Un délai pour la France pour réduire ses déficits publics ? non dit Junker

Par latribune.fr  |   |  889  mots
L'ex-Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, candidat du centre droit à la présidence de la Commission européenne, s'est dit opposé sur le principe à ce que la France bénéficie d'un nouveau délai pour réduire son déficit public. Lundi Michel Sapin va aborder le sujet avec son homologue allemand Wolfgang Schäuble.

Accorder un nouveau délai à la France pour réduire son déficit public ? Pas question pour Jean-Claude Juncker. Candidat du centre droit à la présidence de la Commission européenne, l'ex-Premier ministre luxembourgeois, s'est dit samedi à Berlin opposé à cette idée lancée jeudi, dès le lendemain de son entrée en fonction, par le nouveau ministre français des Finances Michel Sapin. Ce dernier, qui doit rencontrer son homologue allemand Wolfgang Schäuble lundi à Berlin, a fait savoir qu'il voulait discuter avec Bruxelles du "rythme" de réduction du déficit public français, qui selon les règles européennes doit descendre en-dessous de 3% de son produit intérieur brut.

Déjà un report jusqu'en 2015

La France, qui a déjà obtenu un report jusqu'en 2015 pour être dans les clous des règles budgétaires européennes, "ne peut pas encore une fois avoir un passe-droit", a déclaré Jean-Claude Juncker lors d'un point presse à Berlin. Présent en Allemagne à l'occasion d'une réunion du parti conservateur CDU d'Angela Merkel sur les élections européennes, Jean-Claude Juncker a estimé que la France devait "suivre les règles du jeu comme tous les autres".

Un nouvel assouplissement ne serait pas fait pour réjouir Berlin, chantre de la discipline budgétaire en Europe. Si Wolfgang Schäuble s'est contenté de souligner que la France "restait un pays fort" en dépit d'une situation politique "difficile", le porte-parole d'Angela Merkel a dit vendredi faire "confiance à la France pour respecter ses engagements".

Quant au président de la Banque centrale allemande, la Bundesbank, Jens Weidmann, il a demandé à la Commission européenne de faire "respecter les règles de manière stricte".

Quels arguments?

Pour demander un nouveau délai à Bruxelles sur la réduction de son déficit public, Paris peut avancer l'argument que la croissance française est encore trop fragile pour supporter davantage d'austérité mais aussi qu'elle ne s'est pas si mal sortie de la crise en comparaison de ses partenaires européens.

Quels arguments la France peut-elle porter devant ses partenaires pour justifier qu'ils lui accordent ce troisième délai ?

"Il faut prendre du recul pour regarder les pays les uns par rapport aux autres", répond Eric Heyer, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques, rappelant que, comme l'Allemagne, la France, elle, a rattrapé son produit intérieur brut d'avant-crise.

"L'idée que la France est à la traîne ne passe pas l'épreuve des faits: on a enfin retrouvé au quatrième trimestre 2013 le niveau de PIB du premier trimestre 2008", le dernier avant que les effets de la crise se fassent sentir, poursuit l'économiste.

A titre de comparaison, le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou les pays du Sud comme l'Espagne ou la Grèce en sont encore loin. "Il y a des pays qui vont faire plus de croissance cette année mais ils ont plus de retard", relève-t-il, estimant que "notre rebond en 2010-2011, ils le connaissent maintenant, une fois qu'ils l'auront absorbé, ils seront comme nous".

La prévision de croissance au Royaume Uni pour 2014 (2,7%) a en effet de quoi faire pâlir des Français qui enchaînent depuis deux ans des taux autour de zéro et prévoient un petit 1% pour 2014. Même l'Espagne qui a vécu une crise particulièrement sévère annonce un taux de croissance supérieur à 1% cette année.-

Chômage

Pour Olivier Passet, économiste chez Xerfi, ce phénomène s'explique parce que "la France s'est pas mal accrochée depuis 2008, elle a beaucoup moins chuté que les autres". Du coup, la reprise semble plus molle mais c'est aussi parce qu'il y a moins à rattraper.

"Certains ont déjà passé ce pic (de rattraper leur PIB d'avant-crise, NDLR), comme l'Allemagne, l'Autriche et les pays du nord, les pays du sud sont très en deçà et la France, comme d'habitude, est dans une situation intermédiaire", détaille-t-il.

Mais l'économiste est beaucoup moins catégorique que son collègue de l'OFCE: "c'est maintenant, en fait depuis 2011, que se précise le fait qu'elle est en décalage et ce décalage va s'affirmer en 2014 avec le redécollage du sud et le fait que du côté allemand la reprise est plus solide, plus complète, avec plus de demande intérieure".

Il cite également le Royaume-Uni, convaincu qu'il va dépasser très vite son niveau d'avant-crise, grâce à un bon taux de croissance, certes, mais aussi parce qu'"il a réenclenché, les salaires et l'emploi".

La question du chômage est en effet centrale pour évaluer la bonne santé d'une économie. Et là encore, la France se situe au milieu. Loin des 26,1% de chômeurs en Espagne au dernier trimestre 2013 mais aussi des 7,1% au Royaume Uni, elle affiche selon Eurostat 10,2%.

Et en terme de dette publique, si la dette française a explosé ces six dernières années jusqu'à monter en 2013 à 93,5% de son PIB, elle reste très en deçà de l'endettement italien, équivalent à 130% de son PIB l'année dernière. Les dettes néerlandaises, britanniques et espagnoles, si elles se situent à des taux moindres, continuent également de grimper.

En revanche, contrairement aux autres, l'Italie et les Pays-bas sont rentrés dans les clous européens pour leur déficit public.