Choc de simplification : les conséquences pour les notaires et les avocats

Par Giulietta Gamberini  |   |  734  mots
Le nouveau projet de loi du ministre de l'Economie prévoit d'étendre la possibilité d'exercer comme travailleur salarié deux métiers du droit, où elle est encore singulièrement limitée. Une mesure qui, sans remettre en cause le monopole de ces professions, contribue néanmoins à leur ouverture.

Le projet de loi présenté ce mercredi en Conseil des ministres par Pierre Moscovici qui prépare un «choc de simplification» ne touche pas que les entreprises. Quelques-unes de ses dispositions (les articles 4 et 5) s'attaquent aux professions réglementées, notamment aux notaires et aux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation (qui ont un monopole devant ces juridictions): elles concernent donc aussi, indirectement, le particulier. Il s'agit notamment d'étendre le salariat dans ces métiers, jusqu'à présent singulièrement restreint, et donc d'en faciliter non seulement l'accès mais aussi la performance et la légitimité.

On ne sera plus reçu par un clerc, mais par un «vrai» notaire

Les notaires notamment, nommés par le Garde des Sceaux après avoir obtenu leur diplôme, exercent le plus souvent soit en individuel soit comme associés. «Ces derniers peuvent être aussi nombreux que les besoins du cabinet le demandent car, contrairement à une idée reçue, il n'y a pas de numerus clausus pour ces professionnels: l'Etat se limite à fixer le nombre et l'implantation des offices, afin d'en garantir le maillage territorial», explique Jean Tarrade, président du Conseil supérieur du notariat. Il existe en revanche une limitation quant au nombre de notaires salariés, qui ne peuvent pas être plus d'un par titulaire d'office ou associé (règle dite «du 1 pour 1»).

Le travail est donc souvent assuré par des clercs, qui ont parfois tous les titres pour être nommés notaires mais ne le peuvent pas par manque de place. Ils n'ont donc pas le droit de signer les actes mais reçoivent néanmoins, parfois, les clients. «Une situation peu rassurante pour les citoyens, qui ne comprennent pas ces différences subtiles», observe Christian Benasse, président de la Chambre des notaires de Paris. Sans oublier que les prérogatives de plus allouées à un notaire salarié par rapport à un «simple» clerc impliquent aussi une responsabilité accrue.

La profession demandait donc déjà depuis quelques temps à la Chancellerie de faire sauter ce verrou, dans le cadre d'ailleurs d'une plus large politique d'ouverture (en dix ans, 2000 personnes de plus seraient devenues notaires, selon Jean Tarrade). Christiane Taubira, la Garde des Sceaux, s'y était engagée et, visiblement, a tenu sa promesse. Cependant une limite, encore non précisée, sera probablement maintenue car ce contingent, qui dépend sans doute du caractère relativement récent de la figure de notaire salarié (introduite seulement en 1990), s'explique aussi par le fait que seulement les associés sont responsables aussi financièrement des actes signés.

On pourra devenir avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation sans nécessité d'emprunter

Les avocats aux Conseils sont, eux, la dernière des professions juridiques à qui la loi n'a pas encore imposé d'évolution vers le salariat: ils n'exercent toujours qu'en libéral. «Le fait qu'on soit peu nombreux et présents seulement sur Paris limite les enjeux d'une telle spécificité, qui dépend aussi de la difficulté, dans un tel contexte, de replacer le salarié en cas de rupture», explique le président de l'Ordre, Gilles Thouvenin. N'empêche: la profession, qui n'était pas friande du changement, a fini par devoir se plier à la volonté de la Chancellerie, que partageaient d'ailleurs les chefs des juridictions. «Ceux qui ne ressentent pas le besoin d'investir, et donc de s'endetter, notamment les plus jeunes, pourront désormais exercer quand même, et ainsi entrer progressivement dans la profession», reconnaît maître Thouvenin.

Au-delà de ces bénéfices, la réforme n'implique toutefois aucune révolution, puisque ni le monopole, ni le numerus clausus, ni les besoins réels ne seront impactés. Le nombre des cabinets reste en effet limité à 60, avec quatre associés au maximum pour chacun (trois jusqu'à une réforme d'août 2013). Ce qui permettrait d'atteindre le nombre de 240 avocats… alors qu'ils ne sont que 105 aujourd'hui.

«Cela prouve bien que le marché est déjà saturé, d'autant plus que le contentieux baisse. Le nombre de confrères n'augmentera donc pas de manière exponentielle: la possibilité d'embaucher des salariés servira essentiellement à permettre des situations transitoires». Les modalités de mise en œuvre de la réforme n'ayant pas encore été discutées, la profession compte d'ailleurs demander que le nombre de salariés par cabinet soit limité. Comme pour les notaires.