Eric Heyer (OFCE) : "250.000 personnes en sureffectifs dans les entreprises"

Par Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut  |   |  621  mots
Eric Heyer (OFCE): 56.000 emplois seraient encore détruits en 2014 dans le secteur marchand
Alors que le secteur marchand a encore perdu 34.000 emplois au deuxième trimestre, 56.000 autres destructions sont à craindre en 2014, estime Eric Heyer, économiste, directeur adjoint à l'Observatoire français des conjonctures économiques. Mais elles seraient compensées par la création de 96.000 postes dans le secteur non marchand.

La France a encore perdu 34.600 postes dans le secteur marchand au deuxième trimestre, selon un étude de la Dares (service statistiques du ministère du Travail). L'emploi a continué son déclin dans l'industrie (-19.000, après - 11.700 au premier trimestre, ainsi que dans le tertiaire (-7.800). Un effet notamment de la contraction de l'emploi intérimaire. Eric Heyer, économiste, directeur adjoint à l'Observatoire français des conjonctures économique (OFCE), explique ce que pourrait être la tendance de l'emploi pour cette fin d'année et en 2014.

 

La Tribune - Quel regard portez vous sur la situation de l'emploi en cette fin d'année 2013?

- Eric Heyer. Notre analyse à l'OFCE est qu'aujourd'hui les entreprises sont en sureffectifs. D'après nos modèles économétriques, ce sont 250.000 emplois de plus qui auraient pu être détruits depuis la crise de 2008. Et cela est corroboré par les enquêtes de conjoncture de l'Insee auprès des entreprises: ces dernières répondent en masse qu'elles pourraient produire plus sans recruter. Il y a donc de grosses réserves de productivité.

 Comment expliquer ce phénomène?

- En France, il y a environ un décalage de trois trimestres entre des éléments affectant la production et les conséquence sur l'emploi. Dans certains pays c'est plus rapide, en Espagne par exemple, et d'en d'autres c'est plus long. Ainsi, en Allemagne, il faut tabler sur six trimestres. Or, la crise a été très forte en 2008, puis un rebond est intervenu en 2010, aussi les entreprises n'ont finalement pas licencié aussi fortement que l'on pouvait le croire. Puis nouvelle cassure à la fin du deuxième trimestre 2011. Et c'est maintenant que les entreprises commencent à s'ajuster... Aussi, de deux choses l'une: soit la croissance redémarre mais elle se fera sans nouveaux emplois dans le privé. On peut commencer à créer des emplois avec 0,9% de croissance (ce qui est attendu en 2014) mais avec les fameux sureffectifs, il en faut en vérité 1,5%. Soit il n'y aura pas de croissance et de nombreux licenciements interviendront.

Mais les contrats aidés peuvent venir compenser le déficit de créations spontanées d'emplois?

-  A l'OFCE, nous avons calculé que l'année 2013 se terminerait sur la destruction de 91.000 emplois nets. Pour 2014, Il y aurait encore 56.000 destructions d'emploi dans le secteur marchand mais 96.000 créations dans le secteur non marchand, soit un solde net positif de 40.000 emplois.

Quelle serait l'influence sur le taux de chômage?

- La population active croît encore spontanément de 116.000 personnes. Donc, avec 40.000 créations de postes, il y aura une progression minimum de 76.000 demandeurs d'emploi. On table sur un taux de chômage en France métropolitaine qui atteindra 10,9% fin 2014, contre 10,6% à la fin de cette année. Ceci dit, François Hollande peut tenir son objectif de stabiliser les entrées à Pôle emploi d'ici la fin de 2013, tout dépendra de la montée en charge des emplois aidés. Si le gouvernement met le paquet sur quelques mois, le chômage baissera, d'autant plus que la durée des contrats aidés a été portée de sept à huit mois, voire même à douze mois dernièrement. Mais combien de temps durera cette éventuelle baisse du chômage?

 Le travail dominical permettrait-il de créer des emplois?

- Ce que montrent toutes les études, c'est que l'éventuel surplus d'activité le dimanche vient du tourisme. Aussi, de nouvelles ouvertures dominicales ne devraient concerner que les zones touristiques. Mais il y a-t-il une demande inassouvie des touristes?

Quant à l'ouverture des grosses enseignes le dimanche, cela se ferait aux dépens de l'emploi dans les petits commerces, car les grandes surfaces ont davantage de possibilités de réaliser des gains de productivité.