Alexeï Navalny, blogueur et figure montante de l'opposition russe

Par latribune.fr  |   |  627  mots
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Cet ex-boursicoteur débarque comme une météorite dans le système politique russe. Libéral, nationaliste, il embarque la classe moyenne dans une confrontation avec le pouvoir.

Il vient d'être emprisonné pour quinze jours, les télévisions d'État le traitent de néonazi et ses échanges d'emails avec son épouse ont été exposés aux yeux de tous. Cela n'empêche pas Alexeï Navalny, 35 ans, d'être la figure la plus rassembleuse de l'opposition russe. Le seul à avoir été acclamé sans sifflets par la foule de 80.000 à 120.000 manifestants réunie samedi dernier dans le centre de Moscou.

Cet avocat de formation s'est d'abord fait connaître en 2007 par son combat acharné pour le respect des droits des actionnaires minoritaires. Il a mis son nez dans les comptes mal tenus de grands groupes contrôlés par le Kremlin comme Transneft, Rosneft, Gazprom et VTB. Il y a découvert des gaspillages incroyables et une rétention d'information illégale de la part de groupes cotés en Bourse. Il a révélé au grand jour la collusion du pouvoir politique et d'une coterie d'hommes d'affaires introduits s'enrichissant sur le dos des contribuables comme des petits actionnaires. Son activisme a tellement irrité la direction des groupes en question qu'ils ont réclamé une nouvelle loi - surnommée « anti-Navalny » - permettant davantage d'opacité.

Loin de se décourager, il a compris qu'il n'avait d'autre choix que de plonger dans le bain politique. Il y est néophyte. À la différence des grandes figures de l'opposition libérale, comme Mikhaïl Kassianov (Premier ministre de Poutine de 2000 à 2003), ou de Boris Nemtsov (vice-Premier ministre sous Eltsine).

Courage physique

Navalny a sa virginité pour lui, dans un pays où la confiance des citoyens dans leurs élites dirigeantes est à peu près nulle. Vladimir Poutine tente sans cesse de salir la réputation de « ces libéraux qui ont pillé le pays dans les années 1990 ». Mais ce type d'attaque passe par-dessus la jeune tête blonde d'Alexeï Navalny. Croisé de la lutte anticorruption, il attaque nommément le président Dmitri Medvedev et surtout l'homme fort du pays, Vladimir Poutine. Le 5 décembre, au lendemain du scrutin législatif controversé, il a déclaré à une foule de 10.000 personnes « Nous voulons un autre président, et pas un escroc et un voleur. » Des mots jusqu'ici jamais proférés à l'adresse de Poutine devant une foule aussi nombreuse. Navalny a été arrêté sur le champ et condamné à quinze jours de détention. À peine sorti, il promet de faire « descendre 1 million de personnes dans la rue » et que « le pouvoir aura changé de main d'ici un an ».

Sa popularité, il la tient de son courage physique. Depuis les événements de décembre, il n'est plus simplement un blogueur recensant sur son site Rospil.info des centaines d'appels d'offres truqués et d'abus de biens sociaux. Il n'est plus seulement l'empêcheur de piller en rond dans les comptes des grands groupes d'État. Il est la figure montante de l'opposition, bien qu'il ne soit membre d'aucun parti, ni ne dispose de la moindre organisation politique.

Ses slogans ratissent large. Y compris chez les nationalistes avec lesquels il s'associe pour dire : « non aux subventions pour le Caucase ». Un slogan visant, selon Navalny, à stopper les versements exagérés du budget fédéral vers des républiques caucasiennes où ils atterrissent dans les poches des clans locaux. Sa fréquentation des nationalistes a été exploitée par la télévision d'État, qui vient de diffuser un dessin animé où son personnage fait le salut hitlérien. Une diffamation à portée réduite, car venant d'une chaîne discréditée par sa servilité envers le pouvoir. Selon l'éditorialiste libérale Ioulia Latynina, « Navalny plaît autant au grand public qu'à la communauté d'affaires, qui admire sa capacité à battre les autorités à leur propre jeu ».