Emploi, salaire, santé... où fait-il bon vivre en France ?

Par Fabien Piliu  |   |  1530  mots
Où fait-il bon vivre en France ?
Dans une étude publiée par l'Insee, les 2.677 territoires de vie, c'est-à-dire les bassins de vie de plus de 50.000 habitants qui composent l'Hexagone, sont décortiqués.

Où fait-il bon vivre en France ? Suivant les recommandations du rapport de la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi publié en 2009, l'Insee tente depuis d'affiner sa perception de la réalité économique et sociale en s'immergeant notamment dans les territoires et dans le quotidien des citoyens.

Outre une mesure améliorée du PIB, qui prendrait davantage en compte les inégalités, et une prise en compte des effets sur l'environnement de la production de richesses, les économistes ont suggéré de mieux mesurer la qualité de vie des citoyens. "Les indicateurs de la qualité de la vie devraient, dans toutes les dimensions qu'ils recouvrent, fournir une évaluation exhaustive et globale des inégalités ; des enquêtes devront être conçues pour évaluer les liens entre les différents aspects de la qualité de la vie de chacun, et les informations obtenues devront être utilisées lors de la définition de politiques dans différents domaines", proposent les économistes dans les recommandations 6 et 7 de leur rapport.

La France découpée en 2.677 territoires de vie

Publiée par l'Insee, l'étude mesure la qualité de vie à travers 27 indicateurs, recouvrant 13 dimensions, à l'échelle des 2.677 territoires de vie métropolitaine, c'est-à-dire les bassins de vie de plus de 50.000 habitants. La manière dont les territoires se différencient est mise en évidence; leurs atouts et leurs handicaps en matière de qualité de vie sont également mieux identifiés.

Quels sont ces indicateurs ? L'Insee a retenu l'accessibilité aux équipements, la culture-sports-loisirs-vie associative, l'éducation, l'égalité femmes-hommes, l'emploi-travail, l'environnement, l'équilibre travail-vie privée, le logement, les relations sociales, les revenus, la santé, les transports et enfin la vie citoyenne.

" La trentaine d'indicateurs de qualité de vie dessine une France assez morcelée, mais fait apparaître des continuités géographiques. De façon schématique, une typologie statistique permet d'identifier huit grands types de territoires combinant les différentes dimensions observées ", explique l'Insee.

Revenus élevés en Ile de France et dans le Genevois

La première catégorie de territoires est localisée en Île-de-France, à l'exception du sud-ouest de Paris et dans le Genevois français. Neuf millions d'habitants composent ce territoire qui se caractérise par une forte densité de population, un accès aux équipements et services très rapide et une utilisation des transports en commun fréquente, hormis dans les zones frontalières. Les revenus et les salaires moyens y sont plutôt élevés et les emplois stables. Les disparités femmes/ hommes sont présentes mais relativement réduites. " Néanmoins, ce tableau flatteur est à nuancer par l'importance du chômage de longue durée, plutôt élevé, des conditions de logement souvent peu confortables et un lien social qui peut être malmené ", note l'Insee qui évoque la part élevée des familles monoparentales et des personnes âgées vivant seules.

dans les métropoles régionales, on habite près de son travail

Habités par 15,8 millions d'habitants, composés de la plupart des métropoles régionales (Lyon, Marseille, Lille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, etc.), certains territoires de plus petite taille ainsi que des zones touristiques de montagne conjuguent à la fois une rapide accessibilité aux équipements et services et une densité de médecins généralistes importante au regard de la population. L'adéquation des emplois par rapport aux catégories sociales des actifs est bonne, et les emplois sont relativement proches du lieu de résidence. " Cependant, à l'instar des autres territoires plutôt urbains, les situations sociales difficiles sont également présentes ", observe l'Insee, évoquant le nombre élevé de familles monoparentales et la suroccupation des logements. Quant aux zones de montagne orientées vers le tourisme, elles se rapprochent des métropoles régionales par des conditions socio-économiques et d'accès aux équipements favorables. " Mais les emplois y sont moins fréquemment stables ", tempère l'Insee.

Avec 1 million d'habitants, certains territoires, principalement localisés au sud-ouest de Paris et au nord-ouest de Lyon, concentrent de hauts revenus et une population diplômée puisque 70 % détiennent au moins le baccalauréat. " En lien avec la forte densité de population, les transports en commun y sont développés et les équipements et services facilement accessibles. Le taux d'activité est élevé avec des emplois stables, mais souvent éloignés, car le niveau d'inadéquation des emplois offerts sur place, au regard des catégories sociales des résidents, est élevé ", note l'Insee qui constate également d'importantes disparités femmes/hommes dans ces territoires en termes de taux d'emploi, mais surtout en termes de rémunération. Les écarts de rémunérations entre les hommes et les femmes sont en moyenne de 33%.

Près des grandes métropoles régionales, la vie est douce, mais il faut une voiture

Situés en périphérie des grands pôles urbains - les grandes métropoles régionales -, certains territoires présentent des caractéristiques favorables, que ce soit en matière d'emploi (taux d'emploi élevés, y compris pour les jeunes souvent diplômés, peu de chômage, emplois stables), mais aussi en termes de revenus, de confort des logements et de liens sociaux. De plus, la participation à la vie citoyenne y est particulièrement développée. C'est donc le bonheur pour leurs 5,3 millions qui y résident ? l'Insee apporte un bémol. L'emploi est souvent éloigné du domicile. Ainsi, il faut plus de 30 minutes pour rejoindre son emploi pour un tiers des actifs, et l'adéquation entre emplois offerts et actifs résidents est défavorable. En outre, les disparités femmes/hommes sont marquées en termes de taux d'emploi, et plus encore en termes de rémunération. Quant au temps d'accès à certains équipements culturels, par exemple le cinéma, il reste élevé.

Le nord et le Languedoc-Roussillon marqués par leur passé industriel

Certains territoires, parmi lesquels le nord et l'est de la France qui recouvrent d'anciens pôles industriels ou miniers (Douai-Lens, Béthune, Thionville...) mais également le sud-est, particulièrement en Languedoc-Roussillon (Carcassonne, Béziers, Alès...), cumulent des positions relatives peu favorables sur plusieurs dimensions de la qualité de vie. "Les indicateurs liés au marché du travail sont tous parmi les moins élevés: faible taux d'emploi [moins de 80 % parmi les 25-54 ans], notamment pour les femmes, faible insertion des jeunes, fort chômage de longue durée. Les revenus moyens y figurent donc parmi les plus faibles [17 % de moins que la moyenne nationale]", observe l'Insee. Ce n'est pas tout. S'ajoutent des temps d'accès aux équipements plus élevés, des logements moins confortables, un certain isolement des personnes âgées et une faible implication sociale et citoyenne. Dans le nord, on peut noter une mortalité relative plus élevée. Au total, 9 millions de personnes vivent dans ces territoires.

La vie dans les bourgs de France: des emplois, mais peu de services

Les bourgs, où vivent 7,8 millions d'habitants, se distinguent par un caractère moins urbain, un accès aux équipements moins rapide et une densité de médecins généralistes plus faible que la moyenne. Cependant la situation de ces territoires est plus favorable en termes d'emploi, même si la distance domicile-travail est plus élevée que la moyenne. Les rémunérations se situent dans la moyenne nationale. Ce type de territoires est principalement présent dans le bassin parisien et le quart nord-est de l'Hexagone.

Des rémunérations modestes dans la «diagonale aride»

Le tableau est également contrasté dans les territoires qui composent la « diagonale aride », sur une ligne qui traverse la France des Ardennes jusqu'aux Pyrénées, en passant par la Bourgogne et le Massif central, sans oublier les Alpes du Sud et la Corse. Dans ces territoires habités par 3 millions d'habitants, l'Insee constate une accessibilité aux services des différentes gammes plus faible que la moyenne et une faible densité médicale. Le taux d'emploi reste dans la moyenne, mais les rémunérations sont plutôt modestes. Point positif, l'adéquation entre emplois et actifs résidents est parmi les plus favorables, ce qui traduit une certaine autonomie de ces territoires. "C'est dans ce type de territoires que la part des espaces artificialisés est la plus faible, avec moins de 2% de la superficie", constate l'Insee.

Vive les villes moyennes ?

Les 12 millions d'habitants qui vivent à proximité des villes moyennes sont-ils les mieux lotis? Situés dans l'ouest et le sud-ouest et à proximité de certains grands pôles de l'est, ces territoires proposent un accès plutôt rapide aux équipements et services, des conditions de logement plutôt bonnes, avec très peu de personnes vivant dans des logements suroccupés. La population diplômée est relativement peu importante, y compris chez les jeunes, cependant le taux d'emploi est particulièrement élevé avec des disparités femmes/hommes réduites. Le chômage de longue durée est rare. Autre avantage, l'emploi est très souvent à proximité du domicile, ce qui permet de compenser le fait que les transports en commun sont peu développés. Seul point faible, les salaires sont peu élevés.