"On peut entrer dans une spirale qui entraîne la fin de l'euro"

Par Propos recueillis par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  723  mots
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Freddy van den Spiegel est professeur d'économie financière à l'Université Libre de Bruxelles-Vrije Universiteit Brussel (ULB-VUB), conseiller auprès de la direction de BNP Paribas Fortis, ancien chef économiste de BNP Paribas Fortis. Il analyse les risques et les pistes de solutions à la crise de la dette souveraine en Europe à la veille du Conseil européen.

Quelle option parmi celles envisagées pour financer un deuxième plan grec : roulement des dettes, allongement des maturités, buy-backs, taxe, etc., est la meilleure ?
On s'oriente vers un ensemble de solutions où il y aura un peu de tout. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose car chaque option comporte des risques. Il faut tenter de les minimiser tout en avançant vers l'objectif final qui est de convaincre les marchés que la Grèce sera capable de se rétablir après ces interventions. Certaines mesures aident à court terme, comme l'allongement des maturités qui réduit le risque de liquidité. Pour traiter le risque de solvabilité, rien ne remplace les réformes macroéconomiques. Si la Grèce reste un pays non compétitif, peu importe ce que l'on fait par ailleurs.

Est-ce si crucial d'éviter un défaut partiel?
C'est extrêmement important d'un point de vue technique pas tellement à cause de la dette elle-même mais en raison des produits dérivés qui lui sont liés. S'il ne s'agissait que de faire participer les créanciers directs de la Grèce, ce serait simple. En revanche, du côté des dérivés de crédit, ce n'est pas gérable, car on ne sait pas qui les détient. Laisser un défaut survenir, ce serait tenter une expérience comparable à la faillite de Lehman Brothers.

L'un des objectifs est de réduire la charge totale de la dette grecque. Comment y parvenir ?
L'instrument qui permet le mieux d'y parvenir et en prenant en compte la demande de la chancelière Angela Merkel de faire participer le secteur privé, ce sont les «buy backs», autrement dit les rachats de dette grecque, au prix du marché, par une institution européenne ou la Grèce elle-même. C'est un outil conforme au marché, qui ne provoque pas de défaut et permet de faire participer le secteur privé

Pourquoi l'Allemagne rejette cette solution ?
L'Allemagne et d'autres pays tels que la Finlande ou les Pays-Bas subissent une forte pression populaire pour justement ne pas alourdir la mise. Or il faudrait augmenter le Fonds de stabilité européen (EFSF) de 440 milliards d'euros à 1.000 milliards , voire 2.000 milliards avancent certains. Mais quand on regarde la taille de l'économie européenne, soit un PIB d'environ 12.000 milliards d'euros, un matelas de sécurité de 2.000 milliards n'est pas disproportionné. Mais les politiciens craignent de payer deux fois : en aidant les pays en détresse et en subissant eux même une pression sur leurs taux, voire sur leur notation.
 

N'est-ce pas le prix à payer pour sortir de l'impasse ?
C'est un test, en effet, qui permettra de savoir si les politiciens européens sont encore convaincus que l'euro est une bonne idée. Si c'est le cas, il faut accepter de perdre une partie de sa souveraineté budgétaire et d'avoir un mécanisme de solidarité un peu comparable à ce qui existe aux Etats-Unis.

Les banques sont-elles une partie du problème ou de la solution ?
Elles peuvent être une partie de la solution si on ne leur demande pas de porter un trop lourd fardeau qui exigerait de les secourir à leur tour. Elles pourraient par exemple allonger les maturités des titres détenus dans leurs portefueilles à condition que cela soit à un taux et dans des proportions acceptables.

Mais dans la situation où se trouve la Grèce, cela ne reste-t-il pas un acte de foi ?
Si la classe politique est claire sur une solution et une solidarité à long terme, c'est raisonnable. Je dirais donc plutôt que c'est un acte de foi des banques dans leurs propres politiciens.

Quel risque court-on si les marchés jugent insuffisante la solution proposée ce jeudi ?
De voir comme la semaine dernière les investisseurs commencer à se poser des questions sur les pays plus faibles que l'Allemagne, c'est-à-dire tous. On peut entrer dans une spirale qui entraîne la fin de l'euro.

La monétisation de la dette n'est pas une solution ?
La Banque centrale européenne est déjà allée au-delà de ce qui est dans le traité européen. Contrairement à Ben Bernanke, Jean-Claude Trichet ne peut pas faire n'importe quoi. Il peut monétiser un peu mais il y a des limites et elles ont été atteintes.