Retraites : ce que le gouvernement pourrait faire

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1196  mots
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Avec le rapport Moreau, le gouvernement dispose d'un catalogue très complet de mesures à prendre pour trouver les 7 milliards nécessaires au reéquilibrage du régime général en 2020 et à la pérennisation de l'avenir du système par répartition. Il va devoir panacher entre actifs et retraités les efforts. Une hausse de la CSG sur les retraites les plus élevées n'est pas exclure, tout comme une désindexation partielle des plus fortes pensions. Quant aux actifs, outre un allongement de la durée de cotisation, ils pourraient bien connaître une hausse de cette cotisation. Par ailleurs, le calcul du montant de la pension des fonctionnaires pourrait être très prudemment et progressivement revu.

Et maintenant, au gouvernement de décider ! Avec la remise du très exhaustif rapport Moreau sur l'avenir des retraites, Jean-Marc Ayrault dispose d'un véritable catalogue des mesures possibles, pour assurer l'avenir du régime français de retraite par répartition. On le sait, la question sera dès les 20 et 21 juin à l'ordre du jour de la grande conférence sociale qui réunira gouvernement, patronat et syndicats. Ensuite, durant tout l'été se déroulera la phase de concertation. Puis, fin septembre, le gouvernement remettra sa copie sous la forme d'un projet de loi réformant les retraites.

Avec deux défis à relever : d'une part, trouver les 7 milliards d'euros qui manquent à l'horizon 2020 pour combler le trou du régime général et des régimes affiliés et ainsi répondre aux v?ux de la commission européenne ; assurer l'avenir, l'équilibre et la pérennité des régimes par répartition, d'autre part, alors que les dépenses de retraite représentent déjà 14% du PIB...
S'agissant des mesures à court terme, le rapport Moreau laisse l'embarras du choix au gouvernement pour trouver de nouvelles recettes ou limiter les dépenses : sous-indexation exceptionnelle à titre transitoire des pensions, hausse des cotisations, hausse de la CSG pour les retraités « les plus aisés »,, fiscalisation des avantages familiaux, baisse de l'abattement fiscal de 10%, etc.

Doser l'effort entre actifs et retraités

A chaque fois, le rendement de telle ou telle mesure est chiffré dans le rapport. Techniquement, le gouvernement n'a donc qu'a puiser dans ce catalogue complet. Politiquement, c'est plus compliqué. D'autant plus que Jean-Marc Ayrault avait placé la réforme sous le signe de l'équité et de la justice. Il y a donc l'envisageable et le non envisageable. Par exemple, il est impossible de faire reposer l'effort uniquement sur les retraités. Le gouvernement va devoir doser l'effort demandé entre les actifs et les pensionnés. Et ce d'autant plus que les retraités du privé viennent déjà d'être mis à contribution avec la récente décision des partenaires sociaux de désindexer partiellement la revalorisation des pensions de retraites complémentaires Arcco et Agirc.

La sous indexation des pensions les plus élevées rapporterait 2,8 milliards d'euro

Un scénario envisageable serait donc de répartir l'effort financier à hauteur de 2/3 pour les actifs et 1/3 sur les retraités, soit une charge financière d'environ 4,5 milliards d'euros pour les premiers et de 2,5 milliards pour les seconds. Quels paramètres seraient concernés ?

S'agissant des retraités, le seul fait de sous indexer de 1,2 point (par rapport à l'inflation constatée) en 2014, 2015 et 2016 les pensions soumises au taux plein de CSG (6,6%), puis de sous indexer de 0,5% celles soumises à un taux réduit (3,8%) et enfin de ne pas toucher à celles exonérées de CSG « rapporterait » 2,8 milliards d'euros. Mais la perte de pouvoir d'achat serait assez sévère, sachant que l'inflation s'établira autour de 2%. Mais, politiquement, le gouvernement pourra dire que la voie avait été ouverte par les partenaires sociaux avec l'Arcco et l'Agirc..


Une probable hausse de la cotisation vieillesse ferait rentrer 3 milliards


Côté actifs, une hausse de 0,1 point par an de 2014 à 2017 du taux de cotisation déplafonné ferait rentrer 3 milliards d'euros. Si la hausse est de 0,2 point, ce serait donc 6 milliards ! Actuellement, cette cotisation déplafonnées s'élève à 1,6% pour les employeurs et 0,1% pour les salariés. Il faudrait déterminé la clé de répartition de la hausse, sachant que le Medef a déjà fait savoir qu'il était contre une hausse des cotisations. Certes, mais le gouvernement pourrait être tenté de recourir à cette mesure qui a le mérite d'avoir un effet immédiat.

Cependant, le rapport Moreau le souligne, à l'horizon 2022, les hausses de cotisations seraient la mesure qui pèserait le plus sur la croissance (-0,15 point dans l'hypothèse d'une progression de la cotisation de 0,1 point durant quatre ans). Reste des mesures moins indolores mais au rendement moindre, comme la sous indexation de 1,2 point par rapport à l'inflation des salaires de 2014 à 2016 portés au compte ( ceux qui servent pour le calcul des pensions), soit une économie de 800 millions.


Aligner la CSG des retraités aisé sur le taux normal de 7,5% rapporterait 2 milliards

Le gouvernement dispose d'autres possibilités, comme baisser le plafond de l'abattement fiscal de 10% dont bénéficient les retraités. S'il passait de 3.660 euros à 2.500 euros, cela représenterait une économie de 500 millions d'euros Quant à l'alignement du taux de la CSG des retraités les plus aisés (6,6%) sur celui des salariés (7,5%), il rapporterait 2 milliards d'euros... Une mesure bien tentante !
L'augmentation de la durée d'assurance de 41,75 ans (pour la génération 1957) à 43 ans (pour la génération 1962), à raison de 1 trimestre par an, permettrait d'économiser 600 millions. Cette mesure est aussi dans l'air, l'on sait que François Hollande y est favorable. Etant entendu que celle-ci concernerait tous les régimes, y compris les fonctionnaires et les régimes spéciaux. Le rapport Moreau insiste beaucoup sur cette idée.


Le calcul de la retraite des fonctionnaires sera très prudemment revu


A plus long terme, le gouvernement pourrait être tenté par quelques mesures destinées à donner une meilleure lisibilité au régime des retraites. Il en va ainsi de la très sensible question du calcul de la pension des fonctionnaires (basé sur les six derniers mois de salaire hors primes). Yannick Moreau le souligne : « la règle actuelle nuit à la lisibilité du système de retraite et isole fortement les régimes de la fonction publique ». Jean-Marc Ayrault sait que cette particularité exaspère de nombreux français et qu'il doit agir... même symboliquement.

Mais les syndicats (CGT et FO en tête) sont très remontés sur ce point. Le tact sera donc de mise. Le rapport Moreau insiste sur une montée nécessairement progressive de cette mesure. Ce ne serait plus les six derniers moi qui serviraient de base de calcul mais les douze derniers mois la première année, puis à terme, les trois dernières années, voire les dix dernières. Le tout avec intégration partielle des primes (dans la limite de 5% ou 10% de la rémunération).

Bien entendu, il y aurait un garde fou : un traitement particulier serait appliqué pour les agents « ne percevant pas ou peu de primes ». De la dynamite, sauf à bien expliquer aux fonctionnaires que les nouvelles modalités ne leur feraient rien perdre et auraient l'immense mérite de les faire converger avec le privé.


Examiner chaque année les paramètres d'indexation


Autre décision que le gouvernement devrait prendre : définir un pilotage économique et social annuel du système de retraite pour anticiper les aléas de la croissance et de la démographie. . En d'autres termes, en fonction de la croissance attendue et après concertation avec les syndicats et le patronat, les différents paramètres d'indexation des pensions et des salaires portés au compte pourraient être provisoirement modifiés. Sachant que l'objectif serait toujours d'obtenir un montant minimal de pension égal à 85% du Smic.

On va donc beaucoup entendre parler des retraites dans les six mois à venir.