Municipales à Marseille : pour le vote économique, les jeux ne sont pas faits

À Marseille, la messe n’est pas dite dans les chapelles économiques. Après avoir reçu et entendu les principaux prétendants à la “gestion” de la ville, les représentants du milieu patronal et des organisations professionnels sont perplexes.
Pour les candidats très en vue, Patrick Mennucci et Jean-Claude Gaudin, les choix sont loin d'être faits. / DR

À moins d' une semaine des échéances du premier tour, les principaux candidats ont quasiment terminé leur grand chelem économique. Encore, un rendez-vous ce mercredi 19, orchestré par la CGPME, devant les commerçants et cela en sera fini de leur grand oral auprès des dirigeants.

Concernant les candidats très en vue, Patrick Mennucci et Jean-Claude Gaudin, les choix sont loin d'être faits si l'on s'en tient aux ressentis captés à l'issue des rencontres.

"D'un côté, nous avons un candidat (Patrick Mennucci, NDLR) qui maîtrise bien ses dossiers et présente un programme comportant certains points intéressants mais n'a pas d'équipe, pas de sang froid et se comporte de façon arrogante.

De l'autre, une personnalité forte (Jean-Claude Gaudin, NDLR) qui ne connaît pas l'économie mais a une équipe compétente. Et surtout, il a de la tenue et du respect à notre égard", lance un chef d'entreprise, à la sortie des deux débats que la Cité des entrepreneurs et l'UPE 13 ont organisés mardi et vendredi dernier.

"Patrick Mennucci est séduisant sur le fond mais manque de rondeur. En dépit des réticences au départ à l'égard du candidat Gaudin, ce dernier les a levées progressivement. Il y a comme un retournement mais cela reste serré", confie pour sa part Alain Gargani, le président de la CGPME 13, qui détient probablement la palme des rencontres organisées.

Fracture Nord/Sud

"L'équipe de Gaudin me rassure, notamment Didier Parakian (fondateur et dirigeant de l'entreprise de prêt à porter, NDLR) mais l'actuel maire de la ville n'a pas de vision économique. C'est surtout un homme d'influence et de réseau. Patrick Mennucci a une belle maîtrise des projets, une vision intéressante du territoire, mais paraît bien seul : comment compte-t-il le piloter ? Comment va-t-il rassembler ses équipes ? Tout est clivage autour de lui", estime à titre personnel François Ranise, par ailleurs président de l'association Cap au Nord Entreprendre, qui fédère 250 entreprises et 8.000 emplois dans les quartiers nord de la ville, le fief de la sénatrice-maire socialiste Samia Ghali.

Un territoire à enjeux où la polémique s'invite chroniquement. Jean-Claude Gaudin est régulièrement accusé d'avoir contribué à accentuer la fracture entre les quartiers sud de la ville (6e et 8e arrondissements, lieu de résidence des CSP + pour faire court, là où l'actuel sénateur maire UMP se présente) et le nord, le fameux 7e secteur régi par les règlements de comptes et les stupéfiants, où le taux de chômage hésite entre les 30 et 50% et où les transports ont été oubliés.

Il est aussi ce formidable réservoir de foncier et de voix potentiels avec ses 100.000 habitants, où le frontiste avait d'ailleurs été battu de seulement 339 voix aux dernières législatives par Sylvie Andrieux, la députée PS condamnée à un an de prison ferme pour détournements de fonds publics. L'association y a convié les cinq têtes de liste : Patrick Mennucci et Jean-Claude Gaudin mais aussi Jean-Marc Coppola (Front de gauche), Pape Diouf (collectif citoyen "baptisé "Changeons la donne").

Seul le frontiste Stéphane Ravier (que l'ancien président de l'OM va d'ailleurs affronter dans les 13e et 14e arrondissements), n'a pas donné suite aux deux relances.

Malentendu

Il y a comme un malentendu qui se profile. Tandis que les chefs d'entreprises ont convié les candidats pour, certes, les forcer à entendre un certain nombre de revendications mais surtout pour poser les bases d'une future gouvernance, les élus semblent faire du clientélisme social.

"Les candidats sont à l'aise dans les sphères militantes et politiques ou dans le cadre de meeting classiques mais le sont bien moins quand ils sortent de cet univers. Confrontés aux milieux économiques, ils peinent à trouver une bonne posture. Là où on attend un échange pour construire ensemble une vision du territoire, ils sont plus enclins à déclamer leurs programmes dont ils ne veulent pas dévier", pose Laurent Weil, de l'agence de RP Spark.

Spécialisée dans les relations publiques et d'affaires, l'agence marseillaise accompagne plusieurs organisations socio-économiques et associations d'entreprises comme la CGPME et Cap Entreprendre. Le fait d'ailleurs que les milieux économiques se fassent accompagner par des professionnels de la communication est en soi révélateur de la stratégie d'influence qu'ils veulent avoir.

Laurent Weil fut aussi l'animateur d'un débat organisé par le CJD (centre des jeunes dirigeants) le 24 janvier dernier qui a mis aux prises le duo Patrick Mennucci et Karim Zéribi (député européen EELV qui a rallié la cause du candidat socialiste) avec Didier Parakian et Martine Vassal, la garde rapprochée UMP de Jean-Claude Gaudin (qui refuse la confrontation avec Patrick Mennucci avant le premier tour).

Sur la thématique : "Quelles visions pour Marseille 2020 ?", les jeunes dirigeants avaient imposé certaines règles du jeu.

Ce jour-là, Patrick Mennucci "n'a pas voulu se plier et n'a pas cherché à entrer en dialogue avec les dirigeants, qui cherchaient à leurs projets en vue de s'inscrire ou de participer à cette vision", poursuit Laurent Weil.

"Quand nous avons abordé les questions de gouvernance, c'était clairement pour signifier que nous aimerions être associés aux modalités de décisions, être consultés voire être une force de propositions", confirme le président de Cap au Nord Entreprendre.

Jean-Luc Chauvin, président de l'UPE 13, n'a pas attendu les échéances électorales, pour inscrire son mouvement dans l'idée d'une certaine cogestion.

Grenelle du Nord de Marseille

Pourtant, les candidats auront eu le temps de préparer leurs réponses. Du côté de l'UPE 13, qui s'est fendu d'un livret recueillant les visions d'avenir d'une trentaine de personnalités, ce sont toujours les mêmes questions imposées : fragmentation institutionnelle (pour les amener sur le terrain de la métropole), incohérence territoriale avec la problématique des distorsions entre bassins d'emploi et infrastructures de transport (imposer la métropole), marketing territorial (via la métropole)… Ils y sont d'autant bien préparés que certaines thématiques constituent l'ossature de leurs programmes, lesquels ont été établis après consultation des forces vives économiques !

L'association Cap au Nord Entreprendre avait pour sa part des préoccupations plus spécifiques à son territoire : en logeant dans les zones franches urbaines, les entreprises souhaitaient savoir, sans avoir d'approche militante sur la question, à quelle sauce elles allaient être assaisonnées dans la perspective de la fin du dispositif et surtout anticiper sur les conséquences en sollicitant un accompagnement (financier) pour le faire. Elle attendait aussi que soit reconnue la spécificité de leur territoire.

C'était tout le propos de la dernière figure imposée : "Etes-vous prêts à organiser un Grenelle du territoire Nord ?".

Un terrain sur lequel les candidats n'ont pas voulu s'aventurer.

Mennucci conquérant sur le fond

En répondant clairement aux questions, sans se défausser, avec parfois des glissements vers la controverse politicienne, Patrick Mennucci est sorti de ses rencontres indiscutablement conquérant sur le fond. C'est le sentiment qui prédominait. Qu'ils adhèrent ou pas aux idées sociales-démocrates, les chefs d'entreprise n'avaient pas grand chose à lui reprocher à cet égard. Pourtant, le député-maire du 1er secteur ne les a pas ménagés.

Interrogé sur sa vision pour le tourisme d'affaires et sur la pertinence d'un "outil d'accueil digne d'une grande métropole", il assène : "À vous de faire du parc Chanot un grand lieu d'accueil, je ne mettrais pas d'argent de la ville dans un outil qui relève du privé."

Sur la fragilité des PME ?

"Je suis candidat à la mairie de Marseille, pas ministre des finances. Je peux contribuer à établir un environnement plus favorable. D'ailleurs pour les TPE et PME, j'ai pris des engagements très clairs à l'égard des notifications dans les appels d'offre."

Pour terminer le débat souverainement par : "si vous avez envie que la ville change, et même si vous n'avez pas envie de voter socialiste, il vaut mieux que vous votiez pour moi."

Fidèle à lui-même, Jean-Claude Gaudin "est un homme passionnant avec lequel on relit inlassablement l'histoire politique. Il ne dit pas concrètement ce qu'il va faire. Il se concentre sur son bilan. Encore heureux que son équipe, au demeurant fort compétente, était aux premiers rangs pour jouer les souffleurs", tranche un chef d'entreprise.

Restent les engagés

La CGPME compte, elle, ses engagés. Conformément à la demande de leur président national, la représentation des Bouches-du-Rhône compte sept membres inscrits sur une liste existante ou tête d'une liste société civile.

Yann Airaudo, l'ancien président de l'association Cap au Nord Entreprendre et cofondateur du cabinet en ressources humaines ABM GROUPE a rejoint la socialiste Samia Ghali. Frédéric Jeanjean, dirigeant de la Brasserie des Templiers, celle de Dominique Tian, député des Bouches-du-Rhône et candidat UMP dans le 1er secteur (1er et 7e arrondissements, celui de Patrick Mennucci). Le président du conseil en formation Faire plus Michel Fahri a rejoint celle de Yves Moraine (6e et 8e arrondissements), perçu à ce jour comme le dauphin de Jean-Claude Gaudin.

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