Poutine II, nouvelle ère pour la Russie

Après une phase de "fermeture" de la Russie, marque de fabrique de Poutine I, devrait suivre, en toute logique, une phase d'ouverture en direction des investisseurs étrangers, celle de Poutine II.
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Vladimir Poutine sera donc candidat à l'élection présidentielle russe de mars prochain. Un non-événement ? Certainement pas. Ce retour programmé constitue un tournant majeur dans l'histoire politique de la Russie puisqu'il marque le renoncement russe, pour un temps encore indéterminé, à s'inscrire dans les codes de la démocratie à l'européenne, qui reposent sur une offre politique diversifiée et une alternance dans l'exercice du pouvoir. Potentiellement, Poutine et ses affidés pourraient diriger la Russie pour encore une douzaine d'années, une situation pour le moins atypique dans un système politique moderne. Au passage, l'humiliation est grande pour Dmitri Medvedev, rappelé sans ménagement ces derniers mois à respecter les termes de l'accord initial scellé avec Poutine, dont l'existence a été benoîtement révélée officiellement par les deux hommes samedi.

Les appels du président russe à la modernisation, à la démocratisation, à la lutte contre la corruption, à la diminution de l'emprise des dirigeants politiques sur l'économie n'étaient donc partis que d'un jeu, mis en scène à la Maison-Blanche (c'est ainsi que l'on nomme à Moscou le siège du gouvernement). Les interlocuteurs étrangers de Medvedev, auxquels il a servi cette pantomime, apprécieront. Cette passation des pouvoirs en douceur, exceptionnelle dans l'histoire de la Russie, ne signifie pas pour autant que la tâche de Poutine s'annonce aisée. Il doit relever un énorme défi : préparer l'après-pétrole. Il a fait part à plusieurs reprises ces derniers mois de sa détermination à engager ce changement structurel, qui pourrait constituer l'acte II de son oeuvre politique, l'acte I ayant consisté à rassembler dans les mains de l'État, directement et indirectement, l'exploitation des ressources naturelles de la Russie, au travers de Rosneft pour le pétrole et de Gazprom pour le gaz.

Selon les experts, la production de pétrole de la Russie sera étale au cours de la prochaine décennie. Aujourd'hui, 44% des recettes du budget fédéral proviennent de la fiscalité sur la production et l'exportation de gaz et de pétrole. Cette dépendance se fait d'ailleurs cruellement ressentir depuis quelques semaines, à cause de la baisse des cours de l'or noir : effondrement de la Bourse de Moscou, lourde chute du rouble par rapport au dollar, au point que la Banque centrale de Russie a dû puiser dans ses réserves de change pour soutenir sa monnaie. Or, dès samedi, Vladimir Poutine a indiqué vouloir se fixer comme objectif d'améliorer les conditions de vie et le pouvoir d'achat des Russes, ce qui implique que la croissance des dépenses publiques demeure pérenne, donc que celle des recettes le soit aussi. Ce n'est pas gagné. Les économistes anticipent déjà que, dès 2014, le budget fédéral sera en déficit.

Trois voies s'ouvrent donc devant le futur président. La première consiste à relancer les privatisations. Le périmètre de l'Etat s'est singulièrement élargi depuis le début des années 2000, dans l'énergie, l'aéronautique, les ressources minières, l'industrie. Le retour d'une partie du capital de ces entreprises au marché serait une bonne façon d'enrichir l'Etat tout autant que les actionnaires minoritaires qui sont, de façon plus ou moins affichée, présents au capital de ces sociétés. La deuxième voie consiste à engager une véritable réforme structurelle conduisant la Russie de façon beaucoup plus volontaire vers les technologies de demain et la création d'entreprises (la Russie est un véritable désert dans ce domaine) en utilisant de façon plus efficace son potentiel intellectuel encore puissant, notamment dans les sciences, l'investissement public (à l'image de ce qui a été engagé avec la création de la holding Rusnano, dans les nano et les biotechnologies) et l'apport de capitaux et de technologies étrangères. Enfin, la Russie souffre d'un immense déficit d'investissement dans le domaine des infrastructures (routes, autoroutes, trains à grande vitesse, logements, distribution et traitement de l'eau, gestion des déchets), mais aussi dans le secteur énergétique du fait de l'exploration et de l'exploitation de nouveaux gisements de gaz et de pétrole dans l'Arctique, en Sibérie orientale et dans l'Extrême-Orient russe.

Lutte contre la corruption

En conséquence, après une phase de "fermeture" de la Russie, marque de fabrique de Poutine I, devrait suivre, en toute logique, une phase d'ouverture en direction des investisseurs étrangers, celle de Poutine II. A une condition : que la sécurité juridique soit considérée comme une priorité, ce qui implique une lutte sans merci contre la corruption, un domaine où le gouvernement et le Kremlin ont, jusqu'à maintenant, en grande partie, échoué. Ce n'est qu'à ce prix que Vladimir Poutine pourra aspirer au titre de "grand leader" pour lequel il oeuvre depuis plus de dix ans.

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Commentaire 1
à écrit le 01/10/2011 à 14:37
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Patrickb et KOIFAIRE. Vos remarques sont excellentes. Ne perdez pas votre temps à expliquer quelque-chose de sensé à des "bornés"...Il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre...Jules César aurait dit quelque-chose que La Tribune censu...

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