Triomphe en vue pour Poutine... avec gueule de bois assurée

Par Emmanuel Grynszpan, à Moscou  |   |  528  mots
Les derniers sondages donnaient à Poutine une large majorité, avec entre 60 et 66% d'intentions de vote. Photo : Reuters
Vladimir Poutine entend avec le vote de dimanche régner six années supplémentaires, mais sa légitimité est fragilisée et ses promesses électorales paraissent démesurées par rapport aux ressources du pays.

Vladimir Poutine termine une campagne présidentielle mal commencée avec la certitude qu'il va remporter les élections présidentielles dès le premier tour dimanche. Fin septembre, en annonçant son retour au pouvoir via un échange de postes avec son président Dmitri Medvedev, Vladimir Poutine avait humilié les Russes et vu sa popularité piquer brusquement. Il a redressé la situation à force de promesses électorales démagogiques (énormes dépenses sociales et impôt sur le luxe) et en agitant l'épouvantail d'une mystérieuse menace étrangère. Les derniers sondages lui donnent une large majorité, avec entre 60 et 66% d'intentions de vote, selon différents instituts.

Télévision d'Etat complaisante

Un plébiscite en partie faussé du fait que Vladimir Poutine dispose d'une télévision d'Etat complaisante et se dispense d'affronter en débat ses adversaires, eux-mêmes sélectionnés par le Kremlin pour leur notoire incapacité à mobiliser l'électorat. Personne n'est venu lui apporter de contradiction sur ses promesses électorales, qui selon certaines estimations, vont coûter autour de 122 milliards d'euros au budget russe d'ici 2018. De telles dépenses ne pourront être supportées par le budget que si le prix du baril de pétrole se maintient dans les prochaines années au-dessus des 150 dollars (il avoisine 125 dollars ces derniers jours). En s'accroissant, la classe moyenne se détourne désormais de Vladimir Poutine, voyant en lui un autocrate nourrissant un système népotique qui bloque le développement économique du pays. "Les manifestations massives de ces derniers mois ont clairement révélé qu'il ne disposait plus de l'immense majorité de jadis", note Masha Lipman, politologue, ajoutant : "Les gens pensent maintenant à l'après-Poutine."

Où est passé le président actuel?

Et Dmitri Medvedev dans tout ça ? Le président a quasiment disparu de la sphère politique et médiatique après avoir annoncé en septembre dernier qu'il était d'accord pour échanger les rôles avec son Premier ministre. "Vladimir Poutine et son entourage ne doutent pas de leur victoire dès le premier tour, mais ils s'efforcent de faire oublier cet échange des rôles qui a tant irrité la population, c'est pourquoi Dmitri Medvedev fut si discret durant la campagne", explique le politologue Evgueni Mintchenko. Or, l'échange a aussi exaspéré les élites. Selon le politologue Alexeï Moukhine, tous voient une crise du pouvoir. "Ceux qui avaient misé sur Medvedev contre Poutine sont furieux qu'il ait sacrifié ses opinions libérales en même temps que son ambition présidentielle. Les conservateurs voient la crise dans le retour de Medvedev à la direction du gouvernement. Nombreux sont ceux dans l'entourage de Poutine qui sont exaspérés et qui mènent une action de lobbying pour que Medvedev soit écarté." Personne n'est content, alors que l'arbitre suprême voit sa légitimité et sa popularité s'éroder inexorablement. Dans ce contexte, il aura de plus en plus de mal à maintenir l'équilibre entre les clans. Son pouvoir n'est peut-être pas tant menacé par les cris d'une opposition émiettée que par les coups de boutoir que vont s'échanger les nombreux « numéros deux » du Kremlin.