Comment résorber les déficits grâce à la répression financière

Des politiques dites de répression financière contraignent les banques à acheter des obligations souveraines, notamment. Mais il faut aller plus loin

La politique monétaire (définie par les banques centrales) et la régulation financière (définie par les responsables politiques) sont-elles aussi des instruments permettant de soulager les Etats du fardeau de leurs dettes ? Une certitude : alors que la fiscalité traditionnelle n'est plus une réponse adaptée dans un contexte où elle ne fait que plomber davantage une croissance quasiment inexistante, les autorités exécutives de nos nations occidentales riches useront désormais de tous les leviers à leur disposition afin d'amoindrir leurs déficits, quitte à faire usage de moyens indirects, voire détournés, pour parvenir à leurs fins. C'est ce que les économistes appellent la « répression financière ».

Réduire les taux d'intérêt, d'abord

Celle-ci peut à l'évidence prendre plusieurs formes, sachant que la réduction des taux d'intérêt nominaux par les banques centrales est incontestablement l'instrument de prédilection, pour être le plus facile à mettre en œuvre et le plus simple du point de vue politique à être accepté par les populations. En maintenant leurs taux directeurs à des niveaux proches du zéro, la Réserve fédérale US, la Banque du Japon et la Banque centrale européenne sont certes préoccupées par la relance de leur croissance. Ce faisant, ces banques centrales contribuent néanmoins activement à réduire les coûts de financement des dettes publiques de leur Etat de tutelle en exerçant une pression baissière sur les taux officiels.

En outre, si leur politique de taux zéro et de création monétaire parvient à instiller dans leurs économies respectives une certaine dose d'inflation sans nuire à la croissance, ni contribuer à la formation de bulles spéculatives, alors les banques centrales auront ainsi rendu le meilleur des services à leur gouvernement en instaurant de facto des taux d'intérêt négatifs, voie royale pour alléger le fardeau des dettes.

 

Les nouvelles lois bancaires incitent les banques à acheter des titres publics

Pour autant, la répression financière peut également être appliquée en faisant appel à des moyens insoupçonnés et emportant l'adhésion populaire. Qui pourrait en effet imaginer que la régulation bancaire est une voie détournée qui autorise - sinon d'amoindrir - en tout cas de mieux supporter les endettements publics ? La loi bancaire adoptée en Europe en juillet dernier, tout comme les règles édictées en octobre dernier par la Fed, exigent une augmentation des réserves détenues par les banques, lesquelles réserves doivent impérativement consister en du papier-valeur de grande qualité présentant un risque zéro. Or, quels peuvent bien être ces actifs susceptibles d'être échangés à tout moment en cash sinon les Bons du Trésor de leurs Etats de tutelle respectifs ?

La "Volcker rule" contribue à la répression financière

La « Volcker rule », fameuse loi qui s'est imposée après la catastrophe de 2008 et qui est censé empêcher les banques de spéculer avec leurs fonds propres. Cette Volcker rule elle-même est une mesure de répression financière car, si elle interdit aux établissements financiers de traiter nombre d'instruments boursiers et dérivés, elle les encourage au contraire à acquérir les obligations souveraines. Cette loi concoctée par trois organismes gouvernementaux US - la Fed, la Commodities Futures Trading Commission et le Office of the Comptroller of the Currency - empêche certes les banques d'acheter la plupart des obligations émises par des entreprises privées, mais elle les exhorte en revanche à se reporter sur un placement alternatif qui se trouve être celui de la dette publique américaine…

Intensifier cette politique

Aujourd'hui en 2014, tandis que les dettes publiques de six pays européens (Irlande, Portugal, Belgique, Italie, Grèce et Islande) dépassent 90% de leur P.I.B., et que la quasi totalité des nations de l'Union s'en approche. Alors que les pays dont les comptes publics étaient encore excédentaires et saufs il y a encore cinq ans se retrouvent dans des postures épouvantables, comme l'Irlande dont le ratio est passé de 25 à 120% entre 2007 et 2013 ! Il va de soi que les déficits publics ne seront pas résorbés par l'austérité budgétaire, et encore moins par le retour d'une hypothétique croissance.

La grande majorité des nations européennes est effectivement parvenue aujourd'hui à un stade d'exaspération fiscale sans précédent, et pour cause ! La moitié du P.I.B. français n'est-elle désormais pas financée par les impôts ? Ce niveau étant à peine plus clément en Belgique et en Autriche, qui sont suivies de très près par l'Allemagne et par l'Italie. A présent que le chômage y atteint lui aussi des niveaux records, le citoyen de base n'est strictement plus en mesure de payer un impôt en constante augmentation.

Il faut donc intensifier la répression financière, en instaurant une taxe progressive sur l'épargne à partir d'un montant de l'ordre de 100.000 euros.

 

* Michel Santi, économiste franco-suisse, conseille des banques centrales de pays émergents. Il est membre du World Economic Forum, de l'IFRI et est membre de l'O.N.G. "Finance Watch". Vient de paraître : une édition étoffée et mise à jour des "Splendeurs et misères du libéralisme" avec une préface de Patrick Artus et, en anglais, "Capitalism without conscience". Vient de paraître :"L'Europe, chronique d'un fiasco politique et économique"

 

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Commentaires 19
à écrit le 22/01/2014 à 10:26
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mais c est voté il me semble c est le bain inn,si je ne me trompe pas ...

à écrit le 20/01/2014 à 20:16
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Et il ne propose pas de faire payer des impôts aux morts ? Parce qu'il y en a beaucoup, des morts...

à écrit le 20/01/2014 à 16:16
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Il ne resterait plus qu'à voler les épargnants en taxant une épargne qui a déjà subi toute une cascade de taxes et qui servira pour beaucoup à assurer leurs vieux jours, les études des enfants, les coups durs divers... Jusqu'où ira t on ?

à écrit le 20/01/2014 à 13:15
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Confisquer tous les biens appartenant à des personnes de droit privé et leur imposer de reverser l'intégralité des revenus perçus. L'Etat vaut bien que vous creviez de faim, tout de même !

à écrit le 20/01/2014 à 12:53
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Aller dans la voie autoritaire proposée aboutirait à dégrader encore un peu plus la confiance et donc à s'enfoncer davantage dans la crise.....

à écrit le 20/01/2014 à 11:32
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La prépression financière aura-t-elle lieu comme la guerre de Trie sur Tatoine se fait avec un cheval! Mais on ne fait pas avancer un bidet en le poussant des deux côtés. On ne dévalue pas le sesterce, on le sait depuis la décadence des Rome, à cette...

à écrit le 20/01/2014 à 11:18
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C"est du grand n importe quoi. Encourageons ceux qui prennent des dettes de tous les cotes... cartes bancaires, mortgages... taxons ceux qui ont ete prudents et ont epargne. Nullissime.

à écrit le 20/01/2014 à 11:03
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Avec un économiste pareil qui prône de nouvelles taxes sur l'épargne, comment voulez-vous que les français aient encore confiance? On taperait une fois de plus sur la classe moyenne, la seule qui puisse encore faire survivre le pays! L'épargne subit ...

à écrit le 20/01/2014 à 11:01
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Demander donc conseil aux dirigeants de Dexia ils viennent d'augmenter leurs revenus de 30%. Elle est pas belle la vie pour les banquiers. M Santi vous pourrez faire tous les articles du monde (faut bien vivre) il n'y qu'une seule solution pour toute...

le 20/01/2014 à 13:16
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Et en plus, des banquiers très proches de l'Etat...

à écrit le 20/01/2014 à 10:44
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Mise en pratique par l'état,ça fait Pschitt car l'économie dite souteraine prendra le relais à tous les étages,en premier les banques elles mêmes

à écrit le 20/01/2014 à 10:39
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L'épargne, c'est de l'argent disponible pour l'économie, puisqu'elle peut être prêté par les banques. Faut arrêter de discréditer les épargnants dont l'épargne sera peut-être leur seule source de retraite. On veut obliger les épargnants à investir en...

le 20/01/2014 à 15:14
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si la France dispose d'autant d'épargne,pourquoi recourir aux marchés financiers? faisons comme en Belgique,émettons nos dettes auprès de nos compatriotes, avec un livret A ridicule en intérêt cela peut-être possible

à écrit le 20/01/2014 à 10:37
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Mais, c'est tout simplement grotesque, et on le sait parfaitement ; alors, pourquoi de telles ballivernes ? Cette répression financière inonde de liquidités qui alimentent , peut-être,la roulette russe des bourses-casinos, mais, assurément pas l'éc...

à écrit le 20/01/2014 à 9:27
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Encore un économiste à la petite semaine....

à écrit le 20/01/2014 à 9:10
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Comment voulez vous voir une "embellie" quand tout le monde fait la même chose? Les gains des uns a toujours fait les pertes des autres a moins d'être puisé dans l’environnement!

à écrit le 20/01/2014 à 9:09
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Le problème n'est pas d'aider les états a soulager le poids de leurs dettes mais de leurs apprendre a ne pas dépenser plus qu'ils ne gagnent Mais si la politique préconisée par ce monsieur prend corps ensuite quand les banques seront chargées de prêt...

à écrit le 20/01/2014 à 8:00
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Le comble du cynisme consiste à voter allègrement les taxes et impôts pour les autres en prenant le plus grand soin à s'en exonérer comme le font nos très chers élus avec les indemnités non-imposables.... Allez voter pour les mêmes, braves gens !

à écrit le 20/01/2014 à 7:58
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Donc un nouvel impôt avec cette taxe supplémentaire sur l'épargne ? C'est bien ce que préconise cet "économiste" ? Après avoir écrit que la fiscalité avait atteint un maximum supportable.....

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