Paradis fiscaux : l'OCDE va exiger une vraie transparence sur les bénéficiaires des comptes bancaires

Par Ivan Best  |   |  639  mots
Copyright Reuters
Le classement OCDE des bons élèves de la transparence fiscale réserve des surprises. Si la Suisse avance sur le sujet, étant quasiment prête à lever son secret bancaire, jusqu'à maintenant, les îles Caïman faisaient mieux qu'elle ou l'Autriche. Le nouveau standard qu'étudie l'OCDE, à la demande du G20 -l'échange automatique d'informations entre administrations- comportera un volet important s'agissant de la transparence: les Etats devront remonter la cascade de sociétés masquant le propriétaire réel des comptes bancaires

Entre l'image que l'opinion se fait des paradis fiscaux et la réalité, il y a parfois comme un écart. Qui sait que les îles Caïman ont fait beaucoup d'efforts pour se mettre en conformité avec les standards actuels de l'OCDE contre l'évasion fiscale, à savoir l'échange d'informations à la demande, entre administrations ? Le dernier rapport de l'OCDE, remis à l'occasion de la réunion du G20 le week-end dernier (qui a officialisé la détermination des grands pays industriels à mettre en place l'échange automatique d'informations fiscales), est éclairant, à cet égard. La centaine de pays membres du forum pour l'échange d'informations a été passée sous revue dans le cadre de la phase 1, c'est-à-dire l'adaptation du droit interne aux exigences formulées par l'organisation internationale.


On apprend ainsi que les îles Caïman ont accompli de louables efforts de mise en conformité. Tant en ce qui concerne le secteur bancaire, que la comptabilité ou surtout la recherche du véritable propriétaire des comptes. C'est le cas, aussi, de Singapour, dont il a été beaucoup question grâce ( ?) à Jérôme Cahuzac, qui n'est plus vraiment un paradis de tout repos, du point de vue des candidats à l'évasion fiscale. Les Seychelles, aussi, ont fait beaucoup de progrès, tout comme l'île de Man, pourtant bien connue pour être un place de défiscalisation, ou le Qatar.

La Suisse, mauvaise élève, jusqu'à maintenant
En revanche, l'Autriche se range clairement parmi les mauvais élèves, notamment du point de vue de l'identification des propriétaires de comptes : le secret bancaire continue, jusqu'à ce jour, à y être bien gardé. C'est le cas, aussi, pour la République Tchèque, la Hongrie, et, sans surprise, le Liechtenstein, où il est encore possible d'ouvrir un compte protégé de toute intrusion administrative, en quelques minutes, comme l'a montré une enquête des journalistes d'Alternatives économique. Le Luxembourg fait partie de cette liste, mais il a annoncé vouloir renoncer au secret bancaire, sous la pression des autorités américaines, qui empêcheraient, dans le cas contraire, toute activité des banques luxembourgeoises sur le territoire des Etats-Unis. La Suisse, qui envisage de fait de lever son secret bancaire à partir de 2015,  faisait aussi figure, juisqu'à maintenant, de très mauvais élève, refusant de chercher à identifier les bénéficiaires d'un compte ouvert au nom d'une société ou d'un trust. Mais là aussi, les choses devraient évoluer.
Au-delà, le Liban, la Turquie, le Libéria, Panama, les îles Marshall, le Libéria, sont très mal classés. Tout comme Brunei, le Costa Rica, le Guatemala, les Emirats arabes unis.

Les limites du classement
Bien sûr, ce classement comporte des limites, que le directeur du Centre de politique fiscale de l'OCDE, Pascal Saint-Amans, reconnaît volontiers. La transparence sur le propriétaire du compte n'est pour l'instant exigée de la part des Etats que dans le cadre du pays où est abrité le compte. Autrement dit, si un société panaméenne possède un trust qui lui-même est propriétaire d'un compte aux îles Caïman, le bénéficiaire ultime risque fort de rester dans l'ombre.
Une situation dénoncée par les ONG, et dont ne se satisfait pas l'OCDE, qui veut avancer sur ce point.

Remonter le chaîne des sociétés écran
La nouveau standard d'échange automatique d'informations entre pays, auquel l'OCDE travaille actuellement à la demande du G20, « devra permettre d'aller au-delà », souligne Pascal Saint-Amans. « Il faudra pouvoir remonter la chaîne des sociétés écran jusqu'au bénéficiaire réel, au-delà des frontières ».
C'est « techniquement possible de mettre fin à toutes ces boîtes noires » affirme Daniel Lebègue, président de Transparency international France. « Même si cela ne se fera pas en trois semaines... ».