La démission surprise du chef économiste de la BCE fait plonger les marchés

Par Romaric Godin, à Francfort  |   |  586  mots
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Jürgen Stark quitte officiellement son poste pour "raisons personnelles". Mais la thèse d'une divergence sur la question de la gestion de la crise de la dette semble probable. De part et d'autre de l'Atlantique, les marchés boursiers ont chuté après cette annonce.

C'est un véritable coup de tonnerre dans l'univers habituellement très feutré de la Banque centrale européenne (BCE). Jürgen Stark, membre allemand de son directoire, a annoncé ce vendredi après-midi vers 16 heures dans un simple communiqué sa démission "pour raisons personnelles". Mais nul ne s'y trompe : si l'ancien économiste en chef de la Banque claque la porte avec fracas près de trois ans avant la fin de son mandat, c'est qu'il désapprouve la politique menée par l'institution.

Indices et euro chutent

Vendredi après-midi, les principales bourses européennes ont reculé après cette fracassante annonce que ce soit Paris (-3,21%), Francfort (-3,03%), Milan (-3,30%) ou Londres (-2%). A Wall Street, où le plan pour l'emploi n'a manifestement pas convaincu les opérateurs, le Dow Jones le Nasdaq abandonnait  respectivement 1,07% et 0,79%. L' euro est repassé sous le seuil de 1,37 dollar, son plus bas niveau en six mois.

Forte polémique en Allemagne

Les rumeurs colportées par les agences de presse évoquent des dissensions avec le reste du directoire sur la question du rachat des obligations d'Etat des pays périphériques par la BCE. Ces rachats, il est vrai, font l'objet d'une forte polémique en Allemagne. L'ancien patron de la Bundesbank, Axel Weber, s'était opposé ouvertement à cette politique en 2010 et son successeur Jens Weidmann, n'a pas non plus caché son désaccord sur le sujet. D'un point de vue allemand, la BCE, avec ses rachats son mandat, met en danger son bilan et réduit son indépendance vis-à-vis des politiques. Faucon parmi les faucons, défenseur de la stricte orthodoxie monétaire "à la Bundesbank", Jürgen Stark partage sans doute cette analyse et a fini par en tirer les conséquences.

Ecart grandissant entre BCE et Allemagne

Cette démission, annoncée alors que la crise de la dette n'est pas terminée, est loin d'être anodine. Après la spectaculaire sortie d'Axel Weber en mars dernier de la course à la présidence de la BCE, elle semble confirmer l'écart grandissant entre la BCE et l'Allemagne. Outre les dissensions sur la question du rachat de la dette souveraine des pays en difficulté, les critiques allemandes vis-à-vis de l'institution européenne sont nombreuses : sur son mode de fonctionnement ou sur sa politique monétaire, trop accommodante au goût de nombreux économistes allemands. Commerzbank a ainsi calculé voici quelques mois que la Bundesbank aurait, dans la situation actuelle, relevé son taux directeur jusqu'à 5%, loin du taux de 1,5% pratiqué aujourd'hui par la BCE. Depuis 1999, ce serait la première fois que les taux de la BCE divergent aussi substantiellement de ceux du "modèle Bundesbank".

L'image de l'euro écornée auprès des marchés

Le départ de Jürgen Stark, dont l'image d'orthodoxie était une garantie, et cette divergence croissante avec l'Allemagne pourraient bien affaiblir la vision qu'ont les marchés de la BCE et de l'euro. Le successeur de Jürgen Stark n'aura pas la tâche facile : il devra à la fois faire entendre la voix de l'Allemagne au sein de la BCE et ne pas affaiblir cette institution par ses critiques. Selon la presse allemande, c'est Jörg Asmussen, l'actuel secrétaire d'Etat aux Finances qui pourrait succéder à Jürgen Stark. S'il n'a pas le statut de banquier central, ce dernier aura l'expérience du politique et du compromis "à la Merkel". Mais réduire le fossé entre l'Allemagne et ses partenaires ne sera pas chose aisée.