Moscovici cultive l’ambiguïté sur la taxation des activités financières

Par Ivan Best  |   |  701  mots
Le ministre de l’Économie va s’opposer à un amendement socialiste étendant la taxe déjà en vigueur en France. Et, tout en le soutenant officiellement, il ne fait rien pour faire avancer le dossier au niveau européen

Pierre Moscovici s'affirme social démocrate, un social démocrate de « Combat », c'est le titre du livre qu'il publie ce mercredi. Mais si par social-démocratie, il faut comprendre redistribution,  politique fiscale active, incitatrice, et encadrement strict de «la  finance, cet ennemi », selon les termes de François Hollande, le ministre de l'Economie n'entend pas vraiment jouer cette partition.

Il en va ainsi des débats sur la taxation des transactions financières. Le rapporteur général du Budget à l'Assemblée nationale, Christian Eckert (PS) a déposé un amendement étendant la taxe sur les transactions financières existant actuellement en France, amendement qui sera débattu par l'Assemblée nationale en fin de semaine.

Les échanges "intra day" épargnés

Cette taxe de 0,2% vise aujourd'hui les cessions d'actions, dès lors que la propriété du titre est effectivement transférée. Elle ne touche donc pas le trading à haute fréquence, ni les activités spéculatives « intra day », quand un investisseur achète et revend un titre dans la même journée.

Christian Eckert veut justement que ces transactions soient désormais concernées, comme le prévoit, du reste, le projet européen de taxe sur les transactions financières. « Rien ne justifie cette exonération » des achats et ventes « intra day », souligne le député dans l'exposé des motifs de son amendement.

Oxfam défend cette attaque "contre la spéculation la plus néfaste"

Le rapporteur du budget est largement soutenu par ses collègues socialistes, qui ont adopté l'amendement la semaine dernière au sein de la commission des finances, et par les ONG luttant contre les paradis fiscaux et certaines dérives de la finance.

Pour Alexandre Naulot d'Oxfam France, « avec cet amendement, Christian Eckert s'attaque aux formes de spéculation les plus néfastes. Il permettrait d'enfin taxer le trading à haute fréquence. Ce type de spéculation qui continue d'échapper à toute forme de régulation est déjà responsable de « flash krach » boursiers ».

Pierre Moscovici n'en veut pas

Le hic, c'est que Pierre Moscovici ne l'entend pas cette oreille. Il a fait savoir sa ferme opposition à cette mesure. « Pierre Moscovici affirme que la loi de la réforme bancaire régule déjà le trading à haute fréquence, ce qui est faux », estime Alexandre Naulot : « en évitant de taxer les transactions intra-day, elle exempte totalement cette spéculation sans limite, inutile et dopée par les ordinateurs. L'Autorité des Marchés Financiers indique que ce trading représente aujourd'hui 50% des ordres sur actions du CAC 40 ».

 Ne pas affaiblir Euronext

Quel est le véritable motif de l'opposition du ministre de l'Economie ? Il met en avant la baisse de la liquidité du marché actions : cet élargissement de l'assiette de la taxe amènerait, tout le monde est d'accord sur ce point, une baisse du volume des transactions, qui affecterait la liquidité de certains titres. En fait, ce n'est pas vraiment cette question qui inquiète le ministre de l'Economie, mais plus la situation d'Euronext, la structure qui pilote la bourse de Paris, et qui verrait son activité, et donc son chiffre d'affaires, affecté.

 Moscovici soutient le projet européen à Paris.. mais pas à Bruxelles

Il en va de même s'agissant du projet européen de taxes sur les transactions financières. A Paris, quand il s'exprime devant les élus de gauche favorable à cette taxe, Pierre Moscovici affirme défendre ce projet de taxation très large des transactions -bien au-delà des seules actions concernées par la taxe française-, conçu par 11 pays.

En réalité, au niveau européen, il fait partie de ceux qui ne cherchent pas à faire avancer le dossier. Ainsi, il faisait part, fin mai, devant l'Assemblée nationale, du volontarisme de la France sur le sujet. « Nous voulons aller vite, nous voulons aller fort, c'est un objectif politique majeur » déclarait-il alors. Quelques semaines plus tard, devant des financiers, il jugeait au contraire « excessive » la proposition de la commission européenne.

Quelle vérité extraire de ce double langage ? A Bruxelles, là où les choses se décideront, Pierre Moscovici n'est pas de ceux qui se montrent particulièrement allant sur ce dossier….