"Le quotient conjugal aussi aurait dû être plafonné"

Par Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut  |   |  509  mots
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Guillaume Allègre, économiste à l'OFCE et spécialiste des politiques familiales, réagit à la décision du gouvernement de diminuer le plafond du quotient familial. Pour lui, si cette mesure va dans le bon sens, le gouvernement aurait dû également en profiter pour instaurer un plafond au quotient conjugal des couples où il y a une grande inégalité de revenus entre les deux conjoints. Il milite ausi pour que tous les enfants donnent droit à une demi-part supplémentaire et non plus à une part à compter du troisième.

Finalement, le gouvernement a opté pour la baisse du plafond du quotient familial plutôt que pour la modulation des allocations familiales, est ce un bon choix ?

Guillaume Allègre : Parmi les deux choix encore sur la table, c?est le meilleur. D?abord, la réforme du quotient familial touche un public plus large en incluant les ménages avec un seul enfant. Ceci permet de partager l?effort entre davantage de familles et ainsi de limiter l?importance de cet effort. Ensuite, en ne modulant pas les allocations familiales, on conserve le principe d?universalité, très important pour que tout le monde accepte de financer la politique sociale. Quand les hauts revenus n?ont plus accès à des prestations sociales, ils s?en désintéressent. Et, ainsi, progressivement, une prestation réservée aux pauvres devient une pauvre prestation.

Enfin, dernier argument en faveur du choix effectué : le coût administratif pour moduler les allocations aurait été considérable. Les Caisses d?allocation familiales (CAF) auraient dû gérer des seuils, des taux de dégressivité ; et ceux-ci varient selon que vous êtes face à un ménage mono-actif ou biactifs. Sans oublier que pour les CAF ce sont les revenus N-2 qui sont pris en compte. Bref, ça aurait été compliqué

Pourtant, initialement, le gouvernement penchait pour la modulation des allocations...

- Oui, pour la simple raison qu?il souhaitait diminuer une dépense et non pas augmenter un impôt. Avec l?option choisie, l?OCDE va pouvoir dire que le taux des prélèvements augmente en France. Ce qui n?aurait pas été le cas avec un baisse des allocations. Et pourtant le résultat concret est exactement le même. C?est là où l?on voit que les indicateurs ne sont pas logiques. On devrait distinguer ce qui relève de la dépense publique réelle de ce qui obéi en réalité aux transferts entre ménages.

Je vais vous donner un exemple de cette absence de logique : si les 12 milliards d?allocations familiales versées étaient transformées en crédit d?impôt, l?OCDE considèrerait qu?il y aurait alors une réduction d?impôt en France atteignant 0,5 point de PIB ! Pourtant, cela reviendrait exactement au même que ce qui est pratiqué aujourd?hui.

A votre avis, manque-t-il une mesure dans le plan gouvernemental ?

- Il en manque même deux. D?abord, on aurait pu aussi plafonner le quotient conjugal pour les familles mono-actives ou celles où il y a une grande inégalité de revenus entre les deux conjoints. Si l?on avait plafonné le quotient conjugal à 3.000 euros, cela rapporterait 1 milliard d?euros. On aurait alors pu éviter de baisser le plafond du quotient familial. Ensuite, accorder une part supplémentaire à compter du troisième enfant, au lieu d?une demi-part pour les deux premiers, ne se justifie plus. Ceci avait un objectif purement nataliste. Il faudrait se limiter à une demi-part pour chaque enfant, quel qu'en soit leur nombre.