Auto-entrepreneuriat : pourquoi Sylvia Pinel a perdu la partie !

Par Fabien Piliu  |   |  904  mots
Le projet de loi porté par la ministre de l'Artisanat a été profondément modifié par les députés
Après de longs mois de tergiversations et de polémiques, le projet de loi sur l’artisanat et les TPE ne modifiera que très partiellement le régime de l’auto-entrepreneuriat. Les défenseurs du régime qui prévalait jusqu’ici ont gagné leur bras de fer avec la ministre de l’Artisanat qui souhaitait sa limitation.

Les Poussins et les défenseurs de l'auto-entreprise ont gagné ! Après des mois de tergiversations et de polémiques, le régime de l'auto-entreprise ne sera retouché qu'à la marge. Votés en début de semaine par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, les amendements retouchant le projet de loi initial sur l'artisanat et les TPE suppriment la limitation dans le temps du régime et les seuils réduits d'activité. Inscrites dans le projet de texte présent cet été par la ministre, ces deux mesures avaient provoqué la colère estivale des Poussins et des défenseurs de ce régime créé en 2009. Le projet de loi sera débattu à partir du 12 février à l'Assemblée nationale.

« Travailler plus pour gagner plus »

Dernière survivance du « travailler plus pour gagner plus » cher à Nicolas Sarkozy, le régime de l'auto-entreprise est un dispositif allégé en matière de règlementation sociale et fiscale, via une franchise de TVA et un calcul des impôts sur le montant du chiffre d'affaires. Il permet aux salariés, qu'ils appartiennent au secteur privé ou qu'ils soient fonctionnaires, aux chômeurs, aux retraités et aux étudiants, de développer une activité à titre principal ou complémentaire pour accroître leurs revenus.

A ces mesures directement inspirées du rapport du député PS de la Côte-d'Or Laurent Grandguillaume remis le 17 décembre à Sylvia Pinel, ce ne sont pas les seules modifications du texte apportées par les députés. Le projet de loi amendé simplifie le cadre juridique de l'entreprise individuelle en entérinant la fusion du régime micro fiscal et microsocial sur le modèle de l'auto-entreprise. Il laisse également les auto-entrepreneurs libres de choisir le moment où ils ont le plus intérêt à basculer en régime classique (SARL, EIRL…).

Une promesse de François Hollande

Pour Sylvia Pinel, partisane d'une limitation du régime, le vote des députés constitue un revers assez cinglant. Mais ce n'est pas la seule à subir un camouflet. Son action n'avait-elle pas été guidée par les promesses de François Hollande faites aux artisans du bâtiment lors de la campagne présidentielle ? Le candidat socialiste s'était prononcé en faveur d'une remise en cause de ce régime simplifié au motif qu'il entraînait des distorsions de concurrence.

Après sa victoire électorale, ce fut au tour de Michel Sapin, le ministre du Travail de remettre en cause l'auto-entreprise. Bien décidé à tenir la promesse du candidat Hollande, Sylvia Pinel avait mis au placard commandé un rapport à l'Inspection générale des finances (IGF) et à l'Inspection générales des affaires sociales (IGAS) dont les conclusions publiées en avril recommandaient le statu quo.

Pour quelles raisons Sylvia Pinel a-t-elle perdue la partie ?

Parce que le régime social et fiscal de l'auto-entrepreneuriat a déjà séduit près d'un million de personnes, généré plus de 15 milliards de chiffres d'affaires et permis à l'Etat d'engranger plus 3 milliards de recettes fiscales supplémentaires ? Ces chiffres ont dû forcément peser dans la réflexion des députés. On peut aussi imaginer que le parlement ait voulu suivre le gouvernement toujours en quête de relations apaisées avec le monde entrepreneurial à qui il a proposé de signer un pacte de responsabilité. soucieux de montrer patte blanche aux chefs d'entreprises, Pierre Moscovici, le ministre de l'Economie et des Finances, Fleur Pellerin, la ministre des PME et du Numérique, Najat Vallaud-Belkacem, la porte -parole du gouvernement et ministre des Droits des femmes, Geneviève Fioraso, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, et Sylvia Pinel se rendront ce mercredi au Salon de l'entrepreneur où le MEDEF a décidé d'organiser son son comité exécuitif 

Un complément de revenu pour un entrepreneur sur deux

Lors de cette manifestation, plusieurs ateliers de réflexion sont organisés autour du thème de l'auto-entreprise et des différents moyens de développer une entreprise. Leurs participants pourront reprendre les statistiques de l'étude de l'Insee  dévoilée ce mercredi. Selon l'Institut,  pour plus de la moitié des auto-entreprises immatriculées au premier semestre 2010, ce régime permettait d'encadrer une activité secondaire procurant un complément de revenu. Quatre profils types correspondent à ce cas de figure. L'Insee distingue les salariés du privé de, plutôt jeunes et en régions, qui se servent du régime pour exercer une activité secondaire avec peu de moyens. Ils sont 87 % à n'avoir jamais créé d'entreprise auparavant et leur activité est souvent centrée sur le commerce ou les services à la personne. Le deuxième profil est celui des retraités qui valorisent ainsi une expérience passée - ils sont 41 % à avoir déjà créé une entreprise - et exercent une activité dans le domaine du conseil. Ils ne sont que 3 % à être retraité. Seuls 15 % des auto-entrepreneurs salariés du privé envisagent de changer de régime. Pour les auto-entrepreneurs qui ont une activité dans le domaine de l'enseignement et les étudiants, l'auto-entreprise constitue également un complément de revenu.

Parmi les personnes dont l'auto-entrepreneuriat est l'activité principale, l'Insee recense beaucoup de « non-diplômés débutants ». Parmi ces derniers, 49 % se lancent dans la création d'un commerce. Ils sont également 49 % à affirmer qu'ils n'auraient pas franchi le pas de la création d'entreprise sans régime.