Merkel prête à lâcher sur la BCE ou les "eurobonds" en échange de l'ingérence budgétaire

Par latribune.fr avec Reuters  |   |  816  mots
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De prime abord, l'Allemagne semble avoir bloqué toutes les issues de secours qui permettraient à la zone euro d'échapper à la crise de la dette. Mais en y regardant de plus près, certaines "lignes rouges" allemandes pourraient être moins rouges que d'autres.

Si la chancelière Angela Merkel obtient l'accord de ses partenaires de l'Union pour modifier le traité européen afin d'y inclure, comme elle le souhaite, un droit d'ingérence budgétaire chez les "mauvais élèves" de la dette, elle pourrait accepter des avancées plus audacieuses pour combattre la crise, laissent entendre certains de ses conseillers.

Parmi ces avancées pourraient figurer une augmentation des rachats par la Banque centrale européenne de dettes de pays en difficulté, des garanties accordées par le fonds européen de stabilité financière (FESF) à certaines émissions obligataires et la création future d'"obligations de stabilisation" communes. "Des obligations de stabilisation communes ne sont à mes yeux ni bonnes ni mauvaises en elles-mêmes", a dit Peter Altmaier, un des principaux responsables de la CDU, le parti d'Angela Merkel, au parlement allemand, qui est aussi l'un de ses principaux conseillers en matière d'affaires européennes.

"Tout dépend des conditions et de l'usage qu'on en fait", a-t-il ajouté lors d'un entretien à Reuters. Dans plusieurs de ses récentes déclarations publiques sur la crise, la chancelière a exprimé son opposition à toutes les options de court-terme censées débloquer la situation et apaiser les marchés.

PARADOXE

"Le paradoxe de la situation actuelle, c'est que toutes les bonnes solutions à la crise de l'euro ne sont pas légalement valables en Allemagne", souligne Ulrike Guerot, responsable de l'antenne berlinoise du cercle de réflexion "European Council on Foreign Relations". La chancelière argue en effet du fait que les traités européens empêchent la BCE de jouer le rôle de prêteur en dernier ressort et de financer la dette des Etats par la création monétaire. Elle a rejeté l'idée d'"euro-obligations" tout comme comme celle d'une mutualisation des dettes et elle a balayé les propositions qui permettraient au FESF d'emprunter à la BCE ou au Fonds monétaire international (FMI).

Pour autant, elle a admis la semaine dernière que la solution à la crise passait par "plus d'Europe" et a obtenu l'aval de son parti à une union politique européenne centrée sur la zone euro. Déterminée à ne pas se laisser dicter sa conduite par les marchés financiers, Angela Merkel semble réticente à admettre publiquement l'urgence de la menace qui pèse sur l'existence même de la zone euro.

Une urgence pourtant lisible dans les courbes des écarts de rendements (spreads) entre les Bunds allemands et les obligations de pays comme la France, l'Autriche ou les Pays-Bas, pourtant considérés il y a peu encore comme sûrs.

En fait, les responsables allemands considèrent la hausse des rendements obligataires de ces pays comme une aubaine car elle force les gouvernements, de Rome à Paris, à mettre des oeuvres les réformes budgétaires et structurelles qu'ils repoussaient jusqu'à présent.

LE MARCHÉ, UN "ALLIÉ"

Une source à Berlin décrit ainsi le marché obligataire comme un "allié" de ce point de vue. Pour Peter Altmaier, l'objectif de la chancelière consiste à placer ses partenaires européens face au compromis sur lequel a été créée la monnaie unique. "Quand l'euro a été lancé par le traité de Maastricht en 1992, cela s'est fait via un compromis historique", explique-t-il : "Primo, le deutschemark, alors horriblement trop fort, était supprimé et secundo, la culture de stabilité allemande devait être étendue à toute l'Europe. La première partie a été appliquée, la deuxième reste valable et engage les signataires du traité mais elle n'a pas été appliquée."

L'Allemagne ne veut pas dévoiler toutes les cartes qu'elle a en main tant qu'elle n'a pas obtenu l'engagement de tous ses partenaires de modifier les traités européens pour permettre une supervision extérieure des politiques budgétaires des Etats membres.

Un amendement au traité créerait un nouveau poste de "Sparkommissar" (commissaire à l'Epargne) doté du pouvoir d'annuler le budget d'un Etat de la zone euro s'il enfreint les règles fixées à l'échelon communautaire.

Ce nouveau responsable pourrait ainsi traîner les gouvernements fautifs devant la Cour européenne de justice, qui pourrait à son tour infliger des amendes et ordonner le respect des règles, comme c'est le cas aujourd'hui en matière de concurrence et d'antitrust.

Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, souhaite voir adopté cet amendement avant la fin de l'an prochain. Ce n'est qu'ensuite que Berlin s'efforcerait de faire avancer sa vision, plus ambitieuse, d'une union politique plus étroite, expliquent des responsables allemands. Pour Ulrike Guerot, les pressions qu'exerce l'Allemagne sur ses partenaires risquent cependant de susciter à son égard un ressentiment durable. "Cela va nous retomber dessus douloureusement d'ici deux ou trois ans. Sommes-nous certains que tout le monde continuera de nous aimer, de nous acheter des BMW et de nous accueillir sur ses plages si nous nous conduisons de cette manière ?", explique-t-elle.