En Libye, les opposants à Kadhafi peinent à profiter du soutien aérien de la coalition étrangère

Par latribune.fr avec Reuters  |   |  773  mots
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Les insurgés ne parviennent pas à mettre en place une structure de commandement leur permettant de coordonner leurs répliques aux attaques des forces armées sous les ordres de Kadhafi. S'ils se félicitent du soutien aérien des armées étrangères impliquées dans l'intervention approuvée par l'ONU, ils ne souhaitent en revanche pas d'intervention terrestre.

Les forces du colonel Mouammar Kadhafi ont attaqué mardi deux villes de l'ouest de la Libye, tuant des dizaines de personnes, tandis que dans l'Est les insurgés semblent piétiner. Sur le plan diplomatique, la coalition est engagée dans un vif débat sur le bien-fondé de transférer le commandement des opérations à l'Otan. Une option dont Paris ne veut pas entendre parler. Par ailleurs, les critiques des frappes aériennes se poursuivent, en particulier dans les pays émergents.

Sur le terrain, les insurgés peinent à mettre en place une structure de commandement capable d'exploiter les perspectives ouvertes par la destruction des blindés et des défenses aériennes de l'armée régulière. Mardi, des chars de l'armée régulière libyenne et des tireurs embusqués ont ouvert le feu à Misrata, ville aux mains des insurgés, tuant plusieurs personnes, dont quatre enfants. Pour la seule journée de lundi, le bilan s'élevait déjà à 40 morts.

Les forces armées étrangères impliquées dans cette intervention ont par ailleurs connu leur première déconvenue avec la perte d'un avion de chasse américain. Il s'est écrasé dans la nuit de lundi à mardi, mais l'équipage a été récupéré, a annoncé l'armée américaine. L'accident, apparemment le premier de ce type depuis le début de l'intervention militaire sous mandat de l'Onu, samedi, est probablement dû à un problème mécanique et non à des tirs hostiles.

Tripoli bombardé pour la troisième nuit consécutive

Pour la troisième nuit consécutive, explosions et tirs de la DCA ont retenti à Tripoli et la télévision libyenne a rapporté que plusieurs sites de la capitale avaient été attaqués par "l'ennemi croisé". Un reporter de Reuters, emmené par les autorités libyennes sur une base navale de l'est de Tripoli, a vu quatre camions détruits. Ces véhicules équipés de missiles de fabrication soviétique étaient garés dans un bâtiment dont le toit s'est effondré. "On savait que l'endroit était une cible potentielle, de sorte que nous (...) l'avons évacué. Aucun bateau n'a été touché, mais peut-être demain", a expliqué le capitaine Abdul Bast.

Les forces kadhafistes ont pilonné à l'arme lourde Zentane, une ville aux mains des rebelles située près de la frontière tunisienne. Un habitant a rapporté que 10 personnes avaient été tuées. La population a fui pour se réfugier dans des grottes dans la montagne. À l'est, les insurgés piétinent à quelques kilomètres d'Ajdabiah, invoquant un équipement trop léger face aux forces kadhafistes qui ont conservé des chars et des missiles montés sur camions. Mais les insurgés y ont réaffirmé leur opposition à toute intervention terrestre étrangère.

La Turquie très critique

De toutes façons, Washington, redoutant de s'enliser dans une nouvelle guerre après celles d'Afghanistan et d'Irak, a exclu toute initiative pour renverser Kadhafi. L'Otan, dont les ambassadeurs n'avaient pas réussi à s'entendre lundi, a repris ses discussions mardi à Bruxelles et s'est entendue sur un élargissement limité de sa mission en décidant que ses bâtiments de guerre et son aviation contribueraient à l'application de l'embargo sur les armes en vigueur contre la Libye.

Une réunion de coordination politique de l'opération en Libye se tiendra dans les prochains jours, au niveau des ministres des Affaires étrangères, a annoncé pour sa part à Paris le chef de la diplomatie française, Alain Juppé. Les pays à la pointe de la campagne aérienne lancée samedi sont tous des membres de premier plan de l'Otan, mais jusqu'à présent, le rôle opérationnel de l'Otan s'est limité à la surveillance aérienne.

La France, qui a mené samedi après-midi les toutes premières frappes aériennes en Libye, s'oppose à ce que l'Otan exerce son contrôle politique dans le cas d'une opération dans un pays arabe, contrairement à l'Italie qui souhaite que l'alliance prenne en charge le commandement. Selon un diplomate en poste à l'Otan, certains pays membres ont mis en doute la nécessité de la zone d'exclusion aérienne, décrétée par l'Onu dans sa résolution 1973 de jeudi dernier.

"La réunion d'hier a été quelque peu agitée", a dit ce diplomate, en indiquant que la France avait estimé que la coalition emmenée par Paris, Londres et Washington devrait conserver le contrôle politique de la mission. Le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmed Davutoglu, a laissé entendre que les frappes aériennes étaient allées au-delà du mandat donné par la résolution.