L'étonnante absence de poursuites pénales ou civiles après la catastrophe de Fukushima a pris fin lundi 6 mars, presqu'un an après le séisme et le tsunami qui ont ravagé la centrale nucléaire japonaise. Des actionnaires de l'électricien Tepco, qui exploitait les réacteurs détruits, ont déposé une plainte devant les tribunaux, exigeant que 27 dirigeants (ou ex responsables) de Tepco indemnisent la compagnie ... afin que celle-ci puisse à son tour dédommager les victimes. Les 42 actionnaires réclament 51 milliards d'euros d'indemnités.
C'est grosso modo, à ce jour, le montant estimée de la facture de la catastrophe, selon des évaluations récentes d'un groupe d'experts mandatés par le gouvernement japonais. Ils estiment à 54 milliards d'euros la facture totale (l'équivalent d'une année de chiffre d'affaires pour l'électricien), dont 44 milliards pour les dédommagements et 10 milliards pour démanteler les quatre réacteurs détruits. Selon Tepco, quelque 1,5 million de Japonais pourraient être en droit de réclamer une indemnité, bien au-delà donc des 100.000 personnes évacuées du périmètre de 20 kilomètres autour de la centrale.
Une capitalisation boursière divisée par 10
Tepco est incapable de faire face. Y compris aux premiers dédommagements à régler qui s'élèvent à 16,4 milliards d'euros. L'Etat lui a déjà fait deux avances, en novembre et en février dernier, qui représentent 90% de cette somme. En échange, le gouvernement a la ferme intention de récupérer un droit de regard sur la gestion du premier électricien japonais. Pour l'heure, le management lutte farouchement contre toute perspective de nationalisation. Mais sa marge de man?uvre est limitée.
Tepco a vu sa capitalisation boursière divisée par dix depuis le 11 mars 2011. Quelque 35 milliards d'euros se sont volatilisés. Sur le plan opérationnel, non seulement Tepco ne gagne plus d'argent avec le nucléaire - 16 de ses 17 réacteurs sont à l'arrêt, mais en dépense beaucoup en important à grand frais pétrole et gaz pour alimenter ses centrales thermiques. Sur les neuf premiers mois de l'année 2011/2012, l'électricien a perdu 6,2 milliards d'euros. Il s'attend à en perdre 800 millions supplémentaires d'ici à la fin de son exercice le 31 mars, après un plongeon de 11 milliards d'euros l'an dernier, en raison de dépréciations massives.
L'opérateur veut emprunter 10 milliars d'euros
Pour tenter de ne pas tomber dans les bras de l'Etat, Tepco multiplie les propositions... jugées pour l'heure insuffisantes par Tokyo. Le gouvernement a ainsi demandé que Tepco aille au-delà de la baisse de 20% des salaires du groupe déjà décidée, en descendant à 72.000 euros le salaire annuel moyen, ce qui représenterait encore le double de la moyenne nationale. Surtout, Tokyo persiste à refuser les augmentations de tarifs demandées par Tepco (+10% pour les particuliers, +17% pour les industriels). Et insiste pour que l'électricien aille plus loin dans les cessions d'actifs, expliquant que 36% des avoirs de la compagnie sont sans rapport avec la production d'électricité (actifs financiers, biens immobiliers, centres de soins).
L'électricien japonais, qui persiste à tabler sur un retour à l'équilibre en 2013/2014, sous réserve de pouvoir emprunter 10 milliards d'euros aux banques, doit annoncer d'autres mesures d'économies en mars.
S'il survit financièrement, l'électricien aura d'autres problèmes à régler. Jusqu'à présent, seul le PDG Masataka Shimizu a démissionné fin mai dernier. Aucune sanction n'a été prise à la suite des nombreux manquements et dissimulations de Tepco qui sont dévoilés presque chaque semaine depuis la catastrophe. Sans compter les sous-évaluations presque systématiques des rejets radioactifs. En octobre dernier, l'IRSN français a rendu public des chiffres vingt fois supérieurs à ceux de Tepco...
Sujets les + commentés