Réforme territoriale : "Le texte ne correspond pas aux engagements du Président de la République"

Par Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut  |   |  774  mots
Alain Rousset, président (PS) de l'Association des Régions de France, demande au gouvernement un arbitrage clair sur le projet de loi sur la répartition des compétences entre les collectivités locales
Alain Rousset, président (PS) de la Région Aquitaine et de l'Association des Régions de France (ARF), n'est pas satisfait du projet de loi sur la répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales (projet de loi NOTRe) tel qu'il a été voté par le Sénat mardi 27 janvier.

Vendredi 23 janvier, le Sénat a terminé l'examen du projet de loi portant « Nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRe). Il a notamment accordé aux départements le maintien des compétences qui devaient revenir aux Régions. Qu'en pensez-vous ?

Alain Rousset : Il va en effet falloir clarifier tout ça. Tel qu'il se présente aujourd'hui après son passage au Sénat, le texte ne convient absolument pas aux Régions, et il dément la volonté et les engagements du Président de la République, du Premier ministre. Il faut un arbitrage clair. L'Association des Régions de France a d'ailleurs demandé à rencontrer le Premier ministre avant l'arrivée du projet de loi devant l'Assemblée nationale. Il faut un vrai texte de décentralisation, et que l'on sache réellement qui fait quoi.

Dans le détail, que reprochez-vous au texte après son passage au Sénat ?

Le Sénat a décidé de laisser aux départements la gestion de la voirie départementale, des collèges, des transports scolaires tout en reconnaissant aux Régions un rôle de chef de file en matière de politique économique mais qui a été amoindri. Les Régions doivent avoir une compétence exclusive sur les interventions économiques en général et sur les aides directes en particulier notamment sur l'innovation pour que l'accompagnement des PME et des ETI se fasse au bon niveau. Le bloc communal a quant à lui vocation à intervenir sur le foncier et l'immobilier d'entreprise...

Par ailleurs, il serait réellement cohérent que les collèges relèvent de la région. Nous avons déjà la responsabilité des lycées et nous voulons dynamiser l'apprentissage. Or, tout ceci forme un tout si on veut accompagner les jeunes dans leur parcours de formation. Les régions doivent être en pointe dans les politiques d'insertion des jeunes. Nous plaidons d'ailleurs pour le rétablissement d'un vrai service public de l'orientation.

En revanche, vous devez apprécier que le Sénat ait confié aux régions le soin de piloter le service public de l'emploi, contre l'avis du gouvernement....

Mais il est logique que les Régions assurent le pilotage du système. On souhaite en revanche que ce pilotage puisse se faire sous forme expérimentale à la demande des Régions. Ce sont les Régions qui prennent des initiatives, ce sont elles qui connaissent le mieux les bassins d'emploi et les besoins des PME avec lesquelles elles sont en contact permanent. Actuellement, on a un système sans pilote sur le terrain. Du coup, il y a autant de politiques de l'emploi qu'il y a d'agences Pôle emploi. Il est donc faux de dire que l'État assure l'égalité entre les territoires, il n'y a qu'à regarder les différences qui existent dans le nombre de demandeurs d'emploi suivi par un conseiller de Pôle emploi au détriment en plus des zones les plus en difficulté. Pour autant, on ne conteste pas à l'État son droit de fixer les droits et les devoirs des chômeurs ou les règles d'indemnisation. On ne demande pas non plus de changer le statut de Pôle emploi ou de ses agents. Mais que l'État nous laisse la responsabilité de l'insertion et de l'accompagnement des chômeurs.

Initialement, l'échelon départemental devait disparaître en 2020. On a l'impression que cette échéance s'éloigne...

Il y a aujourd'hui un réel risque de se retrouver à la case départ sans avoir clarifié quoi que ce soit entre les échelons de collectivités locales et leurs compétences respectives. Le Premier ministre a laissé la porte ouverte au maintien d'une partie des départements, le Sénat l'a bien compris. Le gouvernement doit absolument trancher sur cette question des compétences. Marylise Lebranchu et André Vallini nous paraissent partager cette approche.

Parallèlement, les Régions continuent de plaider pour une adaptation des ressources fiscales à leurs nouvelles compétences...

C'est exact, l'ARF plaide pour une meilleure adéquation entre ressources et compétences des collectivités locales. Elle souhaite donc que la part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) allouée aux régions passe de 25% à 70% car elles ont en charge le développement économique et l'appui aux PME et ETI. Manuel Valls lors de son intervention devant notre congrès à Toulouse à l'automne 2014 semblait favorable à cette revendication. Je pense que cette revalorisation se fera en tout état de cause par étapes, avec une première hausse qui doit intervenir dès le projet de loi de finances 2016.