La TVA va augmenter. Et alors ?

Par Fabien Piliu  |   |  876  mots
Dans certains secteurs, comme le bâtiment, la hausse de la TVA pourrait avoriser une progression du travail au noir
Pour financer une partie du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), le gouvernement a décidé d’augmenter la TVA. Ainsi, le 1er janvier, le taux général de la TVA passera de 19,6% à 20% quand le taux intermédiaire fera un bond de 7% à 10%. Quelles seront les conséquences pour les ménages et les entreprises ?

On le savait depuis près d'un an. Quelques mois après avoir supprimé la TVA dite « sociale » par le gouvernement Fillon, qui prévoyait de relever de 19,6% à 21,2% le taux général, la première loi de finances rectificatives (PLFR) 2012 présentée en février  entérinait une augmentation de celui-ci de 19,6% à 20% et de 7% à 10% du taux intermédiaire. Alors que la polémique sur la vraie-fausse pause fiscale reste vive, ce relèvement prévu de ces deux taux de TVA pose-t-il problème ?

Il manque des milliards à l'Etat

Du point de vue de Bercy, au regard de la situation des finances publiques, toutes recettes nouvelles est bonne à prendre. Première recette fiscale de l'Etat, la TVA rapporte chaque année plus de 140 milliards d'euros aux finances publiques.

A titre de comparaison, le produit annuel de l'impôt sur le revenu est évalué 75 milliards d'euros et celui de l'impôt sur les sociétés, à une petite quarantaine de milliards d'euros. Autre avantage de la TVA, la faiblesse de son coût de gestion pour l'État puisqu'elle est recouvrée par les entreprises.

Des recettes supplémentaires déjà dépensées

En réalité, le gouvernement n'a pas vraiment pas le choix dans cette affaire. Grâce au passage de 19,6% à 20% du taux général et de 7% à 10% du taux intermédiaire, qui rapporteront respectivement 2,6 et 6 milliards d'euros, il financera une partie du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui coûtera 10 milliards aux finances publiques l'année prochaine.

Si le gouvernement devait décider d'annuler cette augmentation de la fiscalité, il devrait trouver des recettes de substitution très rapidement, sachant que le projet de loi de finances rectificative (PLFR) 2014 constate des moindres rentrées fiscales dont le montant est évalué à 5,6 milliards dans les caisses !

"Cette révision à la baisse s'explique à la fois par l'impact des moins-values constatées lors de l'exécution 2012 ainsi que par la dégradation de l'environnement macro-économique. Par prudence et compte tenu d'une inflation basse [0,8 % hors tabac], il est retenu une évolution spontanée de la TVA de 0,6 %, très en deçà de la croissance du PIB en valeur [1,8 %]. Une partie de la moins-value (4,5 milliards) avait d'ores et déjà été anticipée au moment du programme de stabilité et de croissance.", précise le document.

Les prix augmenteront-ils ?

Pour les consommateurs, cette augmentation de la fiscalité se traduira concrètement par une hausse des prix de 0,33% par rapport au prix TTC actuel. Alors que la consommation reste le dernier moteur encore un peu vaillant de l'économie tricolore, celui-ci peut-il donner des signes de faiblesses après le 1er janvier ?

L'économiste Nicolas Bouzou n'y croit pas. « Les récentes hausses de TVA déclenchées en Allemagne ou aux Pays-Bas nous indique qu'une hausse du taux de TVA se diffuse équitablement entre une hausse des prix et une baisse des marges des entreprises. Compte tenu de l'augmentation limitée du taux général de la TVA, l'impact sur la consommation sera donc mineur », estime-t-il.

Les marges des entreprises devraient encore se réduire

Néanmoins, par prudence, le gouvernement exhorte les grandes entreprises, notamment celles appartenant au secteur de la distribution de ne pas augmenter leurs prix. Le gouvernement devrait être entendu. Parce que le sens civique et patriotique des entreprises est au dessus de la moyenne ? Peut-être. Cette attitude devrait aussi dictée par des raisons économiques.

En effet, lorsque la consommation est faible, comme c'est le cas lorsqu'une économie est en crise, la pression sur les prix est très forte. Si elles veulent vendre leurs produits, les entreprises n'auront pas d'autre choix que de maintenir leurs prix inchangés, au détriment de leurs marges. Une pression sur les marges qui influencera directement la politique salariale et d'investissement des entreprises.

Plus de travail dissimulé ?

Le gouvernement a beau donné des gages aux artisans en leur promettant qu'une partie de leur activité sera taxée à 5,5% - c'est le cas notamment des travaux de rénovation thermique et des travaux induits -, le bond de trois points du taux de TVA intérimaire risque d'avoir des conséquences peut-être plus fâcheuses.

« C'est un vrai choc pour certains secteurs, comme la restauration et le bâtiment. Entre un taux à 7% et un taux à 10%, l'écart est énorme. Au regard de la faiblesse de la demande et des difficultés conjoncturelles d'un certain nombre d'entreprise, on peut imaginer que certains chefs d'entreprises optent pour un taux à 0% ! », avance Nicolas Bouzou. En clair, une augmentation du travail au noir.

Une bouffée d'oxygène pour la balance commerciale ?

Sachant qu'en économie ouverte, un allègement du coût du travail, que permet le CICE, peut favoriser la baisse des prix des biens exportés et relever ceux des biens importés, cette hausse de la TVA peut-elle permettre de rééquilibrer, même à la marge, la balance commerciale ? L'effet devrait être limité. En effet, la hausse du taux général de TVA est trop limitée pour restaurer la compétitivité prix des produits français face aux produits fabriqués dans les pays émergents où les coûts de production sont bien plus faibles que dans l'Hexagone.