Contre l'évasion fiscale des multinationales, le sénat veut donner des armes à l'administration

Par Ivan Best  |   |  506  mots
Philippe Marini, président de la commission des finances du Sénat Copyright Reuters
Sans attendre les propositions de l 'OCDE sur ce sujet, le sénateur Philippe Marini veut réformer la législation française pour contrer les nouvelles pratiques d'évasion fiscale des multinationales

Précédant les travaux de l'OCDE sur l'évasion fiscale pratiquée par les sociétés multinationales, le sénateur UMP Philippe Marini a enquêté à Bercy pour connaître les pratiques actuelles des groupes français.
Il en tiré deux conclusions, et une proposition de loi, qu'il vient de déposer. Au nom du rétablissement d'une « concurrence non faussée », le président de la commission des finances du Sénat suggère en effet d'agir dans deux directions.

Transferts de fonctions et d'actifs stratégiques dans des pays à faible imposition

Premièrement, il veut mettre fin à l'utilisation abusive des prix de transferts, via la délocalisation de certaines fonctions. « Le premier levier d'optimisation des entreprises multinationales relève des prix de transfert et de la restructuration d'entreprises » souligne Philippe Marini, dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi. « Certains groupes transfèrent des fonctions, des risques ou des actifs stratégiques dans des États à faible taux d'imposition, laissant en France des sociétés aux fonctions moins rémunératrices. Pourtant, la réalité économique de ces entreprises demeure généralement inchangée, la rémunération allouée à la France ne correspondant dès lors plus à la richesse qui y est produite. ».
Comment freiner cette tendance ? La solution proposée par Philippe Marini, qui reflète une demande récurrente des hauts fonctionnaires du fisc, consiste à renverser la charge de la preuve. Dès lors qu'une entreprise décidera de transférer des fonctions hors de France, ce ne sera plus au fisc de prouver que cette opération a un but fiscal, mais à l'entreprise de le démontrer.
« Il s'agit d'introduire une présomption simple de transfert anormal de bénéfices en cas de transferts de fonctions et de risques hors de France » explique le sénateur Marini.
A l'entreprise de démontrer que « la renonciation à certaines fonctions est normale, dans la mesure où ce transfert a donné lieu à une contrepartie financière.

Un plus grand nombre d'entreprises condamnées pour "abus de droit"
La deuxième modification législative proposée concerne l'utilisation de l'arme de « l'abus de droit » par le fisc. Quand un montage prévu par une entreprise est certes légal, mais est mis en place dans une optique « exclusivement » fiscale, l'administration peut le condamner, utilisant la procédure dite de l'abus de droit. Mais, souligne le sénateur Marini, les entreprises parviennent souvent à démontrer que le montage en question n'a pas un but exclusivement fiscal. Le président de la commission des finances du Sénat veut donc retirer cette notion de but exclusivement fiscal : l'administration pourrait mettre en cause un système ayant pour « motif essentiel d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales », selon une nouvelle rédaction de la loi qu'il propose.

Commentaire de l' avocat fiscaliste Michel Taly: « l'administration était déjà de très agressive à l'égard des entreprises, sur ces sujets, elle pourra l'être encore plus. Les fonctionnaires vont se sentir confortés ».