Quel avenir pour l'euro ?

Par Marc Fiorentino, Allofinance  |   |  639  mots
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Si on fait la somme des forces et des faiblesses de l'euro et du dollar, on arrive presque à une égalité parfaite. Alors ? 1,15 ou 1,60 ?

L'art de la prévision est par nature difficile mais, sur le marché des changes, aujourd'hui, on sent bien que les traders et les investisseurs sont complètement déboussolés sur la parité euro contre dollar. Après un accès de faiblesse au plus fort de la crise européenne, les perspectives d'accord sur le Fonds de solidarité et le changement brutal d'attitude des Allemands, qui, après avoir joué avec le feu, se sont résignés à soutenir la monnaie européenne, ont provoqué un rebond puissant.

Si on regarde le graphique de l'évolution de la parité, on est pris de vertige... 1,18 euro pour un dollar (ou presque) début juin 2010, puis 1,42 en novembre, rechute en dessous de 1,30 en début d'année 2011 pour finalement rebondir au-dessus de 1,38 au début de février. Depuis, c'est le statu quo...

Et maintenant, à quoi doit-on s'attendre ? Est-ce une veillée d'armes avant un nouveau mouvement spectaculaire, ou tout simplement un équilibre lié à des forces opposées équivalentes ? Tentons de lister les forces en présence.

Côté euro, les plus : une perspective d'accord européen sur un Fonds de stabilité aux moyens financiers et aux prérogatives élargis, un engagement allemand pour l'Union économique plus fort que par le passé, une Banque centrale européenne prête à augmenter les taux en cas de dérapage avéré de l'inflation, et un rebond économique certes modéré mais un rebond tout de même grâce à la reprise d'activité en Allemagne.

Les moins : l'accord européen n'est toujours pas signé... Les dirigeants européens repoussent de sommet en sommet la décision et tentent de masquer des dissensions profondes : l'Allemagne veut imposer son modèle économique en échange de son aide, les pays européens périphériques refusent ce qu'ils considèrent comme un diktat. Le cafouillage, cette semaine, autour de la présidence de la Banque centrale européenne, après le retrait surprise d'Axel Weber, est vécu comme un affront pour Angela Merkel qui pourrait bien se fâcher si on continue à l'empêcher d'imposer un candidat allemand à la tête de la BCE. Toujours dans les moins, la contagion de la crise de la dette européenne, stoppée pendant quelques semaines, a repris jeudi avec un dérapage non contrôlé des taux d'intérêt portugais. Et après le Portugal, il y a l'Espagne...

Côté dollar maintenant, les moins : la situation budgétaire désastreuse, au niveau fédéral mais aussi au niveau des États et des villes, avec un krach obligataire imminent. La volonté américaine non affichée de relancer les exportations en dévaluant le dollar. La volonté aussi des détenteurs d'actifs en dollars comme les banques centrales des pays émergents de rééquilibrer leur risque de change. Autre moins, l'injection massive de liquidités par la Fed.

Les plus : une croissance économique supérieure à celle de l'Europe, une volonté de relancer la croissance à tout prix qui finira par payer, un rebond potentiel de l'emploi qui finira par arriver et le rôle résiduel de valeur refuge du dollar en cas de troubles géopolitiques comme en Égypte.

Si on fait la somme des forces et des faiblesses des deux monnaies, on arrive presque à une égalité parfaite. Est-ce à dire que la parité euro-dollar va rester autour de 1,35 pendant les mois qui viennent ? Oui, si aucun élément nouveau ne vient perturber cet équilibre fragile. Mais l'expérience des derniers mois prouve que nous aurons à faire face à des surprises et que cet équilibre sera rompu.

Il faut donc scruter l'horizon avec vigilance, avec une attention particulière sur le prochain sommet européen, d'un côté, et sur le marché des emprunts d'État américains, de l'autre. Alors ? 1,15 ou 1,60 ? Les paris sont ouverts...