Faut-il réformer la réforme de l'apprentissage ?

Par Fabien Piliu  |   |  806  mots
Le gouvernement compte former 500.000 apprentis d'ici 2017
Selon une étude de la DARES, seuls 273.000 contrats d’apprentissage, DOM inclus ont été signés en 2013, contre 297.000 en 2012. La réforme de l'apprentissage peut-elle permettre de relever le nombre d'apprentis à 500.000 par an d'ici 2017 ?

Il n'y a pas que les chiffres de l'emploi et de l'intérim - qui a perdu  45.000 emplois en équivalent temps plein en 2013 - qui sont mauvais. Selon une étude de la DARES, le service statistique du ministère du Travail, seuls 273.000 contrats d'apprentissage, DOM inclus, ont été signés en 2013, contre 297.000 en 2012. Après trois années de hausse consécutive, le nombre d'apprentis a donc chuté de 8,1% l'année dernière. Il faut remonter à 2005 pour trouver trace d'un plus mauvais bilan annuel. Les contrats de professionnalisation, qui représentent l'autre dispositif d'alternance, marquent également un sévère coup d'arrêt, 117.100 contrats ayant été signés en 2013, contre 125.200 en 2012. Soit une baisse 5,2 %.

Les chefs d'entreprises préfèrent les contrats d'avenir

Plusieurs explications peuvent être avancées : la conjoncture dégradée et les incertitudes sur les carnets de commande n'incitent pas les entreprises à recruter et à former des apprentis. Moins onéreux pour les entreprises, les emplois d'avenir sont une véritable concurrence pour les formations en alternance. Annoncé cet été, dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP), le coup de rabot de 550 millions sur les aides publiques à l'embauche d'apprentis qui s'élèvent désormais à 2,3 milliards d'euros doit également être mentionné. Même si Michel Sapin, le ministre du Travail a garanti que les aides seraient maintenues toute la première année des contrats signés en 2013, il y a fort à parier que les chefs d'entreprises aient pu être refroidis à l'idée de subir une hausse du coût de ces contrats d'alternance lors des deuxièmes et troisièmes années de cours.

Ces statistiques ne sont guère rassurantes pour le gouvernement qui s'est fixé pour objectif de former 500.000 apprentis par an d'ici 2017, contre 435.000 aujourd'hui. Pour l'atteindre, le ministère du Travail mise sur le fait que les aides resteront stables pour les TPE de moins de 10 salariés et sur leur recentrage sur les apprentis à faible qualification, qui représentent le plus gros volume d'apprentis.

La réforme de l'apprentissage bientôt examinée par le Parlement

L'exécutif compte aussi sur la réforme en cours de la taxe d'apprentissage qui sera intégrée au projet de loi sur la formation professionnelle que les députés examineront le 5 février. Cette réforme, qui devrait entrer en vigueur en janvier 2015, modifie le fléchage du produit de la taxe d'apprentissage, proche de deux milliards d'euros par an. Pour quelle raison ? Selon les calculs du ministère, seuls 62% des 2 milliards collectés vont réellement à l'apprentissage.

Concrètement, le gouvernement souhaite rééquilibrer cette part vers les centres de formation des apprentis (CFA) et rendre la répartition des fonds entre les CFA plus équitables, les CFA interprofessionnels étant moins bien financés actuellement. Pour améliorer la transparence et lisibilité de la collecte et de la répartition de la taxe d'apprentissage, le gouvernement a décidé de réduire drastiquement le nombre d'Organisme collecteur de la taxe d'apprentissage (OCTA). Jusqu'ici, 141 OCTA coexistaient avec des niveaux de collecte extrêmement variés, de 2.000 pour les plus modestes à 390 millions d'euros pour les principales ! Le texte du gouvernement n'en conserve que 46.

Cette réforme est-elle de nature à relancer l'apprentissage. AGEFA PME, l'organisme collecteur créé par la CGPME n'y croit guère. Dans son manifeste, l'OCTA regrette que la réforme du gouvernement  " fasse de la taxe d'apprentissage un levier de la politique de l'emploi ", déconnectée des aspirations des apprentis et des besoins des entreprises.

" L'apprentissage doit être réformé. C'est une évidence. Certes, le gouvernement a sagement décidé d'améliorer la lisibilité et l'efficacité du système en réduisant le nombre d'OCTA. Mais d'autres chantiers doivent être menés en urgence. Il faut conclure un nouveau contrat entre les entreprises et les pouvoirs publics afin de refonder l'enseignement professionnel pour que nous soyons en capacité de former une main-d'œuvre de qualité au moment où la concurrence n'a jamais été aussi forte pour l'Union européenne. Il faut également repenser l'éducation professionnelle en tant que préparation à la vie en entreprise, révélatrice de talents et porteuse de mobilité professionnelle ", explique Jean-Jacques Dijoux, le directeur général d'AGEFA PME.

L'Etat doit-il payer la taxe d'apprentissage ?

Dans ce manifeste, l'OCTA formule une série de propositions pour signer " la fin de la tuyauterie budgétaire et la pérennisation du financement des Centres de Formation des Apprentis (CFA) ". Comment ? Estimant à 3,5 milliards d'euros les coûts pédagogiques permettant de former 500.000 apprentis, AGEFA PME propose notamment la mise en place d'un forfait dont s'acquitteraient toutes les structures économiques comptant au moins un salarié. Ainsi, l'État, les collectivités locales et les Hôpitaux, qui employaient 8.400 apprentis en 2010, dernier chiffre connu - ne seraient plus épargnés par cette taxe.