L’économie bretonne est-elle en danger ?

Par Fabien Piliu  |   |  1093  mots
La Bretagne, en pointe dans les hautes technologies ?
La révolte des « bonnets rouges » contre l’écotaxe, la multiplication des fermetures de sites symbolisent-ils l’irrémédiable déclin économique de la région ?

Doux, Gad, Amice-Soquet, Soprat, Tilly-Sabco dont les salariés ont défoncé ce lundi la grille de la sous-préfecture de Morlaix… La liste des entreprises bretonnes ayant connu plus ou moins récemment des difficultés est bien longue. Mais l'économie bretonne se résume-t-elle à ces entreprises ? La révolte des « bonnets rouges » contre l'écotaxe symbolise-t-elle la fureur d'un territoire économiquement aux abois ?

Ce serait un raccourci bien facile. Bien évidemment, les départements bretons souffrent, comme la France entière. Selon une enquête réalisée en juin par la CCI Bretagne, la conjoncture économique n'est pas bonne. Seuls 15% des chefs d'entreprises interrogés anticipaient une progression de leur chiffre d'affaires au cours du second semestre. Dans ce contexte, l'investissement et les embauches sont orientés à la baisse.

« Après avoir bien résisté à la 1ere vague de la crise fin 2008 et en 2009, l'économie bretonne se situe depuis deux ans sur une tendance encore plus défavorable qu'au niveau national. La Bretagne est la région ayant connu la plus forte hausse du nombre de demandeurs d'emplois en 2012. Si elle était depuis 2008 la région au taux de chômage le plus faible, avec Pays-de-Loire, elle occupait la cinquième place au deuxième trimestre 2013 », explique-t-on à la direction régionale de l'Insee.

Un taux de chômage plus faible que la moyenne nationale

Cette dégradation de l'emploi concerne les quatre départements (Ile et Vilaine, Côte d'Armor, Morbihan et Finistère) et tous les secteurs d'activité, les plus affectés étant les secteurs de la construction et du commerce. L'agroalimentaire et l'agriculture, qui représentent à eux deux environ 7% à 8% du PIB régional, ne sont donc pas les seuls secteurs à souffrir. A la fin du deuxième trimestre, le taux de chômage de la population active s'élevait à 9,4% de la population active, contre 10,5% en France métropolitaine.

Le déclin de secteurs vieillissants ?

L'actualité symbolise-t-elle les difficultés d'une poignée de secteurs sur le déclin, vieillissants, voire condamnés ? On ne peut nier les problèmes de l'agroalimentaire. Contrairement à leurs concurrentes allemandes ou néerlandaises notamment, qui se sont spécialisées sur quelques produits, les entreprises bretonnes appartenant à ce secteur se sont lancées dans les années 80 dans une course à la diversification qui a fortement pesé sur leur taux de marge. Si on ajoute à cette erreur stratégique la baisse de la consommation de la viande, la pression de la grande distribution sur les producteurs, soulevée notamment par une étude publiée en 2009 par UFC Que Choisir  et enfin les fluctuations des prix des matières premières et du prix de la viande  rappelées par le rapport Chalmin en 2011, on aboutit à la situation actuelle. « Toutefois, même au sein de l'agroalimentaire; les réalités sont diverses. Les secteurs de la boulangerie-biscuiterie, ou de la préparation des plats cuisinés, ne connaissent pas les mêmes réalités que la filière porcine par exemple », relativise-t-on à l'Insee.

Un retournement du secteur est-il envisageable ? Après les restructurations en cours, cette hypothèse est envisageable. Dans son malheur, le secteur ne bénéficie-t-il pas d'un savoir-faire de matières premières difficilement délocalisables ? On imagine mal les vaches et les porcs d'Armorique quitter la France pour la Chine pour y revenir sous forme de plats préparés...

La septième région la plus riche de France

Mais la septième région la plus riche de France, avec 82 milliards d'euros de PIB en 2012, qui reste celle ou le taux de pauvreté et les inégalités de revenus sont les plus faibles de France, possède encore de sérieux atouts. L'entrepreneuriat est relativement dynamique. Au premier semestre, les créations d'entreprises ont continué d'augmenter et les défaillances n'accélèrent pas. Selon Altares, elles n'ont progressé que de 0,2% entre le deuxième et le troisième trimestre quand elles bondissaient de 7,5% au niveau national. Elles avaient reculé de 2,3% entre 2011 et 2012 quand elles progressaient de 2,5% en France. Quant au taux de survie à cinq ans des entreprises, il atteint 56,8 % contre 51,9 % dans l'ensemble du pays avance l'Insee

« L'essentiel de l'économie bretonne est comme partout ailleurs tournée vers les services aux entreprises et aux particuliers qui ont longtemps tiré la croissance de l'emploi même si actuellement l'emploi y est en léger recul. Des pôles de haute-technologie, des projets dans les énergies renouvelables comme le parc éolien off shore au large de Saint-Brieuc, hydrolien au large de Brest ainsi que des investissements d'avenir tels que le prolongement TGV jusque Rennes en 2017 peuvent soutenir l'activité », indique l'Insee. La région est en effet l'une des rares à compter quatre pôles de compétitivité sur son territoire : Valorial, Images et réseaux, Mer Bretagne et ID4CAR spécialisé dans le véhicule du futur .

Blue Solutions, la belle Iloise, Envivio et Breizh Cola, d'autres symboles

Si l'on évoque les difficultés de Gad, Doux ou encore Tilly-Sabco, pourquoi ne pas avancer les succès de la Belle Iloise, de Breizh Cola, d'Armor Luxe, d'Envivio spécialisée dans le développement de solutions technologiques innovantes pour diffuser des vidéos haute définition sur tous les terminaux ou encore de Blue solutions, la filiale du groupe français Bolloré spécialisée dans le stockage d'énergie,.

La Bretagne, une terre d'accueil

« Par ailleurs, région gagnant 25 000 habitants par an, la Bretagne reste attractive et l'afflux de population génère de l'activité ne serait-ce que pour satisfaire les besoins de la population. Le secteur du tourisme est également un des moteurs de l'économie régionale », indique l'Insee.

« Entre 2007 et 2040, l'essentiel de la croissance de la population bretonne proviendrait des migrations. Sur la période 1999-2007, cela représentait les trois quarts de la croissance démographique, plaçant la Bretagne au 8e rang des régions les plus attractives. Ce phénomène pourrait perdurer. Entre 2007 et 2020, la contribution du solde migratoire à la croissance de population serait de 0,62 % en moyenne par an. Elle ne baisserait pratiquement pas au fil des ans : 0,54 % en moyenne par an entre 2030 et 2040, contre 0,19 % en France métropolitaine », indique une étude récente de l'Institut.

D'autres plans d'urgence régionaux ?

Dans ce contexte, l'avenir économique de la Bretagne est-il plus noir que celui du Nord-Pas-de-Calais, de la Picardie, de la Franche-Comté, de la Lorraine pour ne citer que ces régions ? Si tel n'est pas le cas, Matignon n'a pas fini d'élaborer des plans d'urgence.