L'économie japonaise ne se remet pas du choc Fukushima

Par Par Sébastien Dubas, Le Temps (Genève)  |   |  852  mots
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Un an après Fukushima, l'économie japonaise reste sous perfusion L'effort de reconstruction se monte à plusieurs centaines de milliards de francs. En 2011, l'économie nippone s'est contractée de 0,9%

Une année après la catastrophe de Fukushima, le gouvernement japonais se veut optimiste. Il table sur une croissance de 2,2% du produit intérieur brut (PIB) pour 2012. Pourtant, l?industrie nippone peine à se remettre du cataclysme. Le séisme et le tsunami ont non seulement causé la mort de 20?000 personnes dans la région du Tohoku (nord-est), mais ils ont également détruit de nombreuses usines et infrastructures.

Après avoir été entravée durant de longs mois, la production industrielle a quasiment retrouvé son niveau de fin 2010. Au final, l?économie japonaise s?est toutefois contractée de 0,9% en 2011. Malgré un effort de reconstruction national qui s?élève déjà à près de 18?000 milliards de yens (204 milliards de francs environ), le Japon n?a donc pu éviter une nouvelle année de récession. Comme en 2008 (-1%) et en 2009 (-5,5%), lors de la crise financière internationale.

Catastrophes en chaîne

La reprise économique a été d?autant plus compliquée qu?avec seulement 3 des 54 réacteurs nucléaires du pays qui fonctionnent à l?heure actuelle, le gouvernement est obligé de recourir à l?achat de gaz naturel étranger pour compenser l?effondrement de sa production d?électricité. Selon Raymond Van Der Putten, économiste chez BNP Paribas et spécialiste du Japon, l?augmentation des importations d?énergie est d?ailleurs «la principale raison pour laquelle la balance commerciale est devenue négative en 2011, pour la première fois en trente et un ans».

Aujourd?hui, le premier ministre japonais, Yoshihiko Noda, se veut rassurant. Il souligne que «le processus de redressement génère des forces puissantes qui encouragent l?innovation». Pourtant, les grands noms de l?industrie électronique (Sony, Panasonic ou Sharp) ont tous annoncé que leur année 2012 (qui se termine au 31 mars) se soldera par des pertes record.

Car en plus d?avoir été frappées par la catastrophe de Fukushima, les grandes entreprises japonaises ont également été privées d?une partie de leur approvisionnement à cause des inondations de l?été en Thaïlande. Quant à la crise de la dette en Europe, elle a plombé la demande mondiale et limité les débouchés pour les produits japonais. Au dernier trimestre 2011, les exportations, un des moteurs de l?économie nippone, ont chuté de 11,9%.

Les failles du modèles japonais

Les failles du modèle japonais n?ont toutefois pas attendu la catastrophe du 11 mars 2011 pour apparaître au grand jour. Suite à l?éclatement d?une bulle spéculative au début des années 1990, le pays a connu une «décennie perdue» dont il ne s?est jamais remis. Si bien que vingt ans plus tard, la dette publique excède 200% du PIB. Cette dette record a toutefois l?avantage d?être détenue à 95% par les Japonais eux-mêmes. Mais aujourd?hui, c?est le vieillissement de la population qui rogne l?épargne de tout un peuple. Selon les dernières estimations officielles, le nombre d?habitants pourrait passer de 128 millions actuellement à 87 millions en 2060.

En janvier, le gouvernement a donc présenté une réforme fiscale qui doit permettre de financer la reconstruction du pays, pérenniser le système de protection sociale et contenir la dette. Un projet de loi visant à doubler la taxe sur la consommation (TVA) doit être proposé d?ici à fin mars. De 5%, elle devrait passer à 10% en octobre 2015. Raymond Van Der Putten doute cependant que le plan soit accepté. «Le relèvement de cet impôt est farouchement combattu par l?opposition, mais aussi par certains membres du Parti démocratique au pouvoir», explique-t-il.

La consommation baisse

Enfin, l?économie japonaise doit faire face à une monnaie qui continue à s?apprécier et à une déflation qui dure depuis bientôt trois ans. En excluant l?alimentation et l?énergie, les prix à la consommation ont encore reculé de 0,9% sur un an au mois de janvier. Du coup, les Japonais préfèrent repousser leurs achats à plus tard. Au mois de janvier, la consommation des familles a baissé de 2,3% d?après les statistiques du Ministère des affaires intérieures. Pour tenter d?enrayer le phénomène, les autorités pressent la banque centrale pour qu?elle assouplisse sa politique monétaire. Avec un certain succès puisque le 14 février l?institution monétaire a déclaré que son nouvel objectif serait de faire remonter l?inflation à 1%.

En attendant, «le gouvernement estime les coûts de reconstruction, à l?exclusion de ceux liés à la catastrophe nucléaire, à 19?000 milliards de yens [ndlr environ 215 milliards de francs] sur les cinq prochaines années», souligne Raymond Van Der Putten. Alors que les exportations pourraient continuer à pâtir de la modération de la demande mondiale et de l?appréciation du yen, «la demande intérieure devrait, en revanche, être dynamique grâce à la montée en puissance de l?activité générée par la reconstruction», conclut-il. De quoi, selon lui, éviter une nouvelle année de récession.

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