Budget 2015 : Bercy lève un peu le voile sur l'effort supplémentaire de 3,6 milliards d'euros

Par Fabien Piliu  |   |  849  mots
Pour convaincre Bruxelles de la capacité de la France à maîtriser la trajectoire de ses finances publiques, le ministre des Finances a annoncé, le mois dernier, un effort budgétaire supplémentaire de 3,6 milliards d'euros pour baisser de 0,5 point le déficit budgétaire. Si toutes les mesures permettant d'aboutir à ce résultat ne sont pas encore connues, le projet de loi de finances 2014 rectificatif, présenté en Conseil des ministres ce mercredi, apporte quelques éclaircissements.

Afin d'abaisser de 0,5 point le déficit public, et passer ainsi de 4,9% à 4,4% du PIB, Michel Sapin, le 27 octobre, pendant l'examen même du budget français par Bruxelles, annonçait un effort budgétaire supplémentaire de 3,6 milliards d'euros. D'où provient cette cagnotte ? Présenté en Conseil des ministres ce mercredi, le projet de loi de finances rectificatif 2014 apporte un peu de précision sur cet effort, sachant que le cadrage macroéconomique est inchangé: le PIB devrait progresser de 0,4% cette année.

Sur ces 3,6 milliards d'euros, 1,6 milliard d'euros proviennent d' un allègement anticipé de la charge de la dette consécutif à la baisse du taux d'intérêt auquel la France emprunte. Cet été, Bercy tablait sur un taux moyen de 2,2% pour 2014. Le ministère vise désormais un taux de 1,8%, sachant qu'il évolue actuellement aux alentours de 1,2%. " De fait, une remontée éventuelle du taux d'intérêt est désormais intégrée ", explique-t-on dans l'entourage du ministre. Des versements moindres que prévu du CICE - 200 millions d'euros de moins que prévu en 2014 et 100 millions en en 2015 - et dans une moindre mesure de la CVAE - 200 millions d'euros en moins en 2014 mais 200 millions d'euros de plus en 2015 - expliquent également ces économies.

La fin de la déductibilité ubuesque de certaines taxes

Et les 2 milliards restants ? Bercy espère retirer 1,5 milliard d'euros de recettes supplémentaires entre 2015 et 2017 en mettant fin à la déductibilité fiscale de diverses taxes. C'est la fin d'un mécanisme pour le moins étrange consistant à prendre d'une main pour redonner de l'autre, le manque à gagner fiscal étant compensé par le contribuable.

Il s'agit de la taxe de risque systémique (TRS) acquittée par le secteur bancaire et de la contribution au fonds de résolutions unique européen (FRU), jusqu'ici déductibles du résultat imposable. Cette dernière sera progressivement supprimée. Versée par les compagnies d'assurances, la taxe sur les excédents de provisions sera également rendue non déductible de l'impôt sur les sociétés. La déductibilité du résultat imposable de la taxe annuelle sur les bureaux est également supprimée.

A elle seule, la suppression de la déductibilité de la taxe de risque systémique acquittée par le secteur bancaire rapporterait 280 millions d'euros à l'Etat en 2015.

La lutte contre la fraude s'intensifie

La lutte contre la fraude fiscale est également durcie. Aux 70 mesures créées depuis 2012 pour lutter contre conte ce phénomène s'ajoutent la mise en place d'un dispositif permettant de récupérer la TVA sur les véhicules d'occasion, de lutter contre fraude à la TVA réalisées par les sociétés éphémères dans le domaine de la construction et aussi dans le domaine de la vente en ligne. Dans le viseur de Bercy ? Les professionnels qui écoulent leurs produits sur les sites du type Le bon coin ou EBay et qui oublient de déclarer la TVA. Au total, ce sont 900 millions d'euros de recettes fiscales supplémentaires qui devraient être réalisés grâce au renforcement de la lutte contre la fraude fiscale.

Une forte incertitude existe encore sur le montant de la contribution française au projet de budget européen en 2014 et en 2015. A Bercy, plusieurs scénarios sont envisagés. Une hausse de cette contribution en 2014 avant une forte baisse en 2015 fait parti des pistes probables.

Une application floue

L'application de certaines mesures reste encore floue. Bercy annonce un recentrage de la majoration de la taxe foncière des terrains constructibles ainsi qu'une majoration de la taxe d'habitation sur les logements meublés mais non affectés à une résidence principale - les résidences secondaires, concrètement -, dans les zones tendues et pour " les collectivités qui le souhaitent ", explique-t-on à Bercy. Les communes pourraient majorer de 20% le  taux de cette taxe. Le produit de cette taxe devrait rapporter environ 150 millions d'euros à l'Etat.

Des dépenses non prévues

Autre enseignement de ce PLFR, le déficit de l'Etat sera plus élevé qu'attendu cette année, à 88,2 milliards d'euros, contre 83,9 milliards d'euros initialement prévu. Cette révision est liée à des recettes fiscales moindres en raison de la stagnation de l'activité économique, ainsi qu'à des dépassements de dépenses résultant notamment du surcoût des dispositifs de solidarité pour les personnes les plus pauvres, en lien avec la dégradation de la conjoncture, et du coût des opérations militaires françaises à l'étranger, notamment au Mali et en Centrafrique. Ces dépenses supplémentaires sont estimées à environ 2,1 milliards d'euros.

D'autres mesures pourraient suivre lors de l'examen du texte au Parlement. De nouvelles  taxes pourraient-elles être annoncées, contrairement à l'annonce faite le 6 novembre par François Hollande, le président de la République, de ne plus augmenter les impôts à partir de 2015 ? Rien ne l'interdit réellement. Pour deux raisons. D'une part, le millésime de ce texte est... 2014. D'autre part, à Bercy, la distinction semble bien claire entre les augmentations générales et les taxes spécifiques...