Pourquoi les Chambres de commerce et d’industrie se rebellent contre le gouvernement

Par Fabien Piliu  |   |  832  mots
Dans les Chambres de commerce et d'industrie, et notamment à Lyon, la révolte gronde
Dans un texte au vitriol, les Chambres de commerce et d’industrie de France ont décidé de suspendre leur collaboration avec le gouvernement. Elles remettent en cause la refonte du réseau qu’envisage sérieusement l’exécutif.

Habituellement policée, la communication des Chambres de commerce et d'industrie de France (CCI) est désormais agressive. Très agressive même. Dans leur viseur ? Le gouvernement.

Dans la foulée de la publication par Les Echos d'un rapport provisoire de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET), dont la version définitive est attendue cet été, les CCI de France s'en prennent directement à l'exécutif.

Le "mépris affiché du gouvernement"

"Les présidents de CCI réunis ce jour, mardi 27 mai, en assemblée générale de CCI France, constatent le mépris affiché du gouvernement envers l'engagement bénévole de 5.000 chefs d'entreprise, élus, au service des entreprises et des territoires. C'est donc la fonctionnarisation de ces élus de CCI par leur mise sous tutelle qui est envisagée. Ils constatent le dédain des corps intermédiaires que sont les CCI, qui œuvrent au quotidien, sans relâche et sans fanfaronnade, auprès des entreprises pour promouvoir les politiques publiques. C'est donc le contrat d'objectifs et de performance que le gouvernement a pourtant réclamé et signé avec les CCI le 28 mai 2013, qui est foulé aux pieds".

"Ils constatent la désinvolture du gouvernement à l'égard du rôle, des missions et des propositions des CCI. C'est donc leur efficacité, leur efficience qui ne sont pas prises en compte, alors qu'elles ont joué la transparence, ce sont donc les propositions fortes d'évolution qu'elles ont portées, qui ne sont même pas étudiées. Ils constatent la négation du dialogue que le gouvernement prône par ailleurs, clé de voûte du pacte de confiance signé entre les CCI et le gouvernement le 28 mai 2013. Ce sont donc des principes de coopération qu'il a édictés et qu'il dévoie dès qu'ils sont posés".

"Le hold-up" du gouvernement sur l'argent des entreprises

"Ils constatent le hold-up qu'organise le gouvernement sur l'argent des entreprises, en confondant délibérément un fonds de roulement nécessaire pour engager des investissements productifs avec un bas de laine. C'est donc les investissements structurants réalisés chaque année par les CCI au profit des entreprises et des territoires qui sont condamnés. Ils constatent l'irresponsabilité avec laquelle le gouvernement traite la formation et l'emploi des jeunes en réduisant les moyens des écoles, des centres de formation d'apprentissage. C'est donc l'avenir de très nombreux jeunes élèves et apprentis qui est fragilisé à quelques mois de la rentrée scolaire", détaille le texte de CCI, dont le ton pourrait faire passer les attaques du patronat - ou des syndicats - pour d'aimables réprimandes faites par de vieux amis.

Concrètement, les 145 chambres réunies en Assemblée générale mardi ont voté à 95% une "motion de défense des entreprises par les CCI inscrite dans la défiance vis-à-vis du gouvernement".

Effet immédiat

Par cette motion, les présidents des CCI "actent la décision de suspendre tous les travaux en cours avec le gouvernement, tant au niveau national, que régional et territorial, ainsi que celle de ne plus promouvoir les politiques publiques, notamment le Pacte de responsabilité. (…) Cette suspension prend effet immédiatement et jusqu'à ce que le gouvernement ait pris une décision que les CCI espèrent raisonnable, évitant ainsi de casser l'économie dans les territoires et préservant l'emploi des collaborateurs impliqués du réseau des CCI ", précise le texte.

Des coupes budgétaires à venir

Pour mémoire, le rapport provisoire met en avant la "situation financière confortable" du réseau des CCI et préconisent de sévères coupes budgétaires, avec des prélèvements sur fonds de roulement, la réduction d'un tiers de la taxe affectée...

Ses auteurs reprochent aussi aux CCI d'être très mal gérées, d'intervenir "dans des champs où agissent parfois de multiples acteurs", de disposer encore d'un réseau "très atomisé" et, surtout, de bénéficier d'une "situation financière confortable".

Le document rappelle que le produit de la taxe affectée aux CCI (taxe pour frais de chambre) a bondi de 19 % en euros constants entre 2002 et 2012. "Depuis 2002, l'Etat a affecté au réseau des CCI un financement qui excédait ses besoins, ce qui a permis l'accumulation de réserves financières très conséquentes", précise le rapport, permettant notamment une politique salariale "dynamique" au sein du réseau consulaire où les rémunérations auraient augmenté de 35 % entre 2004 et 2012.

Selon l'IGAS et l'IGF, le " trop versé" aux CCI entre 132 millions et 206 millions d'euros en moyenne par an. Dans ce contexte, le rapport plaide pour une refonte radicale du réseau afin de ramener le nombre de CCI de 145 aujourd'hui à une par région d'ici à 2017.