Municipales : Anticor, cette charte comportementale qui fait si peur aux candidats

Par Fabien Piliu  |   |  937  mots
Seuls 475 candidats aux élections municipales ont signé la charte Anticor.
Sur les 926.068 candidats aux élections municipales qui se présenteront le 23 mars, moins de 500 seulement ont signé la charte Anticor. imposant une certaine éthique aux élus. Parce qu’elle est trop contraignante ?

Dimanche, 926.068 candidats se présenteront au premier tour des élections municipales. Sur ce nombre et jusqu'à aujourd'hui, seuls 475 seulement ont signé la charte Anticor. Parce que celle-ci est très exigeante ? Créée en 2002, ellei impose en effet un comportement irréprochable à ses signataires.

Concrètement, la charte leur demande notamment de respecter les engagements suivants : non cumul et limitation des mandats et des fonctions exécutives et mise en place de bonnes pratiques de gestion. Sur ce point, en cas de victoire, le ou la signataire s'engage à veiller à la formation de l'ensemble des élus du Conseil municipal, notamment sur l'élaboration et sur le contrôle du budget, la passation des marchés publics, l'exécution des délégations de services publics. L'élu s'engage également à rendre public le nombre des emplois de cabinet et leur coût total.

Souci de transparence

Toujours dans un souci de transparence, le candidat signataire promet de mettre en ligne sa déclaration d'intérêts et les tableaux des indemnités des élus en euro prévus par l'article L2123-20-1 du Code Général des Collectivités Territoriales pour ce qui est de la commune, de la communauté de communes et de tous les syndicats intercommunaux.

Il s'engage également à mettre en place une commission éthique indépendante, comprenant notamment des membres de l'opposition et des citoyens, à laquelle il ne participera pas lui-même.

Prévenir les trafics d'influence

Récipiendaire des déclarations d'intérêts privés et associatifs des élus, comme cela sera prévu par le règlement intérieur, elle indiquera avant chaque Conseil municipal si des élus doivent s'abstenir de participer au débat et au vote de certaines délibérations pour ne pas être en conflit d'intérêts ", précise la charte qui demande également aux signataires de suspendre les fonctions exécutives et les délégations d'un élu mis en examen pour un délit d'atteinte à la probité dans l'exercice d'un mandat électif et de prévenir les pratiques d'influence visant à obtenir ou à modifier une décision de la commune.

Autre disposition prévue par cette charte, le candidat signataire s'engage à ce que les élus de l'opposition soient représentés dans toutes les commissions, les conseils d'administration, les organismes et structures financés par la commune. Une fois élu, le candidat s'engage à mettre en place une commission des finances dont il proposera la Présidence à un élu de la minorité.

Renouveler les pratiques démocratiques

" Signer cette charte, c'est témoigner de ma volonté de renouveler les pratiques démocratiques de notre pays. C'est tout sauf un coup de communication, car les signataires s'exposent à des droits de suite s'ils ne respectent pas la charte ", explique François Desmazières, candidat à Arras dans le Nord, dont la liste a été labellisée par le mouvement "Nous citoyens" présidé par Denis Payre.

" Les citoyens apprécient ce type d'engagement. Ils ont soif de transparence, de nouvelles valeurs ", avance Brigitte Bonneau à la tête de la liste "Résistons par les actes" qui fédère les partis de gauche à Cognac, en Charente.

« Ce qui est insupportable, c'est la suspicion »

Jérome Impellizzieri, tête de liste PS à Emerainville en Seine-et-Marne, a également signé la charte Anticor. " Elle correspond exactement aux engagements et aux valeurs que je défends. Elle grave dans le marbre des principes de transparence qui sont de bon sens. Ce qui est insupportable lorsque l'on est élu, ce n'est pas de donner une estimation de son patrimoine. Ceci n'est pas très important. Ce qui est grave, c'est la suspicion. C'est la raison pour laquelle il me semble indispensable qu'une commission consultative donne son avis sur les prestations de services publics tels que l'eau, la cantine, le service jeunesse…Pour les habitants, c'est le meilleur moyen d'évaluer la qualité de l'action de la municipalité.

Si je suis élu, conformément à la charte Anticor, je donnerai la présidence de la commission de finances à l'opposition, je rendrai public le montant des subventions accordées par la mairie aux associations, je ferai sortir les élus lorsque des délibérations lors des conseils municipaux lorsque celles-ci auront trait de près ou de loin à leurs intérêts, j'interdirai à tout entrepreneur de ma majorité d'avoir ses locaux dans les murs d'une société avec laquelle la mairie contractualise régulièrement, je veillerai à ce que des élus n'achètent pas leurs véhicules particuliers dans la concession automobile qui fournit la mairie, je n'accepterai pas que des logements sociaux de la commune soient attribués à des élus », explique-t-il.  

Les candidats des « petits » partis et les indépendants n'ont pas peur de s'engager

Qui sont ces signataires ? Pour leur grande majorité, il s'agit de candidats indépendants ou de petits partis. Les candidats des deux poids lourds que sont le Parti socialiste et l'UMP sont assez faiblement représentés. Peut-on en déduire que le respect d'une certaine éthique est inversement proportionnel aux chances de succès ? Ce serait être faire un mauvais procès à ceux dont l'engagement est profond et loyal.

Toutefois, il faut bien admettre que très peu de candidats « stars » ont signé la charte. Certes, Fabienne Keller (UMP), candidate à la mairie de Strasbourg, l'a bien signée en janvier. Mais elle avait été devancée par François Loos (UDI) et Alain Jund (EELV). Un effet boule de neige d'ailleurs très palpable lorsque l'on parcoure la liste disponible en ligne des signataires. Il suffit souvent qu'un candidat signe cette charte pour que ces concurrents lui emboitent le pas.