Le succès de l'offensive de la BCE soulage l'Italie et l'Espagne

Par Julien Beauvieux  |   |  707  mots
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Grâce aux achats de titres de dette réalisés depuis lundi par la Banque centrale européenne, les taux italien et espagnol ont enregistré une violente décrue tout au long de la semaine, après leur envolée début août à des plus hauts de plus de dix ans.

La situation est loin d'être revenue à la normale sur les marchés obligataires européens, mais l'action décisive de la Banque centrale européenne (BCE) cette semaine a permis à la zone euro de gagner un temps précieux. Alors que les parlements nationaux doivent entériner courant septembre le deuxième plan de sauvetage de la Grèce ainsi que les fonctions élargies du Fonds européen de stabilité financière (FESF), l'engagement de l'institution à intervenir en rachetant des titres de dette italiens et espagnols a offert un grand bol d'air frais à Rome et Madrid.

Evoluant en sens inverse des prix, le taux des obligations à 10 ans italiennes baissait ce vendredi de 3 points de base en fin de journée, à 5,01%, après avoir baissé dans l'après-midi jusqu'à 4,98%, son plus bas niveau depuis le 5 juillet. De son côté, le taux espagnol cédait 1 point, à 4,99%, après s'être replié jeudi jusqu'à 4,95%, son plus bas niveau depuis le mois de novembre.

Cette violente détente des taux d'intérêts offre un peu de répit à Madrid et Rome, qui risquaient de ne plus pouvoir se refinancer et de devoir demande de l'aide, à l'instar de ce qui s'est produit en avril et novembre 2010 pour la Grèce et l'Irlande, et plus récemment cette année pour le Portugal.

Malgré la conclusion d'un nouveau plan de sauvetage de la Grèce de 109 milliards d'euros le 21 juillet, et de l'enrichissement des capacités d'intervention du FESF, les taux espagnol et italien étaient en effet grimpés respectivement jusqu'à 6,45% et 6,39% début août, des records depuis l'entrée des deux pays dans la zone euro.

La BCE assure l'intérim en attendant le FESF

Dans ce contexte de tensions maximales, la dégradation de la notation financière des Etats-Unis, le 5 août, avait finalement conduit la BCE à réagir dimanche 7 août, en annonçant qu'elle allait "mettre en oeuvre activement son 'Securities Markets Programme' (SMP)". En clair, reprendre son rôle d'acheteur de dernier ressort, qu'elle avait abandonné depuis dix-neuf semaines en laissant son portefeuille bloqué à 74 milliards d'euros. "Dès que le FESF recevra les moyens qui lui ont été promis, alors il n'y aura plus de raison pour la BCE de rester sur les marchés", a précisé vendredi l'un des membres du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, le luxembourgeois Yves Mersch, dans entretien au Wall Street Journal.

Doté de 440 milliards d'euros, dont environ 220 milliards ont déjà été engagés pour secourir Athènes, Dublin et Lisbonne, le FESF disposera une fois les parlements nationaux consultés de la capacité d'acheter des titres de pays en difficulté sur le marché secondaire. Le mécanisme se déclenchera sur demande de la BCE, et avec l'aval des gouvernements nationaux, et permettra à la banque centrale de se concentrer sur la gestion de sa politique monétaire et la maîtrise de l'inflation.

Une décision chèrement monnayée

La décision de la BCE de passer outre ses réticences à intervenir a de fait été chèrement monnayée. Le gouvernement Berlusconi a ainsi décidé d'adopter ce vendredi un nouveau plan de rigueur drastique de 45 milliards d'euros sur deux ans qui s'ajoutent à une cure d'austérité de 48 milliards adoptée à la mi-juillet par le parlement. Selon Silvio Berlusconi, les nouvelles mesures permettront de récupérer "20 milliards en 2012 et 25 milliards en 2013". Ces mesures seraient en grande partie la traduction des recommandations que la BCE a fait parvenir au gouvernement italien dans une lettre "secrète", cosignée par le président de l'institution, Jean-Claude Trichet, et par le gouverneur de la Banque d' Italie, Mario Draghi, qui lui succédera en novembre.

Si le pire, une chute de l'Italie, a pour l'instant été évité, les tensions restent néanmoins omniprésentes sur les marchés de dette européens. Bien que le Portugal ait reçu vendredi le satisfecit de la mission conjointe de l'UE et du FMI, qui recommanderont le versement de la deuxième tranche de l'aide internationale de 78 milliards d'euros offerte à Lisbonne au printemps dernier, le taux à 10 ans lusitanien évoluait toujours ce vendredi à 10,40%. Les taux à 10 ans grec et irlandais s'établissaient pour leur part à 15,53% et 9,83%.