Comment Serge Dassault s'est fait remettre 53 millions d'euros en cash

Par latribune.fr  |   |  488  mots
Le liquide que Gérard Limat dit avoir apporté à Serge Dassault à Paris était initialement puisé sur des comptes au Liechtenstein, au Luxembourg ou en Suisse. (Crédits : Reuters)
Le comptable suisse du sénateur UMP a décrit aux juges enquêtant sur les soupçons d'achat de voix à Corbeil-Essonnes comment il a remis pour 53 millions d'euros au maire de la ville entre 1995 et 2002.

De l'argent en liquide emballé dans du papier journal. Révélé lundi 17 novembre par France Inter et Libération, le procès verbal du comptable suisse de Serge Dassault décrit le dispositif qui aurait permis à l'avionneur de recevoir à Paris de l'argent liquide depuis le Liechtenstein et la Suisse.

Ce sont les juges enquêtant sur les soupçons d'achat de voix à Corbeil-Essonnes qui ont procédé à l'audition en octobre de Gérard Limat, lui qui se présente comme "l'homme à tout faire" de l'industriel. Selon son témoignage, Gérard Limat aurait remis au moins 53 millions d'euros à Serge Dassault entre 1995 et 2002.

Cofinor, clé du système

Au centre du dispositif, la société financière genevoise Cofinor. Cette chambre de compensation aurait pour spécialité, selon une description faite il y a quelques mois auprès de l'AFP par un enquêteur, d'envoyer "où vous voulez dans le monde votre argent que vous lui remettez en Suisse".

Le liquide que Gérard Limat dit avoir apporté à Serge Dassault à Paris était initialement puisé sur des comptes au Liechtenstein, au Luxembourg ou en Suisse, avant d'arriver sur les comptes genevois de Cofinor.

Dès lors, Gérard Limat, entendu les 6 et 7 octobre par les enquêteurs, décrit la suite du circuit qu'empruntaient ces fonds, selon les PV révélés par Libération et France Inter.

"Cofinor me donne un rendez-vous pas trop loin de l'Arc de Triomphe", le livreur "me remet un sachet en plastique passe-partout (Carrefour, Dior, Fnac, etc.), lequel contient l'argent en numéraire entouré de papier journal. Ce n'était que des liasses de billets de 100 euros".

"Je posais le sac dans un coin de son bureau"

"Je ne voyais jamais l'argent puisque j'allais directement au rond-point" des Champs-Elysées, siège du groupe Dassault, "je montais dans le bureau de Serge Dassault, je posais le sac dans un coin de son bureau et immédiatement, on parlait d'autre chose", a raconté Gérard Limat aux enquêteurs.

"Je n'ai jamais posé de questions et Serge Dassault ne m'en a jamais rien dit", a-t-il encore dit. L'industriel "me disait qu'il avait besoin de me voir, je comprenais qu'il avait besoin d'argent liquide", selon la déposition de Gérard Limat.

De l'argent pour acheter des voix ?

Mis en examen pour complicité de financement de campagnes électorales, d'achat de votes et blanchiment, celui qui décrit Serge Dassault comme un "ami" n'établit pas de lien entre ces livraisons d'argent liquide et l'achat présumé de voix à Corbeil-Essonnes entre 2008 et 2012, objet de l'enquête des juges financiers.

Âgé de 89 ans, Serge Dassault avait été mis en examen en avril pour "achat de votes", "complicité de financement illicite de campagne électorale" et "financement de campagne électorale en dépassement du plafond autorisé". S'il a reconnu des dons, Serge Dassault a toujours réfuté avoir acheté des voix d'électeurs lors des municipales de 2008, 2009 et 2010.