Les "cent jours de grâce" de Mario Monti

Par Robert Lavéran, à Rome  |   |  829  mots
Le Premier ministre italien a une cote de popularité qui tutoie les 60% / Photo Reuters
L'Italie a plus changé en cent jours avec Mario Monti, sous la pression des marchés, qu'avec Silvio Berlusconi pendant tout son règne. Sa recette pour redresser les comptes publics est louée à l'étranger et son gouvernement est populaire. Mais la suite du programme de libéralisation suscite l'irritation de l'aile gauche du parti démocrate. Il reste un an avant les élections pour remettre le pays sur les rails.

« En très peu de temps, Mario Monti a transmis au monde l'idée d'un pays qui tournait la page ». L'administrateur délégué de Fiat, Sergio Marchionne est généralement assez avare de compliments. Mais alors que le successeur de Silvio Berlusconi vient de fêter ses cent jours dans le fauteuil de président du Conseil, le patron du groupe turinois a souligné que l'ancien commissaire européen avait remporté, lors de sa visite officielle aux Etats-Unis marqué par un long entretien avec le président Obama, « un succès incroyable ».

A Bruxelles aussi, Mario Monti est parvenu à rassurer ses partenaires de l'UE. En quelques semaines, à la suite de réformes profondes et douloureuses comme celle des retraites (avec notamment le passage du nombre d'années de cotisations nécessaires à 41 ans pour les femmes, 42 ans pour les hommes) mais aussi d'une cure d'austérité supplémentaire d'environ 30 milliards d'euros, le spread entre les taux italiens sur les titres à dix ans et les bonds du Trésor allemands est tombé de 575 points le 9 novembre dernier à 366 points jeudi. Vendredi matin, le Trésor italien a levé sans difficulté, avec des taux en baisse, 4,5 milliards d'euros.

Soutien populaire

« Nous ne sommes plus un danger pour l'Europe » a mis en avant lors d'un récent voyage à Berlin le président du Conseil italien. En réponse la chancelière Angela Merkel s'est publiquement félicitée des « réformes extraordinaires adoptées » et de « la rapidité avec laquelle elles ont été réalisées ». En Italie, ce retour du pays sur la scène européenne et le sentiment que le gouffre au parfum grec a été évité de justesse est pour l'heure plébiscité par les Italiens. 72% d'entre eux estiment que Mario Monti a amélioré l'image de la péninsule.

Malgré l'entrée en récession du pays, l'augmentation de la pression fiscale et une succession d'indicateurs négatifs (dernier en date, la baisse de 1,1% des ventes de détail en décembre), le gouvernement Monti continue de bénéficier d'un soutien populaire aux alentours de 60%. Et malgré les critiques sur des mesures qui touchent surtout les classes moyennes et populaires (seuls 2% des Italiens jugent qu'elles frappent les « plus riches »), deux Italiens sur trois déclarent regarder le futur « avec optimisme ». « La rigueur est difficile à supporter » a d'ailleurs insisté vendredi matin Mario Monti « mais ensuite elle génère la reprise économique ».

Rigoureux et sérieux

Le gouvernement composé de techniciens est notamment plébiscité pour son comportement rigoureux et austère qui tranche en particulier avec les excès berlusconiens mais aussi avec les scandales de corruption qui continuent de frapper la classe politique. Le cabinet de Mario Monti a également démontré sa capacité de décision et de prendre des mesures impopulaires. Il y a quelques jours, le chef du gouvernement a par exemple renoncé à présenter la candidature de Rome pour les Jeux Olympiques de 2020 estimant que le pays n'avait pas actuellement les moyens d'un tel événement.

De la même manière, alors que nombre de ministres sont des catholiques pratiquants, le gouvernement de Mario Monti a annoncé son intention de taxer tous les biens de l'Eglise qui ont une fonction commerciale. Quant à la brigade financière, elle est invitée à multiplier les opérations, parfois spectaculaires, dans les grandes stations de ski par exemple, pour mener une lutte sans merci à l'évasion fiscale.

« Notre gouvernement est à court terme pour un objectif de long terme » ne cesse de répéter Mario Monti qui sait néanmoins que son opération ne pourra réussir s'il parvient à convaincre ses partenaires européens et notamment l'Allemagne à mettre en oeuvre des mécanismes pour relancer la croissance sur le continent. C'est dans ce contexte qu'il y a quelques jours l'ancien commissaire européen a adressé avec David Cameron et dix autres pays européens une lettre ouverte à l'Ue pour demander notamment la création d'un marché unique de l'énergie et un renforcement de celui des services.

Impossible retour en arrière

En attendant, après la mise en ordre urgente des comptes budgétaires à la fin 2011, Mario Monti a engagé une deuxième phase pour libéraliser l'économie et réformer le marché du travail. Depuis plusieurs semaines des négociations sont en cours avec les partenaires sociaux. La ministre du Travail Elsa Fornero a toutefois averti que même sans accord, « le gouvernement ira de l'avant » provoquant la réaction irritée de l'aile gauche du parti démocrate.

Mais pour l'heure, aucun parti n'a intérêt à faire tomber un exécutif si populaire avant la fin de la législature au printemps 2013. « L'objectif du gouvernement Monti est très clairement d'approuver des réformes structurelles au plus vite » analyse un ancien conseiller de Romano Prodi « afin que quelque soit la future majorité qui sortira des urnes, on ne puisse plus revenir en arrière et tout faire sauter ».