Le "logiciel Colbert 2.0" anti-délocalisation disponible lundi

Par Adeline Raynal  |   |  924  mots
Après trois années délocalisées à Taïwan, l'équipementier sportif Rossignol a décidé, fin 2010, de rapatrier sa production en France. Copyright Reuters
Avec un petit retard dû à des ajustements techniques nécessaires, le logiciel Colbert 2.0 devrait être utilisable en ligne par les entrepreneurs intéressés dès le 22 juillet. Il est le fer de lance de la stratégie anti-délocalisation qu'Arnaud Montebourg avait dévoilé mi-juin, et permettra aux patrons d'évaluer les opportunités d'une éventuelle relocalisation en France.

Le made in France - si cher à Arnaud Montebourg - pourquoi pas, mais comment ? Y a-t-il un réel intérêt à relocaliser son activité ? Des questions que beaucoup d'entrepreneurs se sont sûrement déjà posés. Mais faire une étude individualisée (tenant compte des ressources disponibles dans l'entreprise, des droits de douane applicables, du coût des transports...) demande du temps et des personnes qualifiées en logistique internationale.

Pour permettre aux entrepreneurs de se faire une première idée, sans devoir dépenser trop, le ministère du Redressement productif a eu une idée : demander la mise au point d'un logiciel d'"auto-diagnostic" qui serait disponible en ligne librement et gratuitement. En 50 questions, il sera capable d'apporter un début de réponse à l'entrepreneur qui s'interroge sur l'opportunité de produire français.

Arnaud Montebourg et son équipe espèrent ainsi faire prendre conscience des potentialités de relocalisation et des aides existantes dont pourraient bénéficier les entreprises (en termes de conseils ou de soutien financier). "Cela coûte très cher d'aller produire en Chine et cela ne coûte pas si cher de produire en France", résumait Arnaud Montebourg le 14 juin, mettant en garde contre les "coûts cachés de la délocalisation".

Quelques ajustements techniques, et c'est prêt ! 

Après plusieurs mois de travaux, le résultat est presque là. Encore quelques jours de patience et le logiciel "Colbert 2.0" sera lancé officiellement par Bercy le 22 juillet, d'après le cabinet d'Arnaud Montebourg. L'outil se fait un peu attendre. Mi-juin, lors de l'annonce de ce dispositif par Arnaud Montebourg, ses équipes assuraient que la dead-line était fixée au 9 juillet, mais "quelques ajustements techniques" ont provoqué le report de la mise en ligne de "Colbert 2.0".

Cet outil est le fruit d'un travail en deux temps. Le professeur d'économie El Mouhoub Mouhoud s'est chargé de la phase théorique et empirique avec son équipe de l'université Paris Dauphine. "Nous avons réalisé la partie académique du travail : à la fois pour comprendre les déterminants et les effets des relocalisations et pour les mettre en relation avec les avantages compétitifs des territoires : une étude par secteurs d?activités, par zones d?emploi, etc, afin de connaître les dynamiques territoriales et leurs relations avec les différents cas de relocalisation»explique-t-il. Le potentiel de chaque territoire a alors été évalué. "Nous avons remis un rapport contenant la cartographie rigoureuse de 320 zones en France, en fonction de 700 catégories de la Nomenclature d'activités Française (NAF) de l'Insee" précise-t-il.

Valoriser les complémentarités géographiques

Les économistes ont alors eu de bonnes surprises : "Il existe des complémentarités géographiques entre territoires industriels qui font des bonnes délocalisations (outsourcing) et exportent beaucoup et ceux biens équipés en services à forte valeur ajoutée pour les entreprises industrielles » relève El Mouhoub Mouhoud. Il existe néanmoins 31 Zones d?emplois sur 321 représentant un peu plus d?un million d?emplois soit environ 4 % de l?emploi total qui sont des zones industrielles monospécialisées et vulnérables aux chocs de compétitivité coûts. Pour ces zones, il convient d'anticiper les chocs en agissant en amont.

Les relocalisations de développement compétitif (qu'on pourrait qualifier de schumpétériennes au sens où elles suivent une logique de compétitivité hors prix et d'innovation) s?installent plutôt dans les "zones servicielles urbaines de services cognitifs et collectifs" et dans les "zones industrielles de performances à l?exportation" tandis que les relocalisations de retour, plus fragiles, consacrant l?échec des délocalisations, semblent plutôt déconnectées de la dynamique des avantages comparatifs des territoires et certaines sont soumis à un risque d?instabilité.  

Une étude commandée par la DGCIS

Selon l'universitaire, il ne faudra pas seulement se limiter au retour de productions ou d'assemblages de l'étranger, mais aussi "favoriser les relocalisations de développement" dans les zones industrielles performantes à l'exportation.

Cette étude a été produite pour le compte de la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS), dans le cadre d'un appel d'offre. Le cabinet d'Arnaud Montebourg a pu ensuite se saisir de ces données pour faire appel à la société Sémaphores, dédiée au conseil des acteurs publics et des entreprises sur les territoires. C'était la seconde étape, à caractère technique. Le Directeur général Alain Petitjean et ses équipes ont travaillé en collaboration avec le cabinet d'Arnaud Montebourg et la DGCIS pour mettre au point le logiciel, à partir des conclusions des travaux d'El Mouhoub Mouhoud et de son équipe. L'économiste Xavier Ragot a fait office de coordinateur.

Inspiré d'une méthode américaine...

Cet outil, et plus largement le plan en faveur de la relocalisation présenté il y a un mois par le ministre du Redressement productif, ne vont pas sans rappeler la politique d'un certains Barack Obama. Outre Atlantique, le président américain a en effet lancé un programme de "reshoring" sur lequel Arnaud Montebourg prend exemple. Dans une interview parue en janvier, il expliquait que "son programme a aidé les plus grandes sociétés américaines à calculer le meilleur endroit - l'Amérique - pour produire en fonction de la nouvelle donne mondiale : le coût des énergies, le prix du foncier, le coût du travail, [...] le prix des transports et la logistique qui monte."

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