Gatsby, c'est un livre, des films... et un concept économique

Par Marina Torre  |   |  473  mots
Leonardo Di Caprio incarne le richissime Jay Gatsby dans l'adaptation de l'oeuvre de Francis Scott Fitzgerald par Baz Luhrman - Copyright Reuters
Jay Gatsby, le "magnifique" personnage de Francis Scott Fitzgerald étale à nouveau sa richesse sur grand écran ce mercredi dans l'adaptation de Baz Luhrman qui ouvre le festival de Cannes. Mais saviez-vous que le fameux milliardaire de fiction a également inspiré une thèse économique ?

Et si un chef d'?uvre se reconnaissait aussi par les idées qu'il inspire... C'est sans doute le cas de Gatsby. Le héros de Francis Scott Fitzgerald a non seulement fait l'objet de multiples adaptations - dont la dernière au cinéma avec Leonardo Di Caprio dans le rôle-titre s'offre le luxe d'ouvrir le Festival de Cannes ce mercredi -, mais il est surtout devenu un archétype. Celui du milliardaire "parvenu", brillant exemple de "l'American dream", celui qui permet au fils de fermier de faire fortune, quitte, au besoin, à en passer par des affaires douteuses.

Plus la mobilité sociale est faible, plus les inégalités sont grandes

Par antithèse, l'économiste américain Alan Kruegman a fait de Gatsby un concept économique. Celui-ci tente de vérifier l'hypothèse selon laquelle les inégalités et la faible mobilité sociale d'un pays sont corrélés. En clair : moins les fils ont de chances d'être plus riches que leurs pères, plus les inégalités constatées sont grandes. Et inversement. Le principe est matérialisé par une courbe que ce professeur de Princeton a baptisée "courbe de Gatsby le Magnifique" (si l'on suit la traduction française de "Great Gatsby").

Sur l'axe vertical figure le niveau d'élasticité intergénérationnelle des revenus qui mesure la différence entre le revenu des enfants et celui des parents en 2011. Dans ce cas précis, aux Etats-Unis, si un père gagne 20% de plus qu'un autre, le fils du premier gagne en moyenne 8% de plus que celui du second. Plus cette élasticité est grande, plus la mobilité intergénérationnelle est faible. L'axe des abscisses fait quant à lui apparaître les inégalités mesurées par le coefficient de Gini.

"Le riche s'enrichit et le pauvre... a des enfants"

Il apparaît que les Etats-Unis font partie des pays les plus mal placés au monde. Derrière la France même, dont les élites et le système de Grandes Ecoles sont particulièrement pointées du doigt depuis quelque temps.

Outre-Atlantique, cette courbe de Gatsby a fait du bruit l'an dernier. Elle figure en effet dans le rapport annuel remis par les conseillers économiques de la Maison Blanche au président Obama en février 2012. L'idée défendue: pour lutter contre les inégalités, il faut renforcer le système scolaire afin qu'il autorise davantage de mobilité sociale. Quant à savoir si cette courbe démontre véritablement par les chiffres que le "rêve américain" ne vaut plus désormais que dans les livres ou sur grand écran... peut-être vaut-il mieux laisser le dernier mot à Fitzgerald : "Une chose est sûre et rien n'est plus certain. Le riche s'enrichit et le pauvre... a des enfants" (Gatsby, chapitre 5).