme, ce serait bien sûr de mettre fin aux avantages quelque peu exorbitants des agents de l'État, dont la pension est calculée sur les six derniers mois de traitement, alors que, pour les salariés du privé, est prise en compte la moyenne des vingt-cinq meilleures années... Les autres régimes spéciaux, qui prévoient toujours des départs peu après 50ans (SNCF, EDF, RATP...) pourraient aussi être revus. Nicolas Sarkozy disait les avoir réformés. Il reste du chemin à parcourir. De quoi combler une grande partie du déficit global des retraites. Pour faire bonne mesure, il serait possible de faire rentrer dans le rang certaines professions, qui, par statut dérogatoire ne cotisent pas à l'assurance vieillesse : c'est le cas des médecins généralistes.

12./ Un vrai choc pour le logement
Parmi les marqueurs de gauche, le logement vient en première place. Il faut dire que la crise s'aggrave (voir notre dossier dans La Tribune du 26 avril). Cécile Duflot a déjà commencé à hausser le ton en procédant à de premières réquisitions de bureaux et de logements vacants à Paris. La ministre, faute de moyens, veut aller plus loin dans les mesures dirigistes pour supprimer les obstacles à la construction de nouveaux logements. François Hollande a déjà prévu d'agir par ordonnance pour diviser par deux les délais moyens de traitements des recours de tiers contre les permis de construire, mais c'est surtout un délai plafond de quelques mois qu'il faudrait instaurer pour éradiquer la menace des recours mafieux. En parallèle, un moratoire de deux ans sur l'instauration de nouvelles normes va être acté. Ce, pour permettre aux promoteurs de mettre sur le marché des logements plus rapidement. Il faudrait aller plus loin et supprimer les normes existantes qui rallongent les opérations de construction. Les professionnels du secteur s'exaspèrent notamment des normes d'accessibilité pour les personnes handicapées qui doivent être appliquées à la totalité des logements, soit bien plus que la proportion de personnes handicapées dans la population. Sur le marché locatif, les relations entre propriétaires et locataires sont très tendues. Redoutant des impayés (qui représentent en réalité moins de 5% des locataires) et la grande complexité des procédures d'expulsion, les propriétaires préfèrent parfois laisser leur bien vacant, ou alors demandent des garanties indécentes aux locataires, excluant de fait les personnes les moins aisées. Pour accompagner l'instauration de la nouvelle garantie universelle des loyers, le gouvernement pourrait imaginer d'accélérer les procédures d'expulsion pour impayés des locataires, afin de détendre les propriétaires.

13./ Amender le principe de précaution
Selon le rapport parlementaire Lambert-Boulard sur l'inflation des normes (voir page16), remis en mars à Jean-Marc Ayrault, « l'épidémie [de normes] a été relancée par le principe de précaution qui fonde une société peureuse, frileuse, paralysée par l'obsession de prévenir tous les aléas ». Le principe de précaution inscrit dans la Constitution par Jacques Chirac en 2005 est considéré comme un frein à la croissance et nombre d'économistes estiment qu'il faut au moins l'amender sinon le retirer. « Il nous a été demandé si l'idée d'une instruction facilitatrice des normes était possible en droit. La question est, par elle-même, révélatrice de l'état de glaciation de notre système juridique pollué lui aussi par le principe de précaution qui tend à faire préférer la sécurité dans l'application automatique d'une règle au risque de son interprétation », estiment les députés Alain Lambert et Jean-Claude Boulard. En 2008, la Commission pour la libération de la croissance française dirigée par Jacques Attali était sur la même longueur d'ondes et jugeait impératif de repenser l'article 5 de la Constitution. Les polémiques sur les OGM ou sur les méthodes d'extraction du gaz de schiste montrent les dangers d'un obscurantisme scientifique. Alors que les États-Unis sont en passe d'être indépendants dans le domaine énergétique, le développement de cette filière est stoppé net en France. « La constitutionnalisation du principe fige la réalité et constitue un obstacle à la croissance : le législateur devrait pouvoir conserver une marge de man?uvre pour définir des conditions précises d'application du principe », recommandait la commission Attali.

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