Report de l'aide à la Grèce : l'Europe à nouveau divisée

Par latribune.fr avec Reuters  |   |  1054  mots
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Les vingt-sept ministres des Finances de l'Union européenne se réunissent à Luxembourg après la décision du groupe restreint aux ministres de la zone euro de repousser le versement de l'aide à la Grèce. Londres a déjà pressé ses partenaires de redresser la situation au plus vite alors que l'incendie continue sur les marchés européens.

Situation tendue en Europe. Au tour de l'ensemble des ministres des Finances de l'Union européenne de se pencher sur le cas de la Grèce après le conseil de l'Eurogroupe qui a décidé de repousser à novembre sa décision sur l'aide attendue. Le versement de 8 milliards d'euros dans le cadre de l'aide internationale décidée en 2010 attendra le rapport de la "troika" (Fonds monétaire international, Banque centrale et Commission européenne). Les dix-sept ministres des Finances de la zone euro projetent aussi de revoir la participation des créanciers privés au financement d'un deuxième plan décidé le 21 juillet.

Cameron : "il faut éteindre le feu"

Pour la Grande-Bretagne, le premier Ministre David Cameron a déjà fait connaître la position de son gouvernement. Il appelle ses partenaires à agir vite, à renforcer le Fonds européen de stabilité financières (FESF) ainsi que les banques et demande plus d'implication de la part du Fonds monétaire international (FMI). "Il faut éteindre le feu", a-t-il lancé au micro de la BBC. Le chef du gouvernement britannique estime aussi que "le problème grec doit être résolu d'une façon ou d'une autre et l'être très rapidement".

Plus circonspect, le ministre suédois des Finances, a exprimé ses doutes sur la capacité d'Athènes à redresser la situation. Selon Anders Borg, il y aurait un risque "évident" que son programme d'austérité budgétaire "ne soit pas sur la bonne voie". Sans avoir vu le rapport de des chargés de mission de la troïka , il prévoit qu'il y aura un "risque élevé" que le Budget grec "déraille" et préconise une recapitalisation des banques.

Paris ne s'est pas encore exprimée sur le sujet. Le président Français avait réaffirmé son soutien à la Grèce, un "membre de la famille" européenne, vendredi, lors de sa rencontre avec le premier ministre Papandreou. Il doit rencontrer Christine Lagarde , directrice du FMI à l'Elysée vendredi, puis, le Angela Merkel lendemain, à Berlin.

Participation privée à revoir

Lundi, Jean-Claude Juncker qui préside la réunion des ministres des Finances des dix-sept Etats partageant la monnaie unique, avait indiqué que la participation des créanciers privés devait être revue pour tenir compte de la situation dégradée de l'économie et des marchés européens.  "En ce qui concerne la participation du secteur privé, nous devons prendre en compte que des changements sont intervenus depuis les décisions prises le 21 juillet et nous envisageons des révisions techniques", a-t-il indiqué après une réunion de l'Eurogroupe qui a duré plus de sept heures.

L'accord intervenu le 21 juillet dernier entre les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne prévoit une participation des banques et assureurs européens à hauteur de 50 milliards d'euros environ dans le cadre d'un plan d'aide total de 159 milliards d'euros. Cette participation doit notamment prendre la forme d'un échange d'obligations grecques actuelles contre de nouvelles assorties d'une décote de 21%. Selon plusieurs sources, Athènes peine cependant à réunir les 90% de participation minimum des créanciers privés exposés à sa dette souveraine qu'elle demandait pour accepter le plan.

La détérioration des conditions de marché ces dernières semaines a par ailleurs renchéri le coût des garanties offertes par les Etats de la zone euro, jetant un doute sur la mise en oeuvre du programme dans sa forme actuelle.

Décision en novembre

La décision lundi de différer la décision sur le versement de la prochaine tranche d'aide financière à la Grèce risque de renforcer les craintes des marchés financiers déjà fortement secoués depuis cet été. D'autant plus que les ministres, s'ils ont salué les efforts grecs, ont aussi appelé Athènes à s'entendre avec les inspecteurs européens et du Fonds monétaire international sur des mesures additionnelles permettant de combler tout dérapage pour les années 2013 et 2014.

"Nous avons accueilli positivement les mesures supplémentaires prises en Grèce", a dit Jean-Claude Juncker. "Nous appelons également le gouvernement grec à se mettre d'accord avec la troïka afin que des consultations supplémentaires remplissent un quelconque vide (budgétaire) d'ici 2014", a-t-il ajouté.
Il a précisé que la "troïka" fournirait un nouveau rapport du programme grec d'ici le 13 novembre, date à laquelle les ministres seront appelés à se pencher sur le déboursement de huit milliards d'euros aux autorités grecques.

Ce mardi, le ministre des Finances grec, Evangélos Vénizélos a dementi une rumeur de discussion autour d'un défaut de son pays. Des bruits qui avaient été alimentés par l'annonce, dimanche, que ses objectifs de déficit pour 2011 et 2012 seraient manqués. Il a aussi assuré que de nouvelles mesures d'austérité ne seraient pas imposées.

Démultiplication du FESF

L'autre plat de résistance de la réunion à Luxembourg - la démultiplication de la puissance de tir du fonds de soutien à la zone euro (FESF) - devra lui aussi attendre, même si le président de l'Eurogroupe a fait part d'une volonté commune sur ce point entre les pays de la monnaie unique.
"Nous partageons le point de vue selon lequel nous devons améliorer l'efficacité du FESF (...) Nous y travaillons", a dit Jean-Claude Juncker.
La zone euro tente de trouver une manière d'utiliser plus efficacement les 440 milliards d'euros dont dispose le FESF afin de démontrer aux marchés financiers qu'il dispose d'une taille suffisante pour stabiliser les rendements des emprunts espagnols et italiens - une tâche assurée actuellement par la Banque centrale européenne.

Cette idée a fait son chemin en Europe après les appels en ce sens du secrétaire américain au Trésor Timothy Geithner à la mi-septembre, et le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer s'y est dit ouvert lundi.

Même si le sujet n'a pas été directement évoqué lors de la réunion, la situation de la banque Dexia s'est invité dans les couloirs en raison de son exposition à la Grèce et après la décision de l'agence de notation Moody's de placer sa note sous surveillance négative. Ce mardi, des rumeurs de démantèlement plombent l'établissement franco-belge.