Les investisseurs chinois envahissent-ils la France ?

Par Fabien Piliu  |   |  953  mots
Club Med passait sous pavillon chinois en janvier 2015, après une ultime offre du fonds Gaillon Invest II, le groupement d'investisseurs mené par le conglomérat chinois Fosun.
Selon une étude du cabinet américain Baker & McKenzie, « Reaching New Heights », les investissements chinois ont atteint des records en Europe en 2014. La France est-elle une cible de choix ?

On a beaucoup parlé de nos amis chinois en 2014. Après l'entrée du chinois DongFeng dans le capital de PSA en janvier, ce fut au tour du consortium chinois Symbiose de remporter en décembre le contrat de gestion de l'aéroport de Toulouse-Blagnac dans le cadre d'une concession courant jusqu'en 2046.

Quelques semaines plus tard, après un long feuilleton, Club Med passait sous pavillon chinois en janvier 2015, après une ultime offre du fonds Gaillon Invest II, le groupement d'investisseurs mené par le conglomérat chinois Fosun.

Mais les investisseurs chinois ne s'intéressent pas qu'aux pépites du CAC 40. Ils n'hésitent pas à s'implanter directement lorsqu'aucune entreprise n'est à vendre ou quand aucune entreprise n'est en mesure de répondre à leurs besoins. En pleine Bretagne « noire », à Carhaix-Plouguer dans le Finistère, le groupe chinois Synutra a implanté son usine de lait déshydraté dont la production sera ensuite totalement exportée en Chine. C'est une véritable bouffée d'air pour cette ville du Centre-Bretagne, marquée par les difficultés de la filière porcine. Les 150 emplois créés, dans un premier temps, sont donc une excellente nouvelle.

Plus de 15.000 français travaillent pour des entreprises chinoises

Au total, selon l'Agence française des investissements internationaux (AFII), environ 240 investisseurs chinois avaient déjà fait le choix de la France fin 2013, représentant près de 10.000 emplois. Si l'on ajoute les 70 filiales d'entreprises originaires de Hong Kong, ce sont au total 16.000 salariés qui travaillent pour des entreprises de Chine ou Hong Kong.
Avec un tel montant d'IDE, la France semble être une destination de choix pour les entreprises de l'Empire du Milieu.

Selon une étude du cabinet américain Baker & McKenzie, « Reaching New Heights », si les investissements chinois ont atteint des records en Europe en 2014, ils n'ont pas atteint des sommets en France.

En effet, ils ont doublé en volume et en valeur entre 2013 et 2014 pour atteindre 153 transactions et un montant de 18 milliards de dollars. Avec 5,1 milliards d'euros investis, la Grande-Bretagne est en tête du classement, suivie par l'Italie (3,5 milliards de dollars) et les Pays Bas (2,3 milliards de dollars). Avec moins de 1,5 milliards de dollars investis sur son territoire, la France se classe en sixième position. " Après avoir concentré leurs investissements aux Etats-Unis, les investisseurs chinois ont fait le choix de l'Europe pour diversifier leur portefeuille et les risques ", explique Stéphane Davin, associé du département Fusions & Acquisitions de Baker & McKenzie à Paris.

Sur longue période, la France se classe au troisième rang européen

En revanche, la France se classe sur le podium sur longue période. Elle se classe au troisième rang entre 2000 et 2014 avec un total de 8 milliards de dollars. « Cette tendance devrait se confirmer en 2015 avec les investissements Club Med (4,3 milliards de dollars) et Louvre Hotels (1,5 milliards de dollars) », précise l'étude. Sur cette période, la Grande-Bretagne reste en tête avec 16 milliards de dollars investis depuis 2000.

Cette présence des investisseurs chinois n'est pas récente. Elle aurait accéléré à partir de 2004. En effet, estimés à 1 milliard de dollars par an en moyenne entre 2004 et 2009, les investissements chinois ont triplé en 2009, pour atteindre environ 3 milliards de dollars. En 2011, ils ont une nouvelle fois triplé pour atteindre 10 milliards de dollars. Au total, 55 milliards de dollars investis en Europe depuis 2009.

L'agro-alimentaire et l'immobilier sont dans le viseur

En France, les cibles prioritaires des entreprises chinoises sont les secteurs de l'agro-alimentaire, de l'énergie et de l'immobilier. Selon l'étude, entre 2000 et 2014, elles ont investi 17 milliards de dollars dans l'énergie et 7,7 milliards de dollars dans l'automobile. Sur la même période, l'agro-alimentaire a généré 6,9 milliards de dollars et l'immobilier 6,4 milliards de dollars d'investissements. Depuis 2013, le secteur énergétique a toutefois perdu de son importance au profit de l'agro-alimentaire et de l'immobilier. En 2014, le secteur agro-alimentaire se classe en tête avec 4,1 milliards de dollars d'investissements et l'immobilier avec 3 milliards de dollars (contre 3,7 milliards de dollars pour l'énergie et 2,2 milliards de dollars pour le secteur automobile).

L'étude fait également un point sur le profil des investisseurs. Après avoir initialement tenu le haut du pavé, ce ne sont plus seulement les entreprises chinoises détenues par l'Etat qui investissent mais désormais des acteurs du secteur privé et des investisseurs financiers.

L'exécutif déroule le tapis rouge

Cet "amour" des investisseurs chinois pour le lait breton ou pour le patrimoine immobilier tricolore n'est pas déçu. Une belle histoire d'amour se joue à deux. " Les investisseurs chinois sont opportunistes et clairement bienvenus en France ", avance Stéphane Davin.

L'épisode du décret Montebourg sur les investissements stratégiques est-il oublié ? " Ce décret n'a pas froissé les investisseurs chinois car il n'était pas clairement anti-chinois. Son objectif était seulement de modifier à la marge la protection des intérêts économiques stratégiques français ", rappelle-t-il. Depuis, l'exécutif fait les yeux doux aux investisseurs étrangers et notamment chinois. Un "conseil de l'attractivité" a été créé en février 2014. Après François Hollande, le chef de l'Etat, en avril 2013, ce fut au tour de Manuel Valls, son Premier ministre de faire le déplacement en Chine à la fin du mois de janvier.

" Les Français reçoivent les Chinois en les invitant à Versailles, eux nous reçoivent à la Cité interdite. Nos deux pays sont le fruit de leur histoire, les symboles sont importants, tout autant que les investissements chinois en France. (...); La France est un pays qui vous attend (...) On est dans une économie ouverte, il y a des milliards d'investissements qui peuvent venir de Chine et la France a besoin de capitaux et d'investisseurs ", a-t-il notamment déclaré.