Inversion de la courbe du chômage : Copé a-t-il raison de parler "d'artifices" ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  899  mots
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François Hollande continue d'affirmer que la courbe du chômage va se stabiliser en fin d'année. Le président de l'UMP, Jean-François Copé, évoque déjà "l'artifice" du recours aux contrats aidés dans le secteur public si jamais cette prophétie se réalisait. A-t-il raison ou tort? Tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont utilisé les contrats aidés pour freiner le chômage en période de croissance nulle. Et tous les gouvernements savent jouer au moment opportun des outils dont ils disposent.

Depuis des mois, François Hollande le martèle : la courbe du chômage s'inversera à la fin de l'année. Un volontarisme qui fait bien des sceptiques... Mais Le président a l'air tellement sûr de son coup que l'opposition commence à se méfier et à organiser la parade si, d'aventure, la prophétie se réalisait...
Le président de l'UMP, Jean-François Copé, a ainsi déclaré lundi 17 juin lors d'une conférence de presse : « Sur l'emploi, je veux mettre en garde les Françaises et les Français. Lorsque François Hollande s'engage à ce point dans l'idée qu'à la fin 2013, le chômage pourrait baisser, je crois comprendre qu'il y a derrière tout ça un plan caché qui consisterait, de manière artificielle, à faire baisser les statistiques du chômage en multipliant les contrats aidés dans le secteur public. Et François Fillon de lui emboiter le pas le 18 juin dans les colonnes du Figaro en évoquant « le seul artifice sur lequel compte François Hollande, c'est une utilisation massive des contrats aidés en fin d'année ».


 Un traditionnel recours aux mesures contra-cycliques

Alors, info ou intox ? Y a t-il un « plan caché » un « artifice » ? Oui... et non. En fait, comme absolument tous les gouvernements, de droite comme de gauche, depuis celui de Raymond Barre en 1976, l'actuelle équipe au pouvoir va jouer sur les traditionnelles mesures contra-cycliques pour tenter d'enrayer la progression de la courbe du chômage, faute de pouvoir compter sur un taux de croissance suffisant. Et, bien entendu, comme tous les autres avant lui, le gouvernement actuel utilise à son gré les instruments de politique de l'emploi dont ils disposent. Et c'est en effet essentiellement sur le troisième trimestre que vont se concentrer ces moyens qui devraient, sans doute, permettre de stabiliser la courbe du chômage, au moins temporairement. Explication.

Le ministre du Travail, Michel Sapin, dispose de plusieurs leviers. D'abord, il y a les traditionnels contrats aidés qui existent depuis 30 ans sous des appellations différentes : contrat d'aide à l'embauche, contrat d'insertion dans l'emploi, contrat jeune, etc. Pour 2013, 450.000 contrats de ce type ont été budgétés. Ce n'est pas un record, en 1997, lors du précédent pic de chômage, on avait atteint plus de 500.000 contrats de ce genre. Et, bien entendu, c'est notamment en septembre, après les vacances d'été, quand les jeunes affluent à Pôle emploi que ces contrats leur sont très majoritairement proposés.


Déjà, Xavier Bertrand en 2012...

A noter - Jean-François Copé et François Fillon se gardent bien de l'évoquer - qu'en 2012, année de l'élection présidentielle, Xavier Bertrand (UMP) alors ministre du Travail de Nicolas Sarkozy, disposait de 340.000 contrats aidés... Or, 250.000 avaient déjà été utilisés durant les quatre premiers mois de l'année, c'est-à-dire avant le scrutin du 6 mai. L'optimisation opportuniste des politiques de l'emploi n'est donc pas un phénomène nouveau. Et elle n'est ni l'apanage de la gauche ni celui de la droite...

Il en va de même pour les emplois d'avenir imaginés par le gouvernement Ayrault. On en attend 100.000 cette année et encore 50.000 l'année prochaine. Là aussi, il a fallu attendre que le dispositif monte en puissance. Ainsi, Michel Sapin escomptait créer un tiers de ces emplois d'avenir au premier semestre, soit 33.000 (en réalité on devrait tout juste atteindre les 30.000) et les deux-tiers au deuxième semestre. Notamment parce qu'un grand nombre de ces contrats, essentiellement réservés au secteur non marchand, vont concerner les secteurs associatif, périscolaire, voire l'Education nationale - une convention vient d'être signée permettant le recrutement de 10.000 contrats d'avenir rattachés aux directeurs d'établissements. Et, par définition, c'est à la rentrée scolaire de septembre que les choses deviendront effectives.
En revanche, s'agissant du contrat de génération (aide annuelle de 4.000 euros pour les entreprises qui embauche un jeune tout en gardant un senior) réservé au secteur privé, tout dépend des entreprises. L'Etat ne peut pas « piloter » grand chose.


Michel Sapin espère rendre l'inversion durable

Enfin, dernier instrument que va pouvoir utiliser Michel Sapin : la loi sur la sécurisation de l'emploi, issue de l'accord du 11 janvier 2013. Certes, Jean-François Copé et François Fillon n'y font pas allusion. Pourtant, cette loi prévoit, notamment, la conclusion « d'accords de maintien dans l'emploi » qui autorisent les entreprises (à compter du 1er juillet) rencontrant des difficultés conjoncturelles à conclure avec les syndicats un accord majoritaire qui permet de modifier durant deux ans les conditions de travail (rémunération, temps de travail, etc.) en échange du maintien dans l'emploi des salariés. Michel Sapin espère que ce dispositif va freiner les inscriptions au chômage à la suite d'un licenciement.
Toute cette panoplie pourrait en effet permettre de stabiliser la courbe du chômage à la fin de l'année, sans que l'on puisse vraiment parler d'un « artifice ». Il s'agit plutôt d'un pilotage fin de traditionnelles politiques de l'emploi. Le ministre du Travail ne s'en cache d'ailleurs pas, il l'a affirmé dans un récent entretien à « La Tribune » : il croit pouvoir stabiliser le chômage fin 2013 mais le vrai combat pour lui et de rendre durable cette inversion. C'est pour cette raison qu'il espère déjà pouvoir de nouveau disposer de 450.000 contrats aidés dans son budgets 2014.