Christine Lagarde, une femme pressée à la tête du FMI

Par Patrick Coquidé  |   |  786  mots
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Christine Lagarde a été désignée mardi soir directrice générale du Fonds monétaire international, succédant à un autre Français, Dominique Strauss-Kahn, pour devenir la première femme à ce poste. Un remaniement ministériel doit être annoncé ce mercredi à Paris, pour la remplacer à Bercy.

Le FMI a annoncé dans un communiqué que son conseil d'administration avait choisi Mme Lagarde, 55 ans, pour un mandat de cinq ans qui doit commencer le 5 juillet.

"Je suis honorée et ravie que le conseil d'administration me confie le poste de directrice générale du FMI ", a réagi Mme Lagarde sur le site internet Twitter, cinq minutes après l'annonce officielle.

Le FMI a précisé que son conseil d'administration était parvenu à cette décision "par consensus", sans plus de détail sur la répartition des soutiens aux deux candidats.
La désignation de Christine Lagarde à la tête du FMI est "une victoire pour la France" et "la présidence française se réjouit qu'une femme accède à cette importante responsabilité internationale", a affirmé l'Elysée à l'AFP.
"Le président Nicolas Sarkozy vient de s'entretenir au téléphone avec Mme Lagarde pour la féliciter après sa désignation comme directrice générale du FMI ", a-t-on également affirmé de même source.

La Française a également été félicitée par le numéro un de l'institution soeur du FMI , le président de la Banque mondiale Robert Zoellick. "Partout où elle a travaillé, elle a eu une voix et une influence fortes. J'ai hâte de collaborer étroitement avec elle et avec le FMI sous sa direction", a-t-il déclaré dans un communiqué.

Itinéraire d'une femme pressée de Bercy au FMI

« Si elle suit mes conseils, elle va exploser », a lancé un jour Nicolas Sarkozy à propos de Christine Lagarde. Le chef de l'Etat peut aujourd'hui être satisfait de son élève. Si elle devait devenir directrice générale du FMI après Dominique Strauss-Kahn, la ministre de l'Economie deviendrait l'une des personnalités les plus en vue du monde. Ironie de l'histoire, en avril 2010, Time magazine classait deux Français seulement parmi « les 100 plus influents de la planète » : DSK et Lagarde...Pas mal pour quelqu'un qui a raté deux fois l'ENA.

L'ancienne avocate tient une belle revanche. Voici tout juste un an, on la citait pour succéder à François Fillon à Matignon ou, à défaut, devenir ministre des Affaires étrangères. Finalement, elle n'avait rien obtenu lors du remaniement, devant se contenter de rester à Bercy ou elle a quand même battu le record de durée détenu par Pierre Bérégovoy. Pour l'après présidentielle de 2012, Lagarde s'était simplement vu promettre par l'Elysée un siège de députée des Français de l'étranger, en l'occurrence ceux d'Amérique ou elle a longtemps vécu...

Trop techno, c'était de l'avis même des conseillers de Nicolas Sarkozy, son handicap majeur en politique. Ce qui ne l'a pas empêché d'être encensée par les médias. En novembre 2009, le Financial Times la couronnait « ministre des Finances de l'année » pour son rôle lors de la crise financière. Un mois plus tard, l'Express la désignait « meilleur ministre » du gouvernement Fillon. Difficile de croire que la même Christine Lagarde était affublée lors de son arrivée à Bercy du sobriquet méprisant de «Christine Lagaffe » pour ses bourdes à répétition, comme lorsqu'elle recommandait l'utilisation du vélo pour compenser la hausse du prix de l'essence...

La crise financière de l'automne 2008 et les soubresauts européens qui l'ont suivie lui ont finalement sauvé la mise. De G8 et G20 en réunions de la dernière chance à Bruxelles ou Luxembourg, Lagarde a su se rendre indispensable à Sarkozy pour qu'il se présente comme le héraut de la régulation. Dans l'affaire, elle a quand même dû mettre de l'eau dans ses convictions libérales forgées par vingt cinq ans passés dans un grand cabinet d'avocats d'affaires anglo-saxon. La crise et ses conséquences ont pourtant mis à mal « l'oeuvre » de l'ancienne ministre de l'Economie qui incarne la première époque du sarkozysme, celle du « travailler plus pour gagner plus ». Même si c'est Jean-Louis Borloo, son éphémère prédécesseur à Bercy, qui l'avait préparée, c'est l'ex-chairman de Baker & McKenzie qui a défendu la fameuse loi Tepa d'août 2007 créant le bouclier fiscal. Ce même bouclier dont le ministre du Budget, François Baroin, qui pourrait lui succéder à l'Economie, vient de faire voter la suppression...

Durant sa courte campagne pour prendre la tête du FMI, Lagarde a compris qu'il ne fallait pas faire preuve de dogmatisme. Pour s'attirer les suffrages des pays émergents, elle n'a pas hésité à s'inscrire dans « le courant de réformes initiées par le précédent directeur général ».