Quel Vladimir Poutine les Russes enverront-ils au Kremlin ?

Par François Roche  |   |  898  mots
Au cours de sa campagne, Vladimir Poutine a donné des signes très contradictoires quant à la politique qu'il entendait mener. Copyright AFP
La question n'est pas de savoir si Vladimir Poutine sera le nouveau président russe, mais quel habit endossera le nouveau président au cours de son mandat: celui du chef autoritaire, de l'oligarque ou du réformateur ?

Ces élections présidentielles russes ne sont pas celles que Vladimir Poutine souhaitait. Dans le projet initial, il devait être porté "naturellement" à la candidature par le succès de Russie Unie aux élections lmégislatives, la décision de Dmitri Medvedev de ne pas solliciter un nouveau mandat aurait dû ne susciter aucune interrogation dans la population russe, et le retour au Kremlin de Vladimir Vladimirovitch devait s'inscrire dans le cadre de la "stabilisation" de la Russie, c'est à dire du maintien au pouvoir des clans qui la dirigent aujourd'hui. L'histoire qui s'est écrite depuis quelques mois est toute différente: les Russes de la classe moyenne ont vécu comme une humiliation le fait que Poutine envisage de se réapproprier le Kremlin selon un processus de succession automatique. Et ils ont particulièrement mal vécu la triche aux élections législatives de décembre 2011, au point de susciter la formation, pour la première fois depuis plus de dix ans, d'un véritable mouvement d'opposition, manquant certes d'une base idéologique structurée et d'un leader incontesté, mais infligeant néanmoins au pouvoir poutinien une sacrée leçon de libre expression. 

Le mythe s'est érodé

Le mythe du personnage providentiel, rendant à la Russie son lustre d'antan, lui donnant à nouveau une position de premier plan sur l'échiquier international, tout en conduisant avec fermété le renouveau économique et social du pays, s'est érodé. Le retournement de l'économie russe depuis 1998 est attribué essentiellement à la remontée des cours du pétrole, mais cette manne a été mal gérée. Entre 2007 et 2011, le déficit du budget (hors revenus pétrtoliers) est passé de 5,3% du PIB en 2007 à 11,2% en 2011. Si Vladimir Poutine va au bout se ses promesses d'investir 164 milliards de dollars dans les dépenses sociales au cours des six prochaines années, le niveau de prix du baril nécessaire pour équilibrer le budget de la Fédération passerait de 117 à 130 dollars. Même si la Russie présente aujourd'hui une situation financière que beaucoup de pays européens lui envierait (avec une dette de 11% du PIB...), la gestion de l'économie russe au cours des prochaines années va nécessiter des choix drastiques en matière de baisse des dépenses publiques et de hausse des revenus.

Homme du passé ou du futur ? 

Sous quel personnage Vladilmir Poutine va-t-il se révéler aux yeux des Russes, à l'occasion de son retour au Kremlin ? Le plus connu pour l'instant est celui du leader autoritaire, théoricien moderne de la verticale du pouvoir, adepte du contrôle de l'Etat sur l'économie, méfiant à l'encontre des oligarques libre-penseurs, confiant dans la rôle du complexe militaro-industriel comme vecteur de la modernisation et de l'ouverture de la Russie vers les nouvelles technologies. Mais cette approche est aujourd'hui obsolète. La "verticale du pouvoir" a davantage servi à neutraliser les opposants et les leaders régionaux récalcitrants plutôt qu'à fonder un nouvel ordre politique. L'augmentation de la corruption des élites politiques a ôté toute chance de favoriser l'émergence d'une nouvelle classe de dirigeants soudés autour d'objectifs communs et uniquement soucieux de l'intérêt général. Le second personnage est celui de l'oligarque d'Etat. Vladimir Poutine a permis l'élmergence d'une nouvelle catégorie d'hommes d'affaires, proches du pouvoir, et ayant investi lourdement dans des activités stratégiques, dans lesquelles l'Etat est présent ou à l'affût. Cette vision d'un capitalmisme étatique puissant et fermé, ne correspond pourtant guère aux aspîrations de la nouvelle élite russe qui milite pour davantage d'ouverture, pour le développement des PME, pour la désétatisation du secteur bancaire et pour davantage de neutralité de la puissance puiblique dans les affaires du secteur privé. Enfin, le troisème personnage pourrait être celui du leader moderniste et libéral qu'une partie de la Russie attend. Au cours de sa campagne, Vladimir Poutine a donné des signes très contradictoires quant à la politique qu'il entendait mener. Ses appels à la libéralisation de l'économie ont été nombreux, tout comme ses avertissements sur la lutte contre la corruption ou la désengagement de l'Etat de l'économie. Le problème est que dans d'aurtres interventions, il a tenu des positions inverses. 

Engager une vrai diversification

Il reste que la Russie ne peut pas rester inerte face à sa dépendance vis à vis des revenus du pétrole et du gaz. Pour moderniser le pays en profondeur, pour renouveller le potentiel énergétique, pour construire des infrastructures pétrolières, gazières et logistiques, la Russie doit mobiliser d'énerormes capacités financières, qui vont bien au dela des recettes pétrolières, même optimisées. Comme la campgane électorale a été réduite à sa plus simple expression, que Vladimir Poutine s'est refusé à débattre avec ses opposants, les Russes qui vont voter dimanche, vont probablement confier le Kremlin à une sorte de mystère politique. Il sait que son crédit est entamé, que la société russe cherche d'autres réponses à ses questions que la verticale du pouvoir, que les économistes et les investisseurs attendent des signes clairs d'ouverture et de libéralisation économique. Mais pour l'heure, il se tait, gardant probablement ses intentions réelles pour l'après-élection, ce qui témoigne une d'une conception plutôt inhabituelle de la démocratie.