Sur quel tas d'or sous-marin la France est-elle assise ?

Par Fabien Piliu  |   |  754  mots
Avec 11 millions de kilomètres carrés, la France est la deuxième puissance maritime mondiale, juste derrière les Etats-Unis.
La France dispose du deuxième domaine maritime mondial, derrière les Etats-Unis. Pourtant, les gouvernements successifs n’ont pas été capables de construire une politique maritime digne de ce nom, préférant tenter de dupliquer le modèle économique allemand basé sur le développement de l’industrie à l’export. En plusieurs volets, La Tribune enquête sur cet « oubli » de la politique économique gouvernementale. Après avoir « exploré » le domaine maritime français, et fait un premier point sur les opportunités de développement des DOM, ce troisième volet fait un point sur les ressources potentielles contenues dans les sous-sols marins français.

La France possède le deuxième domaine maritime mondial. Sa surface s'élève à 11 millions de kilomètres carrés, ce qui fait de la France la deuxième puissance maritime mondiale, juste derrière les Etats-Unis, pour à peine 300.000 kilomètres carrés d'écart !

Ce domaine pourrait même s'agrandir si la France parvenait à faire reconnaître devant l'ONU ses revendications territoriales dans le Golfe de Gascogne, la Guyane, la Nouvelle-Calédonie et les Iles Kerguelen. Au total, ce sont plus de 1,5 million de kilomètre carrés qui pourraient venir s'ajouter aux 11 millions déjà recensés.

Et après ? A quoi peut servir un tel domaine maritime ? Dans son avis du 9 octobre présenté par Gérard Grignon au nom de la Délégation à l'Outre-mer, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a fait un point sur les ressources potentielles du plateau continental. Il pourrait recéler des hydrocarbures, des sulfures hydrothermaux riches en cuivre, zinc, plomb, cobalt, argent et or, des encroutements cobaltifères, des nodules polymétalliques contenant du fer, du manganèse, du cuivre, du nickel et du cobalt., des terres rares comme l'erbium et le lutetium, indispensables à la production d'appareils électroniques courants (téléphones mobiles, ordinateurs...), des ressources biologiques et des organismes vivants. L'accès à ces richesses potentielles est " un atout considérable pour notre pays s'il contribue à un nouveau modèle de développement durable, en particulier dans les territoires ultramarins ", considère le CESE.

Des ressources limitées

Si la France parvient à exploiter ces ressources, elle pourrait sécuriser tout ou partie de son approvisionnement pour certains métaux stratégiques, la durée des réserves des gisements terrestres pour les matières les plus critiques étant préoccupante. Selon une étude publiée par l'Ademe en juillet 2010 sur le potentiel de recyclage de certains métaux rares, cette durée est en effet estimée à 13 ans pour l'argent et moins de 100 ans pour le cobalt?. " Des échantillons de sulfures hydrothermaux montrent que le gisement pourrait être équivalent aux ressources terrestres. La surface de la plupart des dépôts est significativement enrichie en cuivre et zinc dont le total dépasse 10 % dans plus de 65 % des sites ", précise cette étude.

Hydrocarbures, sulfures hydrothermaux, terres rares, les richesses potentielles du plateau continental sont vastes. 

Des défis techniques que seule l'innovation pourra relever.

Reste à la France et à ses entreprises de s'affranchir des difficultés techniques que pose l'exploitation de cette richesse sous-marine. Dans le prolongement des travaux du CESE, le rapport de la Commission Lauvergeon Innovation 2030 remis à François Hollande cet automne qui a également identifié la valorisation des richesses marines comme l'un " des domaines où la France a du potentiel pour des innovations majeures ", propose une méthode de travail.

Après avoir approfondie la connaissance des fonds marins pour identifier les zones de minerais les plus prometteuses, la Commission rappelle la réalité des enjeux technologiques parmi lesquels " la réponse à la pression de l'eau, à la corrosion, la nécessité de commandes à distance, etc... » tout en rappelant, souci de précaution oblige, que l'exploitation potentielle devra tenir compte de la très riche biodiversité animale dans les sites visés " avec une règlementation contraignante à anticiper dans ce domaine ".


Un partenariat avec l'Europe

" La valorisation accrue des minerais des fonds marins est identifiée parmi les objectifs stratégiques du partenariat européen d'innovation pour les matières premières. Les termes de cette stratégie seront sans doute repris dans les appels à projets du programme Horizon 2020 de la Commission européenne. Au-delà des atouts français, l'identification de partenaires européens est donc indispensable, notamment pour mobiliser les importants financements nécessaires ", suggère la Commission qui formule plusieurs leviers d'action : développer des technologies innovantes d'exploration, d'exploitation et de traitement des minéraux, via le lancement d'un concours d'innovations permettant de développer des technologies performantes en matière d'exploration régionale, d'évaluation des ressources et de respect de la biodiversité, de surveillance de l'environnement, d'exploitation et de traitement des minéraux sur la base de partenariats publics-privés.

" Ces travaux de R&D devront conduire à la réalisation d'un pilote industriel pour l'extraction des métaux à partir de minerais océaniques, qui diffèrent de ceux exploités à terre. Le potentiel d'une partie de la ZEE française pourrait être mis à profit pour développer un pilote in site de démonstra­tion des différentes techniques d'exploitation sous-marine ". L'aventure ne fait que commencer.