Polynésie : un paradis pour les touristes, un cauchemar pour les jeunes chômeurs

Par Fabien Piliu  |   |  806  mots
A Bora-Bora, la perle du Pacifique, le taux de chômage est en forte hausse
Selon l’Insee, le taux de chômage a presque doublé en cinq ans. Il est passé de 11,7 % en 2007 à 21,8 % en 2012. Les jeunes et les moins diplômés sont les plus touchés. L’économie polynésienne ne parvient pas à sortir de la crise.

Avec leurs plages de rêves, leurs lagons aux mille teintes, les îles de Tahiti, Bora-Bora, Huahine et Rangiroa invitent aux voyages inoubliables. Pour les jeunes Polynésiens, la réalité est tout autre. Selon l'Insee, ce sont eux les plus durement touchés par l'augmentation du taux de chômage. Celui-ci a presque doublé en cinq ans passant de 11,7 % en 2007 à 21,8 % en 2012, dernier chiffre connu. Selon l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM), le nombre de demandeurs d'emplois ne cesse de progresser de mois en mois. Il atteignait 12.997 en janvier 2014, 14.986 en février et 17.405 en mars.  

Les jeunes et les moins diplômés sont les plus touchés.

" Entre 2007 et 2012, la perte nette d'emplois salariés a été d'environ 2,5 % par an et la dynamique de créations d'entreprises est restée faible. En conséquence, on dénombre 25.000 chômeurs au sens du recensement contre 12.700 en 2007. Comme en 2007, le taux de chômage aux Marquises (30,7 %) et aux Australes (29,3 %) est plus élevé que sur le reste de la Polynésie française. Un chômeur sur deux a moins de 25 ans et 45 % des chômeurs déclarent n'avoir jamais travaillé ", précise l'Insee.

Mais c'est surtout le niveau de diplôme qui est discriminant. Selon l'Insee, 27,4 % des personnes ayant au plus le brevet des collèges sont au chômage contre 3,3 % des diplômés d'un second cycle universitaire. " Par ailleurs, les femmes étant de plus en plus diplômées, l'écart de taux de chômage entre hommes et femmes a légèrement diminué : il est de 1,5 point en 2012 contre 2 points en 2007 ", observe l'Insee. Résultat, 44 % des personnes âgées de 15 ans ou plus occupaient un emploi en 2012, contre 53 % cinq ans auparavant. A titre de comparaison, en France métropolitaine, le taux d'emploi s'élevait à 64 % en 2012.

Même le tourisme commence à souffrir

Cette explosion du taux de chômage s'explique assez simplement.

" Après trois années de dégradation ininterrompue, l'économie polynésienne n'est toujours pas parvenue à repartir de l'avant en 2012. La grande majorité des indicateurs économiques disponibles traduisent une année atone, sans reprise de la commande publique ou de la consommation des ménages " expliquait en mars l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM).

" La persistance de cette situation déprimée a eu pour conséquence d'alimenter la dégradation du marché du travail, effective tout au long de l'année, comme lors des années précédentes. Avec un repli de leur chiffre d'affaires pour la cinquième année consécutive et des difficultés de trésorerie croissantes, les chefs d'entreprises ne retrouvent pas la confiance nécessaire pour investir et continuent à ajuster leurs charges d'exploitation afin de faire face à la baisse de leur courant d'affaires. La faiblesse de l'activité persiste pour tous les secteurs, à l'exception notable du tourisme pour lequel la reprise entamée en 2011 s'est confirmée sur l'ensemble de l'année 2012 ",

poursuit l'Institut. Depuis cette date, la plupart des indicateurs macroéconomiques se sont dégradés, notamment l'investissement des entreprises et la consommation des ménages, impactée par les tensions inflationnistes subies par le franc pacifique. Heureusement, le tourisme redresse un peu la tête. Après avoir reculé en 2012 et 2013, le nombre de nuitées est reparti à la hausse depuis le début de l'année constatent les Comptes économiques rapide de l'Outre-mer de l'IEOM. Le trafic international de passagers retrouve des couleurs.

Un problème qui ne date pas de 2008

Ces difficultés ne trouvent pas leur origine dans la seule crise bancaire et financière de 2008-2009 et ses effets sur l'économie réelle. Avant la crise, entre 1999 et 2009, le taux de progression moyen annuel du PIB de la Polynésie française s'est élevé à 0,9% seulement quand il atteignait 1,4% dans la Métropole, 2,7% dans l'ensemble de l'outre-mer, 3,3% en Nouvelle-Calédonie ou 3,9% à La Réunion !

Une croissance molle de l'économie polynésienne, dont les services représentent les deux tiers de l'activité, qui s'explique en grande partie par l'instabilité politique chronique de la Polynésie française observée depuis 2004, dont les effets sur l'économie locale ont été ravageurs. Depuis cette date, la présidence de l'Assemblée territoriale a changé de main près d'une dizaine de fois, bloquant l'action publique dans le domaine économique au détriment de l'investissement public mais aussi privé. Celui-ci s'est maintenu à un niveau très faible entre 1998 et 2007, passant de 14% à 17% du PIB quand il bondissait dans la plupart des autres départements d'outre-mer.

 En outre, " en Polynésie, la faible augmentation du PIB a été complètement absorbée par l'augmentation de la population, au point que le PIB par habitant a baissé sur l'ensemble de la période ", explique l'Insee, tout en soulignant. Une situation qui devrait se prolonger, la population progressant toujours, malgré un déficit migratoire inédit.