Un sommet européen sans sujet qui fâche

Par Robert Jules  |   |  904  mots
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A l'issue de leur dernier sommet européen de l'année, les vingt-sept chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE ont entériné ce vendredi la décision de rendre permanent à partir de 2013 l'actuel fonds européen de stabilité financière sans en définir les modalités concrètes. Ils s'agissait d'éviter les sujets qui fâchent, pour afficher une parfaite unité. Les marchés financiers sont restés de marbre.

Le septième Sommet européen des chefs d'Etat, qui s'est tenu à Bruxelles durant deux jours, s'est achevé ce vendredi en laissant un grand nombre de questions sans réponse. A l'issue d'une année noire pour la zone euro, qui aura mis à rude épreuve sa cohérence, les responsables politiques ont voulu afficher leur unité face au risque de contagion de la crise de la dette publique et de la montée générale du scepticisme à l'égard de la zone de la monnaie unique.

"La sortie de l'euro, c'est tout simplement irresponsable et inenvisageable. L'euro, c'est le coeur de la construction européenne. Si l'euro s'écroule, si l'euro devait disparaître, c'est la construction européenne qui serait atteinte structurellement", a estimé le président français Nicolas Sarkozy, à l'issue du sommet, avant de prendre un engagement : "moi, je ne l'accepterai jamais !"

Une garantie de 440 milliards d'euros

Au-delà des déclarations, la seule véritable décision prise par les Vingt-Sept a été la pérennisation à partir de 2013 de l'actuel Fonds européen de stabilité financière (FESF) mis en place en mai, garanti par les membres à hauteur de 440 milliards d'euros, en un mécanisme permanent de stabilité financière, dont il reste encore à fixer les modalités concrètes, en particulier sur le montant de la garantie, la part supportée par les investisseurs privés en cas de restructuration de la dette d'un pays et l'allongement des maturités pour étaler les remboursements des dettes.

Cette décision nécessitera une modification du Traité, sous la forme de l'ajout du paragraphe suivant indiqué dans du communiqué lu par le président du conseil européen Herman Van Rompuy : "les Etats membres dont la monnaie est l'euro peuvent instituer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L'octroi, au titre du mécanisme, de toute assistance financière nécessaire, sera subordonné à une stricte conditionnalité."

Pour les eurobonds, le "nein" l'emporte

En revanche pour ce qui concerne le court terme, les chefs d'Etat sont restés vagues. La solution d'une émission d'"eurobonds" a été soigneusement éludée, et les chefs d'Etat se  sont engagés à augmenter, si nécessaire,  les moyens financiers du FESF pour maintenir la stabilité financière de la zone euro,  mais sans fournir de précisions.

Les responsables politiques espèrent ainsi rassurer les marchés financiers sur leur volonté de défendre la monnaie unique, alors que la situation est loin de s'améliorer pour les maillons faibles de la zone. Après la Grèce en mai, qui a reçu une aide de 110 milliards d'euros, et l'Irlande en novembre, qui a bénéficié d'un plan de 85 milliards d'euros, le Portugal et l'Espagne sont régulièrement cités comme les prochains pays nécessitant un secours financiers pour faire face à leurs besoins.

Mercredi, l'agence Moody's - qui a dégradé ce vendredi de "cinq crans" la dette souveraine irlandaise - avait placé mercredi celle de l'Espagne sous "surveillance négative", souvent l'antichambre à une dégradation.

"La réponse des Européens à ces crises est bien réelle, mais elle est partielle, mal calibrée et source d'incertitude pour l'avenir. Sans solution globale, la perception d'un risque souverain/bancaire élevé va subsister en 2011. On risque donc de connaître des nouvelles poussées de stress et des phases d'accalmie avec, le temps passant et les stratégies de consolidation budgétaire portant leur fruit, un recul de ce risque", analyse Bruno Cavalier, économiste en chef chez Oddo Securities.

Les résultats du sommet ont laissé en effet les marchés financiers de marbre, les taux de rendements des emprunts à 10 ans de l'Irlande, du Portugal et de l'Espagne se tendant légèrement, tandis que l'euro restait stable face au dollar. Les investisseurs n'attendaient pas de grands bouleversements de la réunion, car les problèmes de fond demeurent.

Rien n'est décidé pour une défaillance qui interviendrait avant 2013

"Les marchés ne voient pas l'octroi d'aides de secours aux pays de la zone euro comme une solution au problème sous-jacent, et la Grèce en est une illustration. Comme elle ne peut pas dévaluer sa monnaie, elle doit mener une "dévaluation" interne pour restaurer sa croissance. Ce qui ne peut se faire que par la réduction salariale, ce qui aggrave les problèmes de dette publique à cause d'une croissance faible et ceux de fonds propres pour les banques alors que les défauts s'accentuent", explique Steve Barrow, économiste chez Standard Bank, pour qui la seule issue à cette spirale mortelle, est "de restructurer la dette".

Dans le communiqué lu par le président du conseil européen Herman Van Rompuy à l'issue du sommet, il est spécifié : "Dans le cas peu probable où un pays s'avérerait insolvable, l'Etat membre concerné devra négocier un plan de restructuration global avec ses créanciers privés, dans le respect des pratiques du FMI, afin de revenir à un niveau d'endettement supportable. Si ces mesures permettent d'atteindre cet objectif, le MES (Mécanisme européen de stabilité) pourra fournir une aide en matière de liquidités."

Ce que ne dit pas le texte, c'est quelle sera la marche à suivre si un pays devenait insolvable avant 2013, année de mise en place du MES.