Le "Gandhi" de Lisbonne, c'est son maire...

Par Marie-Line Darcy, à Lisbonne  |   |  505  mots
A Lisbonne, le mois dernier. L'activité économique portugaise s'est contractée au deuxième trimestre, avec un recul de 1,2% du PIB par rapport au trimestre précédent, accentuant la récession dans un pays déjà malmené par le chômage, qui culmine à un niveau historique dans un contexte d'austérité sévère.
António Costa, le maire de la capitale portugaise, a installé son bureau et ses équipes en plein cœur du quartier mal famé et mal aménagé de la Mouraria. Il a ainsi réussi à donner le coup d'envoi d'un grand programme de réhabilitation.

Imaginez le maire de Paris s'installant à Barbès, ou celui de Marseille déplaçant ses secrétariats au c?ur de Bellevue... Même pas en rêve, diront certains. À Lisbonne, M. le maire l'a fait. En 2011, le socialiste António Costa a transporté bureau, ordinateurs et équipes place de Intendente, en plein c?ur du quartier mal famé et mal aménagé de la Mouraria. Un coup médiatique pour faire parler de ce quartier à la mauvaise réputation, qui n'est pourtant qu'à dix minutes à pied du centre touristique et commercial de la capitale portugaise.

Mais la Mouraria, stigmatisée depuis le Moyen Âge - car quartier attribué aux Maures après la reconquête catholique - ressemble davantage à une banlieue à problèmes : délabrement urbain, conditions sociales difficiles, population vieillissante et mélange de 38 nationalités différentes. Un tableau que viennent compléter le trafic de drogue et la prostitution.
Le maire, qui a donc créé une vraie surprise en s'installant sur l'une des places les plus mal famées de Lisbonne, a donné ainsi le coup d'envoi d'un grand programme de réhabilitation urbaine d'un montant de 14 millions d'euros. La moitié des fonds provient du QREN, financé à 65% par le Feder européen. Les sept autres millions d'euros proviennent de la mairie et du Piparu, prêt de la Banque européenne d'investissement (BEI).

« La Mouraria, c'est l'?uvre de mon mandat »

L'aménagement urbain - rues, places, illuminations - est achevé. Et les différents édifices publics, comme le centre social, ou l'espace dédié au fado, genre musical né dans le quartier, seront terminés en juillet 2013. Seul un ambitieux Centre de l'innovation de 2 millions d'euros a pris du retard. Enfin, 1 million d'euros est affecté au projet social lié à la réhabilitation.
La mairie de Lisbonne a acheté plusieurs édifices, qu'elle a pu rénover et vendre à prix préférentiels... « Nous voulons attirer les jeunes. Les appartements sont 30% moins chers qu'ailleurs en ville. Mais il s'agit d'éviter la spéculation, pour conserver la mixité sociale du quartier », explique João Meneses, le responsable du cabinet d'intervention ad hoc de la mairie.
La demande des permis de réhabilitation, après un recul de trois ans, repart à la hausse. Mais beaucoup d'édifices trop mal en point devront en passer par l'investissement privé. Leur réhabilitation atteint parfois 1,5 million d'euros. La mairie espère que le nouveau projet de cofinancement européen pour 2014-2020 aboutira, pour éviter la spéculation immobilière.« L'?uvre de mon mandat, c'est la Mouraria », explique non sans malice le chaleureux maire, que certains surnomment « le Gandhi de Lisbonne ». Pas de construction de pont sur le Tage ni de bibliothèque mégalomane pour le modeste mais très politique António Costa. Son mandat prend fin en octobre 2013. Avec ou sans lui, l'élection sera de toute façon âprement disputée, car « qui tient Lisbonne tient le pays ». En attendant, les touristes découvrent le plaisir de s'encanailler dans la Mouraria.