Marisol Touraine s'oppose à la vente des médicaments non remboursables dans les supermarchés

Par Fabien Piliu  |   |  784  mots
Des médicaments non remboursables bientôt dans les supermarchés ?
Jeudi, l’Autorité de la concurrence s’est prononcée en faveur de la vente des médicaments non remboursables en dehors des pharmacies, qui en avaient jusqu’ici le monopole. Une baisse des prix de plus de 10% est envisageable si l'avis de l'Autorité est retenu et appliqué. Quelques heures après cet avis, la ministre des Affaires sociales s'y est fermement opposée.

Jeudi, l'Autorité de la concurrence s'est prononcée en faveur de la vente des médicaments non remboursables en dehors des pharmacies, qui en détenaient jusqu'ici le monopole.

Dans la foulée, dans un communiqué, Marisol Touraine fermait la porte à cette éventualité réaffirmant " son attachement au monopole officinal sur les médicaments, qui permet à notre pays de sécuriser leur dispensation et d'agir efficacement contre la contrefaçon, tout en garantissant l'accès de nos concitoyens aux médicaments sur l'ensemble du territoire?".

La ministre se dit par ailleurs "?attentive?" à ce que les négociations en cours sur la rémunération des pharmaciens "?débouchent rapidement?" et missionne l'inspection générale des affaires sociales (Igas) « ?afin de dresser un état des lieux de la situation et de proposer des évolutions, après avoir entendu l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament?».

Des baisses de prix étaient envisageables

Quelles auraient pu être les conséquences, pour le consommateur et le patient, d'une entrée des médicaments dans les rayons des supermarchés ? En clair, une baisse des prix est-elle envisageable ? Dans son avis, l'Autorité relève de " très forts écarts de prix ", allant de 1 à 4 d'une officine à l'autre, sur ces produits d'auto-médication. Pour y remédier, elle préconise une libéralisation " limitée et encadrée " de la vente des médicaments non remboursés, qui permettrait de faire baisser leur prix de vente de 11,4% à 16,3%.

Aider le consommateur

" Nous pensons que le statu quo ne peut pas être maintenu. (...) A l'heure actuelle, le consommateur n'est pas en mesure d'arbitrer entre telle pharmacie et telle autre ", a déclaré Bruno Lasserre le président de l'Autorité au cours d'une conférence de presse présentant les résultats de l'enquête menée depuis février dans le secteur du médicament.

L'opacité des prix est d'autant plus regrettable que le marché des médicaments non remboursés est en plein essor. Selon une enquête réalisée par l'association UFC Que Choisir, ce marché pèse 2,2 milliards d'euros par an. Selon ses estimations, permettre la vente des médicaments non remboursés dans les supermarchés et autres points de distribution engendrerait une économie globale d'environ 270 millions d'euros par an pour la branche maladie de la Sécurité sociale.

Un avis consultatif

Concrètement, la vente des médicaments dans les supermarchés est-elle  imminente ? Pas vraiement, l'avis de l'institution étant consultatif. Mais en cas d'application, l'Autorité pose également des limites à la libéralisation de cette vente.

" Il n'est pas question de permettre la vente de ces médicaments sans la présence d'un diplômé en pharmacie ", a expliqué Bruno Lasserre.

Même en supermarché, l'Autorité plaidait pour que les médicaments non remboursés soient vendus sous le contrôle d'un professionnel compétent et soumis aux règles de déontologie des pharmaciens. La vente devrait également avoir lieu dans des " espaces dédiés et délimités, avec un encaissement distinct ", précise bien l'Autorité. L'ouverture de la vente devrait être limitée aux médicaments d'auto-médication, non remboursés par la Sécurité sociale, achetables sans ordonnance, ainsi qu'aux " produits frontières " comme les tests de grossesse et les produits d'entretien pour lentilles.

D'après l'Autorité, la fin du monopole des pharmacies sur la vente de ces produits aurait eu un effet limité sur leurs marges, estimé entre 3,7 et 5%.

" Ce n'est pas de nature à remettre en cause la rentabilité des pharmacies ", a assuré Bruno Lasserre.

Des compensations pour les pharmaciens

Pour compenser cette perte de revenus, l'Autorité avait même proposé de renforcer le rôle des pharmaciens, en rémunérant ses conseils sur un mode forfaitaire, ou encore en l'encourageant à se lancer dans la vente de médicaments en ligne. Les commerçants pouvaient également vendre de nouveaux produits para-médicaux.

Michel-Edouard Leclerc est ravi

Sans surprise, Michel-Edouard Leclerc était ravi de cette décision. "Autant ne pas tourner autour du pot, je me réjouis totalement de l'avis de l'Autorité de la concurrence. Il vient valider point par point ce que le ' E.Leclerc dénonce (et propose!) depuis 30 ans, notamment concernant l'absence de concurrence, prix extravagants, conseils pas toujours donnés spontanément, manque de transparence sur les prix. Les données sont archiconnues et désormais reprises par une Autorité indépendante, après une enquête approfondie et contradictoire", remarque sur son blog le président du groupe de distribution, espérant que l'avis de l'Autorité de la concurrence mette "un terme à nombre de fausses polémiques destinées à empêcher toute réforme". Il a dû ravaler sa joie.