L'Iran compte sur le soutien des pays non-alignés face à l'Occident

Par Jérémie Pham-Lê (avec AFP)  |   |  803  mots
Le président iranien Ahmadinejad s'entretient avec le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon après son arrivée mercredi à Téhéran pour la conférence des pays non-alignés. Copyright Reuters
Les dirigeants d'une centaine de pays Non-Alignés se retrouvent ce jeudi à Téhéran pour un sommet où l'Iran espère un soutien face à l'Occident, mais qui pourrait être terni par le dernier rapport de l'ONU sur son programme nucléaire controversé. Premier succès pour Téhéran, la venue du nouveau président égyptien Mohamed Morsi, signant les retrouvailles entre les deux pays, depuis 1980, après le traité de paix signé entre l'Egypte et Israël.

Le 16e sommet du mouvement des non-alignés, qui s'ouvre ce jeudi à Téhéran, donnera à l'Iran pour trois ans la présidence tournante de cette organisation datant de la guerre froide, largement assoupie depuis. Mais le pays d'Ahmadinejad souhaite redonner de l'impulsion à cette institution pour faire pièce aux grandes puissances, en particulier aux Etats-Unis (voir ci-dessous).

Démocratiser le Conseil de sécurité de l'Onu

Sous la houlette iranienne, le sommet devrait notamment condamner les sanctions unilatérales occidentales dont plusieurs de ses membres, Iran en tête, sont frappés pour leur politique nucléaire ou leurs violations des droits de l'Homme.

Il pourrait également manifester des positions rejoignant celles de Téhéran sur plusieurs thèmes traditionnels au mouvement des non-alignés: "démocratisation" du Conseil de sécurité de l'Onu visant à réduire l'influence des grandes puissances, rejet de toute ingérence dans les affaires intérieures de ses membres - avec la crise syrienne en toile de fond -, soutien à la création d'un Etat palestinien, appel au désarmement nucléaire.

Le sommet devrait aussi réaffirmer le droit de toutes les nations à l'énergie nucléaire pacifique, avancé par l'Iran pour justifier son ambitieux programme face à une partie de la communauté internationale qui le soupçonne de chercher, malgré ses démentis, à se doter de l'arme atomique. Téhéran espère en effet utiliser cet événement pour prouver que les Occidentaux n'ont pas réussi à l'isoler, au grand dam des Etats-Unis et d'Israël qui ont tenté en vain de dissuader plusieurs dirigeants d'y assister, dont le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon.

Rapport critique de l'AIEA sur le programme nucléaire iranien

M. Ban a toutefois profité de sa visite à Téhéran pour demander fermement mercredi aux principaux dirigeants iraniens de répondre "urgemment" et par des "progrès concrets" aux inquiétudes internationales sur leur programme nucléaire.
Il a aussi dénoncé clairement les atteintes aux droits de l'Homme en Iran, ainsi que les appels répétés des dirigeants iraniens à l'"éradication" d'Israël comparé à une "tumeur" au Moyen-Orient.

De même, l'image positive que l'Iran souhaite donner au monde à l'occasion du sommet pourrait également être ternie par la publication, jeudi ou vendredi, du dernier rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qui devrait à nouveau montrer que Téhéran continue d'étendre ses activités nucléaires en violation de plusieurs résolutions de l'Onu.

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Le mouvement des pays non-alignés, une organisation née dans le contexte de la guerre froide

Les premiers balbutiements du mouvement des non-alignés remontent à l'année 1955, durant l'époque de la décolonisation. 29 pays, la plupart ayant acquis récemment leur indépendance, se réunissent à Bandung, en Indonésie, pour renforcer leurs liens diplomatiques et aborder les grands enjeux géopolitiques. Les questions autour de l'émancipation des peuples maghrébins, l'apartheid sud-africain ou le conflit israélo-arabe sont notamment abordées. Une nouvelle entité mondiale s'apprête à voir le jour, avec pour seul leitmotiv : la liberté.
 
Un an après la conférence, en 1956, quatre chefs d'Etats -Tito, Nasser, Nehru et Sihanouk - se retrouvent en Yougoslavie pour poser les premières bases du futur mouvement. L'idée est de créer un 3e bloc mondial assez puissant pour contrer l'influence des deux grandes puissances mondiales que sont les Etats-Unis et l'URSS. La Guerre froide fait en effet rage et l'ordre politique mondial est soumis à une bipolarisation. Pacifique, le mouvement sera placé sous l'égide des principes d'égalité et de respect mutuel.
 
Mais c'est seulement cinq ans après, en 1961, que la première réunion officielle des non-alignés voit le jour à Belgrade, toujours en Yougoslavie. Cette nouvelle conférence marque l'arrivée de nouveaux pays en provenance de l'Amérique du sud. Tous les continents sont désormais représentés grâce à la participation de 25 Etats. Les grands principes de 1956 sont entérinés et adoptés : neutralité, non-ingérence dans les affaires intérieures, non-agression mutuelle...

En bref, l'harmonie est le maître mot des non alignés. Les années 1960 et 1970 marquent l'essor du mouvement, avec notamment la création de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) en 1964. Cet organisme vient en aide aux pays en développement pour tirer le meilleur parti de leur commerce.

Durant ces années fastes, tous les pays du Tiers-Monde bénéficient d'une reconnaissance mondiale grâce à l'appui du mouvement. Mais les années 1990 et la chute de l'URSS signent le ralentissement du mouvement. Depuis, les non-alignés cherchent toujours un souffle de renouveau. Après 42 ans d'existence et 15 sommets, le mouvement comporte désormais 118 Etats membres et 17 Etats observateurs.