Bruxelles déconseille les hausses d'impôts

Par Yann-Antony Noghès, à Bruxelles  |   |  654  mots
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Dans le nouveau "paquet" sur la gouvernance économique, que s'est procuré La Tribune en exclusivité et qui sera présenté ce mercredi, la Commission européenne conseille d'améliorer la collecte des impôts plutôt que de les augmenter.

Bruxelles revient à la charge sur la convergence fiscale. Confrontée à la redoutable règle de l'unanimité régissant les décisions en matière de fiscalité, la Commission européenne s'était limitée au strict minimum ces dix dernières années. Avec la crise de la dette, la donne a profondément changé. "La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui est le fruit de l'irresponsabilité fiscale", a déclaré mardi José Manuel Barroso. Fort des nouveaux instruments dont il dispose pour surveiller et coordonner les politiques budgétaires des Vingt-sept, le président de la Commission entend désormais dire aux capitales quelles sont les bonnes taxes et les mauvaises taxes. Et même quels sont les bons et les mauvais taux.

Dans le nouveau paquet sur la gouvernance économique qui sera présenté ce mercredi et que La Tribune a pu se procurer, la Commission doit proposer pour la première fois un rapport sur "Les politiques fiscales favorisant la croissance dans les Etats membres et la coordination fiscale". Pour l'heure, le rapport de la Commission s'adresse aux Vingt-sept dans leur ensemble. Le cas par cas viendra plus tard.

De manière générale, il est conseillé aux Européens d'améliorer la collecte de l'impôt, d'élargir les bases imposables et d'éviter autant que possible de relever les taux. "En première priorité, le besoin d'augmenter les recettes fiscales pourrait être abordé en améliorant l'administration fiscale et le respect des obligations plutôt que des hausses d'impôts discrétionnaires", préconise le document. "Là où le respect des obligations fiscales est déjà élevé et/ou l'augmentation des recettes ne peut être obtenue à travers le seul renforcement du respect des obligations, l'augmentation de l'efficacité de la taxation à travers des mesures d'élargissement de la base telle que la révision des allègements fiscaux ou des taux réduits de TVA devrait être considérée. En dernière option, l'augmentation des taux ou l'introduction de nouvelles taxes pourraient être inévitables dans certains cas."

Allant dans le détail, la Commission conseille aux "Etats membres disposant d'une forte imposition des sociétés d'éviter d'augmenter davantage leur taux". De même que "les Etats membres avec une forte imposition du travail (...) devraient rediriger l'imposition vers des taxes moins préjudiciables à la croissance, telles que des taxes sur la consommation, l'immobilier ou l'environnement." En s'attaquant aux "exonérations dans la fiscalité des personnes et des sociétés et en limitant les exemptions de TVA et taux réduits", Bruxelles assure qu'il sera possible "d'élargir la base imposable, permettant de plus grandes recettes et/ou des taux plus bas avec un impact positif sur la croissance".

Portée par le souhait de convergence fiscale au sein de la zone euro, la Commission prend donc l'initiative. "Il se passe quelque chose", se réjouit une source interne selon laquelle "il y a désormais un vrai plan". Jusqu'ici, la stratégie de fond a consisté à porter les questions de fiscalité devant la Cour européenne de justice afin qu'elle lève les obstacles. Dans la plupart de leurs arrêts, les juges de Luxembourg précisent que "si la fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres, il n'en reste pas moins que ces derniers doivent l'exercer dans le respect du droit communautaire". Bon nombre d'experts y voient la construction d'une fiscalité à l'échelle communautaire à travers Luxembourg. Ces derniers temps, la Commission s'est également activée depuis Bruxelles. Elle a récemment mis sur la table une proposition en vue d'harmoniser les assiettes fiscales européennes pour l'impôt des sociétés ainsi qu'un projet pour une taxe sur les transactions financières. Bruxelles a également présenté des versions réaménagées de la directive sur la fiscalité de l'épargne et de celle sur la TVA.