Des retraités japonais prêts à jouer les kamikazes à Fukushima

Par latribune.fr avec Reuters  |   |  571  mots
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Alors que Tepco espère arrêter d'ici janvier les trois réacteurs qui ont connu un état de fusion, le travail de nettoyage du site constitue désormais l'autre priorité de l'opérateur japonais. Il faudra au moins une décennie pour évacuer le combustible - uranium et plutonium - et "sécuriser" le site. Une armée de 270 bénévoles, tous retraités, ont accepté de s'engager pour contribuer à ce travail d'intérêt général.

"Je serai mort avant d'avoir un cancer !" s'exclame  lorsqu'on lui fait remarquer que nettoyer le site nucléaire de Fukushima-Daichii est un travail à haut risque. Il a 72 ans et à l'instar des 270 autres retraités qui ont accepté la mission bénévole qu'il s'est assigné, le risque de contamination ne lui fait pas peur. Cet ingénieur à la retraite pense même qu'il aura encore quelques belles années devant lui.

Yasuteru Yamada a travaillé pendant 28 ans pour la société Sumimoto Metal Industries. Et s'il a choisi de s'engager aux côtés de Tepco, c'est qu'à ses yeux le nettoyage du site de la centrale accidentée est une tâche trop vaste, complexe et importante pour être laissée à un opérateur privé, qui plus est en difficulté financière. Dans un premier temps, le gouvernement nippon a réagi très fraîchement à son offre de services spontanée. Un collaborateur du Premier ministre Naoto Kan a même rejeté l'idée en parlant d'un "corps de volontaires au suicide".

Par la suite, l'idée a fait son chemin et fin mai, ce même responsable, Goshi Hosono, s'est déclaré plus réceptif lors d'une rencontre avec des cadres de Tepco compte tenu des risques sanitaires pris par le personnel plus jeune déjà mobilisé sur le site accidenté. Trois d'entre eux ont été victimes de malaise ce week-end en raison, semble-t-il, d'une chaleur excessive, et deux techniciens de la centrale de Fukushima ont reçu des doses de radiations très supérieures aux normes admises, ce qui accroît leur vulnérabilité au cancer et à d'autres maladies.

"Une mission suicide pourrait se révéler nécessaire"

"Le problème, c'est que la première vague de techniciens mobilisés est venue pour l'argent. Ils n'ont élevé, de ce fait, aucune objection aux conditions de travail", explique Yasutera Yamada, qui plaide pour une sécurité renforcée. "Nous, c'est le contraire: parce que nous fonctionnons sur une base bénévole, nous pouvons dialoguer avec Tepco sur un pied d'égalité." L'opérateur espère arrêter d'ici janvier les trois réacteurs qui ont connu un état de fusion. Il faudra ensuite une décennie, voire plus, pour évacuer le combustible - uranium et plutonium - et "sécuriser" le site.

Kazuhiko Ishida, un ouvrier du BTP de 63 ans de la préfecture de Shiga, fait partie des volontaires mobilisés par Yamada. Signe particulier: il a participé, dans sa jeunesse, à la construction de l'enceinte extérieure du réacteur n°1 de Fukushima. Aujourd'hui, il admet avoir des "sentiments très mitigés" face à la destruction de cette enceinte à la suite d'une explosion à l'hydrogène: "Lorsque j'ai informé ma femme de ma décision de retourner sur le site accidenté, elle m'a simplement répondu de faire ce que je croyais devoir faire" raconte-t-il.

Yasuteru Yamada a été reçu lundi par le ministre du Commerce, Banri Kaieda, dont les services chapeautent l'Agence japonaise de sûreté nucléaire (Nisa), et qui a paru à l'écoute de son idée d'un corps de bénévoles."Selon les situations, une mission suicide pourrait se révéler nécessaire", assure Yamada. Et de conclure : "Ce serait, bien sûr, une mesure en tout dernier ressort. Je pourrais me porter volontaire pour semblable mission mais chacun doit décider en son âme et conscience."