Assurance chômage : ce que seraient des "droits rechargeables"

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  859  mots
Les chômeurrs indemnisés vont peut-être pouvoir disposer de "droits rechargeables"
Alors que patronat et syndicats sont en train de négocier sur les règles de l'indemnisation des chômeurs, la CFDT pousse pour qu'un mécanisme de "droits rechargeables" soit introduit. Il permettrait de cumuler plusieurs droits à 'indemnisation pour les personnes qui alternent périodes de chômage et de travail.

Des "droits rechargeables" à l'assurance chômage ? Derrière ce concept quelque peu elliptique, se cache un des sujets majeurs de la négociation en cours sur le renouvellement de la convention d'assurance chômage,  qui fixe les conditions d'indemnisation des demandeurs d'emploi. Les deux premières réunions ont été consacrées à l'examen des comptes (dans le rouge) de l'Unedic, (l'organisme paritaire qui gère l'assurance chômage). La prochaine séance, fixée au 13 février, devrait permettre de rentrer dans le vif de la négociation. Ce mécanisme des "droits rechargeables" sera notamment sur la table. De fait, le principe des "droits rechargeables", que la CFDT défend avec force, avait été acté dans l'accord national interprofessionnel sur l'emploi du 11 janvier 2013 (et repris dans la loi du 14 juin). Reste à lui donner vie. Mais derrière ce terme abscons, que signifient concrètement  des "droits rechargeable"  pour un chômeur? Explication.

Des "droits rechargeables" pour remplacer le "dispositif de la réadmission"

Si la négociation aboutit, le mécanisme des "droits rechargeable" viendra en fait remplacer celui actuellement en vigueur, appelé "dispositif de la réadmission". Aujourd'hui, quand un chômeur retrouve un travail, sans avoir épuisé ses droits à indemnisation, puis, à l'issue de ce nouveau contrat, se retrouve de nouveau au chômage, le calcul des des droits à indemnisation (durée) est le suivant : l'Unedic compare les deux périodes ouvrant droit à indemnisation (le reliquat de celle résultant de la rupture du premier contrat et celle consécutive à la rupture du deuxième contrat) ainsi que le montant de l'indemnité journalière. Ces deux "droits" sont traduits en un capital financier (K1 pour la première période et K2 pour la deuxième). C'est le capital le plus élevé qui sera retenu pour le calcul des droits (en durée) du chômeur. Sachant que les droits acquis au titre de la période la moins favorable seront définitivement perdus.

Exemple

On trouvera ci-dessous un exemple du mécanisme de la réadmission :

A la suite d'une période de travail de 6 mois, une personne se retrouve au chômage ; elle a droit à 6 mois d'indemnisation ; montant de l'indemnité journalière versée : 50 euros / jour

La personne retrouve du travail au bout de 4 mois de chômage ; elle a donc un reliquat de droits de 2 mois à 50 euros / jour soit 3040 euros de "capital" (K1)

Elle prend un CDD de 7 mois qui lui ouvre de nouveaux droits ; soit 7 mois avec une indemnité de 45 euros (calculée en fonction de son salaire journalier de référence) = elle dispose d'un capital d'indemnisation de 9.576 euros (K2)

À l'issue de son CDD, elle retourne à Pôle emploi qui procède à une réadmission ; le calcul de ses droits à l'Assurance chômage est fait en comparant K1 et K2, le plus favorable au demandeur d'emploi étant retenu (ici K2) ; pour connaître la durée de l'indemnisation, on divise K2 par le montant le plus élevé de l'indemnité versée (ici 50 euros de la première période de chômage).

9576 euros : 50 euros = 191,5 jours d'indemnisation.

Ce demandeur d'emploi ne peut plus se prévaloir du reliquat de droits de la première période ; ils sont perdus.

Avec le mécanisme des «droits rechargeables», ce calcul n'aurait plus lieu d'être, il s'agirait tout simplement d'additionner les deux périodes (soit le reliquat de 2 mois à 50 euros/jour + 7 mois à 45 euros/jour).

Le coût du dispositif des droits rechargeables

Pour la CFDT, un tel dispositif aurait le mérite d'inciter davantage qu'aujourd'hui des demandeurs d'emploi à reprendre un travail, même précaire et/ ou moins bien rémunéré, dès lors que la personne concernée est assurée de ne pas perdre ses droits préalable à l'assurance chômage. D'autres organisations, FO notamment, sont plus sceptiques, se demandant si tout cela ne va pas entraîner des effets pervers, comme le développement des contrats précaires et l'utilisation de l'Unedic comme filet de sécurité. Il y a également le problème du coût d'un tel dispositif, alors que les finances de l'assurance chômage ne sont déjà pas reluisantes (un déficit de 4,3 milliards est attendu pour l'année 2014). Pour compenser le coût des "droits rechargeable ", il y a quelques mois, le Medef proposait "une mesure d'équilibre financier qui pourra par exemple concerner le taux d'indemnisation".

Concrètement, si le mécanisme des "droits rechargeables" est retenu, il faudrait revoir à la baisse l'indemnisation du chômage (actuellement, celle-ci atteint en règle générale 57,4% de l'ancien salaire). Mais à l'Unedic -qui a déjà fait tourner ses ordinateurs- on précise que le coût du dispositif n'est pas forcément si élevé, dès lors que l'on décide de jouer sur certaines variables comme le salaire de référence pris en compte ou en instaurant , par exemple, un plafond au cumul des périodes indemnisables. Tout cela devra être négocié entre les partenaires sociaux, gestionnaires de l'Assurance chômage. C'est tout l'objet des prochaines séances. Étant entendu que tout doit être ficelé pour le 1er avril au plus tard